De la nécessité de former des médiateurs … professionnels !

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De la nécessité de former les médiateurs - Michèle Guillaume-Hofnung
Pour connaître les arguments dans le texte sur la nécessité de former les médiateurs de Michèle Guillaume-Hofnung, cliquez sur sa couverture

Il n’y a aucune nouveauté à affirmer qu’il faut être formé pour intervenir en médiation. Mais il est juste de constater que l’amateurisme politique par exemple se complait dans une revendication de légitimité pour intervenir en médiation. Ainsi, il n’est pas trop de dire qu’il faut se former pour intervenir en médiation. Le titre de l’ouvrage de Michèle Guillaume-Hoffnung en fait la proposition et il mérite qu’on s’y attarde. Je connais trop les souffrances littéraires pour ne pas considérer que l’auteure n’y a pas consacré une énergie importante le soir et quelques matins et après-midis. Bref, l’affaire est d’importance, il faut former les médiateurs, qu’on se le dise. Maintenant que l’on sait pourquoi, parce qu’ils peuvent donner plus qu’un coup de main pour résoudre des conflits dans lequel on s’englue, il faut savoir comment on va les former. Là, si l’on veut, serait une nouvelle question.

Voyons ce que propose Michèle Guillaume Hoffnung, auteure d’un Que Sais-je ? sur la médiation et de ce nouvel ouvrage. Elle identifie quatre axes de formation pour les médiateurs, qu’elle met en oeuvre dans la formation qu’elle délivre en université. Chacun de ces axes est repris en coeur dans les parcours universitaires et dans plusieurs autres formations privées qui se réclament toutes de cette forme de médiation à laquelle je n’adhère pas du tout : la formation qui cache son jeu pour véhiculer une manière de se conformer. Au moins, ainsi, nous avons là une nette différence. C’est dit. Si vous venez à l’EPMN, vous ne verrez rien de tout cela : sociologie, psychologie et droit. Cerise sur le gâteau : des jeux de rôle de stagiaires, encore que ça, si les participants y mettent vraiment de leurs expériences, ça peut faire, mais l’amateurisme étant ce qu’il est, la navrance est le plus souvent au rendez-vous. Il faut donc savoir faire autrement…

Revenons donc aux arguments de l’auteure :

La proposition de Michele Guillaume Hoffnung consiste à mélanger quatre niveaux d’incompétence pour espérer aboutir à un diplôme digne d’une université. Force m’est d’affirmer que la complaisance est le seul fondement de cette proposition.

* La sociologie ? En quoi l’évaluation de besoins généraux en médiation, alors même que ces besoins changent selon l’évolution du recours à la médiation, pourrait servir ? En quoi est-ce pertinent se connaître les statistiques des « obstacles » qui ne sont en réalité que des représentations idéologiques  fluctuantes et réparties de manière imprévisibles entre les personnes dans la société ? L’illusion des connaissances fantaisistes est au rendez-vous.

*La psychologie : c’est une représentation idéologique même du rapport au pouvoir. Le psychologue sait écouter ? On en a souvent éloquente démonstration ! Le psychologue affirme sa représentation de l’humain, avec laquelle il développe en entreprise une représentation très orientée médicalisation. Les Risques Psycho-Sociaux (RPS) témoignent de cette représentation qui nous fait avancer dans la vie comme dans un hôpital psychiatrique ouvert. Alors si le psychologue est déjà dans une dynamique de pouvoir, les « quelques rudiments de psychologie » ne vont pas aider le médiateur à monter en compétence face à ses clients auxquels d’ailleurs Mme Hoffnung prête l’intention de « consciemment ou inconsciemment » tendre des pièges. Autrement dit, l’ingrédient de psychologie se fonderait d’emblée sur un prêt d’intention…

* Le juridique ? L’argument tombe : « Il faut résister à l’hypertrophie de l’enseignement juridique en médiation. » affirme l’auteure. Toute l’argumentation est une complaisance faite à l’idée qu’il faut se conformer malgré tout. Si quelqu’un d’autre que Mme Hoffnung avançait un argument comme celui-ci : « Le futur médiateur doit (…) connaître quelques grands principes procéduraux pour que les médiés ne laissent pas passer les délais pour agir en justice. », il faudrait observer de l’ignorance en droit, puisque la médiation est suspensive des délais de prescription… Il pourrait être utile de venir en formation à l’EPMN

Code de la médiation et du médiateur professionnel, dirigé par M° Agnès Tavel, préfacé par le 1er président de la cour d'appel de FdF, Bruno Steinmann
Code de la médiation et du médiateur professionnel, dirigé par M° Agnès Tavel, préfacé par le 1er président de la cour d’appel de FdF, Bruno Steinmann

Au passage, nous avons un ouvrage très utile pour se représenter l’interférence du droit dans la médiation : « le code de la médiation et du médiateur professionnel », préfacé par le 1er président Steinmann, dirigé par M° Agnès Tavel – désormais accessible en version numérique grâce aux partenariats établis avec Google et Amazon.

* les jeux de rôle ? Ces petites comédies n’apportent rien d’autres qu’un moment de distraction sans consistance… à moins que les protagonistes n’incarnent pas autre chose que leur propre rôle dans des conflits vécus pour leur permettre de comprendre ce qu’est le changement de paradigme et le moment de déstabilisation nécessaire pour qu’une personne change de perception dans son approche relationnelle.

Enfin, Mme Hoffnung nomme « médiés » (sous l’inspiration du prêtre Jean-François Six) les personnes qui viennent en médiation. Quel drôle de nom ! Médié … Et pourquoi pas « Médiable », ça serait pourtant plus pertinent… Quelqu’un vient avec un conflit et on le considère déjà « médié » : est-ce à dire que l’affaire est déjà faite, il a trouvé un accord ? Le néologisme pertinent devrait être « médiable »… mais dans un environnement plutôt engagé coté religion, on imagine le médiateur dire : j’attends médiables… heu mes médiables »… Au singulier, ça détendrait l’atmosphère. Ce néologisme, en logique linguistique, est ridicule.

Bref, rien dans tout cela ne permet de justifier de la sociologie, de la psychologie, du droit dans la formation de médiateur. Pas étonnant que nous n’ayons pas la même conception des choses. Ou alors, je dois considérer que Mme Hoffnung a écrit son article avec désinvolture, supposant qu’elle ne serait pas lue ? Je voudrais espérer cela, mais ce jus de synthèse présente, comme je l’ai démontré, des conceptions engagées idéologiquement et des manques de connaissance flagrants.

Je ne peux donc que recommander aux personnes qui souhaitent se former à la médiation, en vue d’aider les protagonistes d’un différend, de venir se former à l’EPMN.

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wahiba
wahiba
9 années plus tôt

Développer la médiation pédagogique pour la réussite éducative