Plaidoyer pour un nouveau Directeur des Ressources Humaines Médiateur

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Nombre de DRH expérimentés sont désormais confrontés à une contraction de leur « domaine de la lutte » au profit d’une fonction financière « omnipraticienne » qui revisite la fonction à la lumière des critères de l’amélioration de la valeur de l’Action ; nombre sont ceux qui délibérément s’engagent dans le « business Change Actor Model » en tentant de justifier le déplacement du métier vers une fonction quasi managériale…d’autres se drapent dans l’arrogance des vestiges du passé , nostalgiques de l’époque des DRH‘s moralisateurs et spécialistes des nouveaux concepts révolutionnaires de la gestion des hommes…

En fait, au delà de ces positionnements de survie, nous avons presque tous ensemble oublié que la valeur ajoutée du « Chef du personnel » résidait avant tout, depuis les prémices de l’OST (organisation scientifique du travail) à faciliter le fonctionnement des organisations ou plus communément à « mettre de l’huile » dans les rouages de l’entreprise …

Le rouage s’est manifestement grippé : au delà de la nouvelle donne de l’environnement financier, le développement des organisations matricielles, de projets et coopératives dans toutes les entreprises ont complexifié les interactions et les échanges entre les acteurs, augmentant le nombre de situations potentiellement conflictuelles. Trois hypothèses d’explications peuvent être avancées :

  • les individus sont impliqués dans une activité dont ils perçoivent de plus en plus difficilement l’apport de leur contribution, ce qui génère une crise de l’identité professionnelle.
  • le niveau de délégation dans les entreprises est « remonté » et s’est « parcellisé », de ce fait le pouvoir hiérarchique du management intermédiaire et sa valeur ajoutée sont de plus en plus remis en question , voire contestés par les collaborateurs .

Ce même management peine à retrouver une légitimité et continue d’utiliser souvent des ressorts du passé pour justifier son autorité ; a fortiori sa situation délicate le pousse parfois, justement, à accentuer les réactions de type autoritaire ;

Il rechigne donc à envisager d’accepter l’idée même d’un problème personnel conflictuel qu’il pourrait avoir avec un collaborateur dans la mesure où cette idée pourrait encore plus affaiblir son image de manager.

  • les sphères personnelles et professionnelles, en partie pour les raisons évoquées plus haut, deviennent de plus en plus imbriquées. Ceci conduit donc à l’imbrication des émotions générées dans le cadre de leur vie personnelle et de celles générées dans le cadre de leur contexte professionnelle…. Tout ceci participe à « perdre » les individus.

Que fait le DRH pour régler ces situations ?

Relégué à jouer un rôle de promotion de l’image de l’entreprise et souvent considéré par les salariés comme peu crédible car dénué des moyens et de l’autorité nécessaires à la restauration de la relation individuelle dans l’entreprise et à défaut de leviers, le DRH tente par de longs palabres d’adoucir la colère ou le désarroi du salarié…en le renvoyant au mieux vers un coach ou vers un bilan de compétences pour une éventuelle reconversion.

Même le législateur s’engage dans la recherche (sans la nommer) de ce qui s’apparentait autrefois à un « contrepouvoir » au travers des risques psychosociaux , de la création de pseudo rôles de « préventeur du harcèlement » ou de la multiplication des expertises diligentées par le CHSCT ..

Dés lors , le constat suivant peut être réalisé : en entreprise, les conflits latents ou avérés ne trouvent que rarement d’issue dans une reprise des relations. En effet, bien trop souvent, les cas se soldent à travers l’abandon de l’une des parties (mise en retrait délibérée, démission, etc…) ou l’utilisation d’une voie de recours fréquemment judiciaire…

Et bien comme l’écrit Mr HESSEL, il est temps désormais pour le DRH de s’indigner !

Il est temps de considérer que la gestion des personnes s’entend d’un tout qui ne peut se résumer à la mise en œuvre de « process » séparés pour améliorer le fonctionnement des relations humaines dans l’entreprise, bien qu’il revienne à cette fonction de retrouver le courage d’imposer une alternative à l’adversité.

Le Directeur des Ressources humaines doit s’imposer, au delà de ses missions « managériales » ou « business » afin de reprendre sa véritable valeur ajoutée de promotion de l’altérité, de la qualité du dialogue et du respect des personnes comme le vecteur principal de création de valeur pour l’entreprise.

Gageons qu’a contrario du statut protecteur du médecin du travail, de l’assistante sociale et peut être demain du directeur juridique, l’entreprise comprenne vite et respecte cette exigence et ce nouveau rôle pour sa propre réussite à long terme.

Il est donc recherché un autre modèle alternatif à la prévention/résolution actuelle des conflits en entreprise, lequel serait plus efficace à tout niveau :

la médiation professionnelle.

Celle-ci permet en effet la résolution des conflits à l’aide d’un professionnel formé, neutre, impartial et soumis à un devoir de confidentialité : le médiateur. Il a pour rôle d’accompagner les parties, dites les médiées, au terme d’un processus très précis, afin qu’elles trouvent par elles-mêmes une issue qui emporte leur satisfaction. Il s’agit d’une posture, d’un état d’esprit, qui peut être pris(e) voire adopté(e) par le DRH lui-même, à moins que ce dernier n’évalue la situation et décide de recourir à un Médiateur professionnel indépendant afin de dénouer les relations conflictuelles notamment entre des managers et leurs collaborateurs en démystifiant le rôle du manager.

En théorie, il ne devrait pas avoir confusion entre le salarié-manager et l’individu-manager. Dans les faits, cette confusion existe. Il faut en accepter la réalité pour parvenir à restaurer un dialogue plus tolérant et humain entre les managers et leurs collaborateurs et contribuer ainsi à prévenir les risques psycho-sociaux qui peuvent en découler.

