La médiation familiale sous la tutelle de l’Etat, en France ?

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L’indépendance de la médiation familiale est menacée de disparaitre. Avec la réponse du ministre de la justice, c’est une médiation sous tutelle qui risquerait d’être imposée en France, ouvrant la porte à toutes les incompétences et absurdité qui se dégagent déjà de l’existence du diplôme d’État de médiation familiale. Seuls les médiateurs professionnels resteront indépendants après cette attaque envers la liberté des citoyens d’avoir recours à une méthode alternative de résolution des conflits.

Un diplôme d’état de médiateur, c’est déjà assujettir la pratique de la médiation à la vision de l’état qui le délivre, donner le monopole des médiations judiciaires aux titulaires de ce diplôme c’est donc assujettir ces professionnels aux volontés, points de vue et fonctionnement de l’état.

Question écrite posée par M. Bapt Gérard (Haute-Garonne – Socialiste, radical, citoyen et divers gauche) au Ministère de Justice

M. Gérard Bapt attire l’attention de Mme la secrétaire d’État chargée de la famille et de la solidarité sur la complexité du fonctionnement de la médiation familiale et plus particulièrement l’exercice de la médiation à titre libéral. En effet, les médiateurs indépendants rencontrent les plus vives difficultés dans l’exercice de leurs fonctions dans la mesure où la Cnaf ayant passé conventions avec le ministère de la justice et le ministère de la famille, les tribunaux ne requièrent la médiation qu’aux seuls services conventionnés et subventionnés. Il existe un clivage discriminatoire entre ces services “labellisés” et les travailleurs indépendants qui sont pourtant formés alors que concrètement, peu arrivent à vivre de leur activité et doivent en exercer une autre pour subsister. Il est à noter que les dispositifs d’orientation varient selon les tribunaux qui ont ainsi chacun leurs spécificités en la matière. Ainsi, en région PACA, il existe une antenne de médiation familiale au TGI, à titre libéral, mais cet exemple ne représente pas la règle au niveau national. De même, se pose une difficulté d’ordre déontologique comme éthique dans la mesure où nombreux sont ceux, issus du monde de l’entreprise, qui peuvent s’installer sans diplôme d’État de médiateur familial et qui ont obtenu un diplôme universitaire ou via des organismes privés de formation. Le diplôme d’État semble ne pas être protégé comme seul et unique critère de formation et de compétences pour exercer en tant que médiateur familial. Enfin, les services associatifs subventionnés absorbent la quasi-totalité des médiations et se constituent dans certains départements en monopoles. Il souhaiterait en conséquence connaître sa position et les mesures qui pourraient être envisagées afin de permettre à ces professionnels diplômés d’exercer dans les meilleures conditions.

Réponse du ministère : Justice et libertés parue au JO le 14/12/2010

La médiation familiale, consacrée par la loi n° 2002-305 du 4 mars 2002 relative à l’autorité parentale, est un dispositif de soutien à la parentalité qui permet d’assurer par l’intervention d’un tiers la préservation ou la restauration des liens entre les membres d’une famille dissociée ou en danger de dissociation, de maintenir les rôles parentaux au-delà de la séparation et de favoriser la gestion des conflits familiaux, en recherchant des accords durables, et ce dans l’intérêt de l’enfant. Le ministère de la justice et des libertés a signé le 30 juin 2006 avec ses partenaires (le ministère du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité, la Caisse nationale d’allocations familiales et la Caisse centrale de mutualité sociale agricole) le protocole national de développement de la médiation familiale afin de promouvoir ce dispositif d’aide parentale et d’en assurer le financement. Le protocole national se décline ensuite en protocoles départementaux. Ce dispositif a été renouvelé, pour une période de trois ans, le 16 novembre 2009. Les mesures de médiation judiciaire ne représentent qu’un tiers du nombre total des médiations familiales. Ainsi, sur les 13 443 mesures de médiation familiales réalisées en 2009, seules 4 672 étaient ordonnées par les juges. Les médiés conservent l’entière latitude d’entamer à leur initiative une médiation de nature conventionnelle et d’avoir recours à un médiateur familial exerçant en libéral. À cet égard, on dénombre 8 771 mesures de médiation familiale conventionnelles en 2009. Par ailleurs, le diplôme d’État de médiateur familial est délivré par le ministère du travail, de la solidarité et de la fonction publique, qui est l’autorité administrative compétente pour en assurer également l’évaluation. Le ministère de la justice et des libertés, pour sa part, est favorable à ce que la profession de médiateur familial soit protégée en n’autorisant l’exercice de la médiation familiale qu’aux seuls titulaires du diplôme d’État, qu’ils soient salariés ou médiateurs indépendants.

