La médiation professionnelle, pour résoudre un conflit hiérarchique par le dialogue

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Quand un conflit remet en cause l’autorité au sein de l’organisation, ou quand un conflit concerne un supérieur et son subordonné, que peut apporter une médiation ?

Comment procède le médiateur professionnel face à une perte de légitimité de la hiérarchie,  ou une rébellion avérée contre l’autorité hiérarchique ?

Quels sont plus largement les bénéfices à attendre du recours à la médiation professionnelle en tant que discipline à part entière au service des organisations et des personnes ?

La notion d’autorité et sa nécessaire légitimité

Rappelons tout d’abord la définition du mot « autorité ». Au sens premier, l’autorité est le droit  de pouvoir commander, de se faire obéir. Dans la cadre d’une relation d’emploi, ce droit est formalisé par le contrat de travail qui définit le lien de subordination de l’employé à l’employeur ou son représentant.

Dans ce cadre-là, le droit au dernier mot est de la prérogative du détenteur de l’autorité hiérarchique. C’est aussi par le recours à un N+2 que le conflit peut être résolu. Toutefois, l’autorité peut se trouver en échec pour résoudre des conflits.

L’autorité peut aussi être un autre nom pour caractériser la volonté et la capacité des individus à se soumettre aux exigences des systèmes coopératifs (sens défini par Chester Barnard). Autrement dit il est nécessaire que l’autorité soit légitime pour accepter de s’y soumettre volontairement (ce qui la distingue de l’autoritarisme, qui lui est l’expression d’une stratégie de domination exercée uniquement par la contrainte).

Dans le cas d’un conflit hiérarchique, il s’agit pour le médiateur professionnel d’aider les personnes à faire la distinction entre des relations de pouvoir « qui ont pour objectif d’imposer une volonté à une autre »[i] et des relations d’autorité pour lesquelles l’enjeu est de définir « ce qui fait pour le subordonné qu’il est juste  d’être commandé par un supérieur – et pour un supérieur, qu’il est  juste de commander à un subordonné » (i).

Recourir à la médiation dans le cas d’un conflit hiérarchique

Sur la proposition faite par un dirigeant à ses employés, j’interviens en tant que médiateur professionnel alors qu’une procédure de harcèlement moral est sur le point d’être enclenchée contre un chef de service par un de ses subordonnés. Le dialogue était détérioré et la légitimité du chef de service, accusé de harcèlement, gravement remise en cause.

En apportant les garanties de confidentialité, d’indépendance, de neutralité et d’impartialité, le processus de médiation professionnelle a permis aux protagonistes de revenir sur les faits, et de s’écouter. Ils ont pu constater que la dégradation de leur relation avait été nourrie et renforcée par une attitude de méfiance réciproque ayant actionnée des mécanismes conflictuels de part et d’autre (prêter à l’autre des intentions de nuire, modifier le sens des propos de l’autre, obliger l’autre à obéir par autoritarisme), et généré au final de la souffrance.

Tous deux, animés par une même volonté professionnelle, ont également réaffirmé leur accord sur les objectifs et les enjeux du service et ont pu se repositionner dans le cadre de leur relation de travail.  Leur implication dans la médiation leur a permis d’arrêter la spirale conflictuelle et de redéfinir ce que devaient être les modalités d’échanges et les postures de chacun dans le cadre du projet de service et des rôles qui leur étaient alloués.

La médiation, un outil pour restaurer le dialogue et clarifier la relation d’autorité hiérarchique.

En  somme, parce que le médiateur permet de garantir un espace d’écoute et de dialogue dans un cadre sécurisé et confidentiel, il facilite l’expression de l’exigence attendue en matière de légitimité de la hiérarchie. Ce qui permet de s’accorder sur ce qu’est une « autorité juste » au service d’un projet commun, et de favoriser ainsi la coopération.

Un travail sur la reconnaissance de la légitimité du projet commun est effectué par les personnes afin de s’assurer d’une compréhension identique et d’une volonté mutuelle.

La médiation a pour résultat de faciliter ou renouer le dialogue pour, entre autre, clarifier l’ensemble de ces éléments.

Le conflit hiérarchique, un mode de régulation face à un besoin de légitimation ?

Ainsi, dans le cadre d’une relation hiérarchique, il faut garder à l’esprit que les conflits et désaccords peuvent jouer un rôle de régulation face à ce besoin de légitimation de l’autorité. Et la médiation, en tant qu’outil au service de la qualité relationnelle, permet de répondre à ce besoin sans s’enliser dans des logiques d’adversité par les surenchères, ayant pour conséquence la soumission, la domination ou la fuite.

Dans le cas d’une remise en cause de l’autorité hiérarchique, parmi les issues possibles, la médiation permet de résoudre le conflit par la reprise ou l’aménagement de la relation et avec l’instauration d’une nouvelle légitimité de l’autorité dans la relation de travail.

Mais la médiation peut aussi aboutir à une rupture de la relation (changement de poste, rupture négociée,…) si les personnes font librement et sereinement le choix de ne plus coopérer. Dans ce cas, c’est la qualité réinstaurée de la relation qui permet aux personnes de trouver ensemble une solution la moins perdante possible pour chacun.

S’impliquer dans un processus de médiation professionnelle, c’est opérer avec l’aide du médiateur un double changement de paradigme

La médiation permet d’opérer un changement de paradigme pour passer du registre de l’adversité à celui de l’altérité dans les comportements individuels et reconnaître l’autre, ses points de vue comme  ses maladresses. Elle permet également, dans le cadre d’un conflit d’autorité,  un changement de paradigme concernant la relation d’emploi.

En effet, sans remettre en cause le lien de subordination qui caractérise la relation hiérarchique,  l’implication des personnes dans un processus de médiation professionnelle leur donne l’occasion de passer d’un registre de rapport de force, animé par une logique contractuelle et juridique, à un registre de coopération s’appuyant d’abord sur la libre volonté réciproque à servir un projet commun.

Ainsi, à la différence de bien d’autres modes de résolution de conflit, le principal résultat d’une médiation professionnelle est que les personnes trouvent elles-mêmes en toute responsabilité, ensemble et par le dialogue, une solution qui ne leur a été ni conseillée, ni imposée.

La médiation, une discipline à part entière et porteuse d’une dynamique coopérative

La médiation, en offrant cette nouvelle possibilité de trouver avec l’autre une solution, peut permettre de remobiliser l’engagement coopératif des personnes pour le projet de l’organisation tout en clarifiant la relation d’autorité.

Aussi, la médiation, en tant que discipline à part entière, est un outil d’amélioration de la qualité relationnelle pouvant non seulement être utilisée pour la prévention de la dégradation des relations et la résolution de conflits, mais également dans l’accompagnement à la définition de projet, les démarches de concertation, les démarches participatives, les préparations d’Assemblée Générale, les négociations collectives, etc…

[i] Source : article d’Hervé Charmettant – Distinguer l’autorité du pouvoir par la légitimité – Disponible en ligne http://www.cairn.info/revue-cahiers-d-economie-politique-2012-1-page-37.htm

2 Commentaires
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Alexandre GABRIEL
Alexandre GABRIEL
9 années plus tôt

Ne pas confondre :

Autorité de pouvoir qui m’est imposée sous contrainte
Autorité de fonction ou hiérarchique reconnue par les autres
Autorité de compétence que je reconnais (y compris qualité relationnelle)

Alexandre GABRIEL
Alexandre GABRIEL
9 années plus tôt

Merci à Pierre pour cet article sur le lien de subordination et les relations de pouvoirs à l’origine de la plupart des conflits du travail