La mise en place d’un tel processus aurait notamment les objectifs suivants, qui peuvent d’ailleurs être similaires selon que nous nous plaçons en qualité d’employeur ou salarié :

Au niveau de l’employeur:

  • Remettre au centre de l’action le Directeur des ressources humaines / le Directeur Général et son équipe pour l’accompagnement des individus et l’amélioration de leur gestion interpersonnelle,
  • Participer à faciliter la prise de conscience par le management de la possibilité de ses conflits personnels avec ses collaborateurs, quelles que soient ses qualités managériales (problème personnel par exemple),
  • Promouvoir un autre rôle du DRH, qui peut aussi être neutre, impartial et indépendant dans tout ce qui relève de l’amélioration de la relation humaine,
  • Centrer l’équipe RH au cœur de la gestion des risques psychosociaux,
  • Promouvoir une gestion plus naturelle et humaine de la relation individuelle par opposition au développement des normes comptables, financières et administratives,
  • Éviter le développement d’à priori individuels durables à l’occasion d’un conflit.

Au niveau de l’employé :

  • Permettre un accompagnement vers une issue rapide et non subie,
  • Permettre une résolution «  douce » du conflit permettant écoute, purge de l’émotionnel et compréhension des individus en conflit,
  • Devenir un moyen d’anticiper les conflits de positionnement personnel à l’occasion de la mise en œuvre de nouvelles organisations,
  • Simplifier la relation par opposition à la complexité croissante du modèle d’organisation des entreprises,
  • Constituer un mode complémentaire à la représentation du personnel,
  • Éviter les situations de blocages,
  • Éviter le développement d’à priori individuels durables à l’occasion ou consécutifs à la révélation d’un conflit.

Reste à préciser que le profil du médiateur choisi et notamment son expérience significative de gestion des conflits individuels et/ou collectifs durant son expérience professionnelle sera primordial pour réaliser une prestation de qualité.

En conclusion, le Directeur des Ressources Humaines « nouveau cru » est attendu au centre de ces nouveaux challenges ; à lui de s’en saisir pour en faire profiter toute la collectivité de travail !

7 Commentaires
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Pierre Gerardin
12 années plus tôt

Je souscris à l’analyse de Pierre Hervé Thivoyon ci-dessus.

Comment peut-on souhaiter faciliter la résolution d’un conflit (après tout c’est le rôle central du médiateur) sans avoir cette ouverture d’esprit qui permet d’intégrer comme recevable ET un point de vue ET un autre point de vue (ET peut-être même encore un autre…) ?

Le conflit et les procédures judiciaires (notamment), se nourrissent trop souvent de cette approche manichéenne (bien OU mal, juste OU injuste, hommes OU finances, relations humaines OU ressources humaines, etc.)

Moi aussi, je crois cela possible ET difficile …(ET souhaitable !)

pierre hervé thivoyon
pierre hervé thivoyon
12 années plus tôt

La posture du DRH est plein de paradoxes. Comment être un membre d’un comité de direction et donc en être partie prenante… tout en jouant ce rôle de contrepoids qu’aucune autre instance ne joue réellement au sein de l’équipe dirigeante ? Comment etre à la fois celui qui définit les règles du jeu de l’entreprise, les fait appliquer et évalue les situations qui lui sont soumises ? Etre donc a la fois le « législateur interne », le procureur, l’avocat, le juge ? La perfection n’existe pas, les paradoxes sont ô combien difficiles à faire vivre et à gérer…et chaque entreprise est… Read more »

Jean-Louis Lascoux
12 années plus tôt
Christophe de MEEÛS
Christophe de MEEÛS
12 années plus tôt

Je ne suis pas partisan de la dénomination d’un responsable des relations humaines car au
Même titre
que la qualité il me parait essentiel que relations humaines et qualité soient non pas des fonctions mais des états d’esprit Faisant pleinement corps avec les missions des responsables
Et comme je le disais plus haut ce sont aux patrons dirigeants de donner le ton car ce sont eux les decideurs

Alexandre GABRIEL
Alexandre GABRIEL
12 années plus tôt

Le nouveau DRH ne devrait il pas changer de concept ; gérer des Relations Humaines plutôt que des Ressources Humaines. Pour cela, encore faut il admettre que ce qui pose problème ce sont les relations entre individus et non les individus eux mêmes. Parler de « ressource » humaine est une négation de l’individu bien plus potentiellement conflictuelle que l’ancienne dénomination de Chef du personnel.

A quand un Directeur des Relations Humaines ?

Christophe de MEEÛS
Christophe de MEEÛS
12 années plus tôt

Je me permets de rajouter une dimension politique à ton article. La direction de la structure (privée ou publique) définit sa politique qui se trouve être de plus en plus soumise à la finance donc sous contraintes économiques ( on va même maintenant à définir des indicateurs de performance pour les travailleurs sociaux, le DRH de ce type de collectivité doit bien s’amuser à évaluer pour le plaisir de ces directeurs des services les actions d’une assistante sociale). Le DRH est donc soumis à ces pressions qu’il ne maîtrise pas totalement. le DRH se trouve mandaté par sa direction générale,… Read more »

journé
journé
12 années plus tôt

Croire que le dirigeant va épouser les thèses de la médiation particulièrement sans en avoir vu par ailleurs les effets bénéfiques relève à mon sens d’une certaine utopie pour les pme et d une connaissance discutable des dirigeants de grands groupes soumis à la pression de leur board. Plus sérieusement, le directeur des ressources humaines et des relations humaines, et c est la mon propos, doit s’approprier ce rôle de faire connaitre la médiation par exemple dans l entreprise avant d ‘attendre le grand soir ou tout le monde sera convaincu des vertus de l altérité…De la à la qualifier… Read more »