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La Vie de Pères
11 années plus tôt

Pour la Belgique, sur le site http://www.separation-parentale.eu   …. NOUVEAU : REGARD ENRICHI SUR L’ALIÉNATION PARENTALE   A LA LUMIÈRE DES APPORTS DE W. BERNET ( « PARENTAL ALIENATION) d’une part ET MF. HIRIGOGEN ( ABUS DE FAIBLESSE SUR MINEURS) d’autre part.   Ce texte est celui qui a servi de base à la conférence donnée par Benoît Van Dieren à la conférence donnée au Colloque du 14-09- 2012 à la Faculté de Droit de Louvain La Neuve sur le thème : … « QUELS MODES D’INTERVENTION DANS LES CONFLITS PARENTAUX ?  »   … NOUVELLES PRATIQUES, NOUVEAUX REGARDS … La conférence,… Read more »

La Vie de Pères
12 années plus tôt

« Nous savons que les mentalités évoluent très lentement, il faudra encore attendre quelques années »…   Bien d’accord avec cette évidence… mais… il ne faut SURTOUT pas oublier qu’en 1er lieu, ce sont les « Robes Noires » qui s’opposent farouchement à toute amélioration de la situation des séparations / divorces dont ils tirent la majorité de leurs richesses ! En Belgique, les divorces conflictuels représentent 60 %. Les 40 % des autres divorces se conflictualisent aussi (du moins une partie qui est inconnue), et ce, grâce aux interventions d’avocats (menteurs) qui mettent de l’huile sur le feu… pour gagner un peu plus d’argent…… Read more »

Marie Drummond
13 années plus tôt

La médiation familiale a son diplome d’état…je ne vois pas très bien ce que cela m’a apporté de plus dans mon parcours si ce n’est beaucoup de travail pour le passer (qui n’implique pas que je sois une meilleure médiatrice!). Comme mon prédécesseur, je voudrais redire que la médiation n’est pas une justice bis! J’entends beaucoup de pères qui l’imagine comme cela -et qui sont souvent desespérés par ces médiations faites par des femmes…pour des femmes!- mais la médiation n’est pas cela….c’est créer un espace entre les personnes, grâce à  la présence d’un tiers qui va focaliser, signifier cet espace pendant… Read more »

Natacha Tychowski-Viaud
Natacha Tychowski-Viaud
12 années plus tôt
Reply to  Marie Drummond

Bonjour Je suis détentrice du Diplôme d’Etat de Médiateur familial (première promo produite en 2007).  Ce diplôme constitue une « balise » pour les usagers de la médiation familiale qui leur garantie un cadre basique de professionnalisation du praticien qu’ils sollicitent. Je pense que ce diplôme est nécessaire pour « légitimiser » une profession quoi qu’on puisse en dire, au même titre que sa « rémunération ». Cependant forte d’une expérience longue en Belgique je constate que le « système » français persiste à cantonner et réduire la pratique médiation familiale à une pratique au sein d’institutions (associations etc..) subsidiées qui déprécient lamentablement cette légitimité du médiateur, par une « sous valeur » inadmissible de sa rémunération. Au… Read more »

Jérôme Messinguiral
13 années plus tôt

Cette méthode est une méthode alternative à la résolution de conflit, qui n’a rien en commun avec la justice. Le juge…juge en droit, le médiateur accompagne les protagoniste dans leur résolution du conflit. Le médiateur n’a pas à émettre de jugement sur la solution adopter, n’a pas à prendre parti pour l’un ou l’autre, n’est pas au service du juge.  Il a en plus un devoir de confidentialité des débats et donc aucun devoir quand à la production d’un rapport au juge si ce n’est la preuve que les parties sont venues ou non en médiation et s’il y a… Read more »

La Vie de Pères
13 années plus tôt

Cette procédure est-elle efficace pour pouvoir gérer les conflits ? Est-elle efficace pour pouvoir départager le vrai du faux ? Est-elle efficace pour déjouer les fausses accusations ? Car, en fait, les juges donnent raisons aux parents accusateurs qui se prétendent victimes alors qu’ils sont des manipulateurs destructeurs !!!…   …Et les juges condamnent – TROP SOUVENT –des parents honorables et normalement satisfaisants !!!…   …Et les experts psy, agrées auprès des tribunaux vont – TROP SOUVENT — dans le même sens… indécent !!!…   Elle est là la dérive que nous tentons d’éradiquer : une justice de malfaçons qui est une industrie du… Read more »

Jean-Louis Lascoux
Jean-Louis Lascoux
13 années plus tôt

Cette réponse du ministre témoigne de l’incompétence qui environne ce domaine. D’où proviennent les chiffres ? Quelle source ? Il est impossible d’identifier le nombre de médiations familiales conventionnelles. Aucune étude pointue n’a été réalisée. S’agit-il de médiations impliquant des conjoints seuls ? Des conjoints avec enfant(s), soit des parents ? S’agit-il de médiation impliquant des fratries ?  Le ministre ne précise pas de quoi il parle. Médiation conjugale, médiation parentale ou autre ??? Ce genre de subtilité recouvrant des réalités très précises semblent tellement échapper au ministère qu’il continue de défendre l’idée de ce diplôme d’État à connotation franco-centrée… Read more »