La médiation professionnelle, comme un art martial face au conflit

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A l’heure où plus que jamais les conflits enrayent, freinent, et parfois paralysent les organisations, qu’elles soient politiques, économiques, sociales ou familiales, le terme de médiation ou de médiateur, déjà à la mode dans les années 2000, est de plus en plus usité, et par conséquent galvaudé, ouvrant cependant l’unique voie alternative à celle de l’affrontement, de l’adversité, toujours majoritairement proposée pour gérer les conflits sur notre territoire. En effet, la dynamique de surenchère inhérente à la voie judiciaire, avec ses procédures et ses vices de procédures, ses appels et ses contre appels épuise les concitoyens qui se sont laissés prendre au piège de la certitude d’obtenir gain de cause par la justice, lançant leur avocat dans une course effrénée à la recherche de l’équation juridique la plus favorable. Or, lorsque que l’on connaît le nombre de rendus de justice non exécutés par les adeptes de la voie judiciaire qui sont toujours renvoyés dos à dos (plus de 71%), on comprend qu’il est vrai que le droit peut donner raison, mais pas la vie !

Lorsque la dimension émotionnelle d’un conflit entre deux parties est trop forte, la tension qu’elle procure aux protagonistes prend les rennes de leurs raisons, conduisant leurs capacités de réflexion vers l’élaboration (parfois délirantes) de stratégies guerrières, basées sur le rapport de force, la loi du plus fort, la loi du talion.

Le processus mis au point par Jean-Louis Lascoux, dirigeant de l’EPMN, (l’école professionnelle de la médiation et de la négociation) est spécifique notamment dans le sens où dès l’entretien individuel, il permet via le médiateur de dissoudre, d’apurer, de sortir la personne, de l’emprise émotionnelle qui pèse sur elle, de par le conflit qui l’oppose à son employeur, son collègue, sa femme, son frère, ou son voisin. Ce process de conduite d’entretien est unique, de par la maîtrise de la rhétorique et du raisonnement aporétique qu’elle impose pour que le médiateur puisse cheminer avec la pensée de la personne. Il s’acquiert comme l’on peut acquérir en la pratiquant, une discipline, ou un art martial.

La médiation, telle que l’on en entend souvent parler, a vu naître un engouement croissant depuis les années 80, véhiculé par différents courants de pensées déjà bien installés en France ; nous sommes en effet tous empreints de références culturelles religieuses, juridiques, et récemment psychologiques, qui influencent à notre insu nos positionnements, jugements et valeurs à défendre, bien que cela ne soit rien de plus qu’une mauvaise habitude.

Le travail réalisé pour concevoir la modélisation des processus de la médiation professionnelle est fondé sur la raison et la raison seulement. Aucune morale ne vient polluer la démarche. Aucune idéologie sous-jacente de représentation de la personne humaine ne conditionne ni ne s’inscrit dans sa structure. C‘est une approche rationnelle. C’est une instrumentation de la philosophique. C’est un ensemble d’outils conceptuels qui prend en compte le caractère systémique des relations. Le médiateur professionnel a ainsi une démarche d’accompagnateur, pas au sens de l’aide thérapeutique, mais dans celui de la pratique respectueuse d’une donnée initiale : si une personne se comporte de manière contraire à ses propres intérêts c’est qu’elle ne sait pas faire autrement. Qui dit ne sait pas, dit peut apprendre. Il ne s’agit pas de changer le postulat en choisissant celui de la maladie, de la perversion, d’une perturbation relevant d’une médicalisation des comportements. Il ne s’agit pas de responsabiliser sous l’angle du droit culpabilisateur. Il s’agit de sortir de toutes ces ornières et d’être efficace dans la maîtrise de cette discipline de la pensée. Professionnel  précisément parce que rompu à une discipline à part entière, nécessitant un entraînement régulier, comme celui que doit avoir un représentant de l’ordre quant à sa condition physique, sa précision au tir, le contrôle de son comportement etc…

La pratique ici se situe dans la compréhension profonde et la maîtrise de l’art de l’altérocentrage, ainsi que dans celui d’une rhétorique et d’une gestique pacificatrice, de reconnaissance de ce qu’est l’autre en tant qu’il est autre et différent. Le mot professionnel, attaché à la médiation, affirme évidemment le non-amateurisme en la matière et le bénévolat qui y est souvent associé, mais avant tout la spécificité d’une technique, d’une approche et d’un processus ayant la capacité de résoudre tous les conflits, dans tous les domaines du judiciaire-civil, permettant le passage de l’adversité à l’altérité.

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Jean-Louis Lascoux
11 années plus tôt

Jean-Bruno est en train de trouver son public pour l’ouvrage qu’il nous prépare sur la médiation professionnelle… Le ton est à l’envolée et à peine l’article posté, très apprécié. C’est la vie en Corse qui inspire …