Management de crise … Management en crise ?

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Grève du zèle relationnel dans une entreprise française ?

Nous sommes en plein « management de crise ». A force de dire et de répéter que le contexte économique est grave, rapporté à l’individu, on invente le « burn out » et voici même des promoteurs du « burn in ». Chacun peut y voir des réalités. Très concrètement, dans un environnement où les marchés sont mouvants, les petits effets peuvent provoquer d’importants dérapages.

L’anecdote que je vais raconter ici a pour but de mettre en évidence un dysfonctionnement dont les conséquences ont un effet domino très rapide. Il s’agit de l’implication des salariés qui occupent des postes considérés comme purement fonctionnel. Le problème est celui que l’on peut appeler un « manque de zèle ». Il se signale par des actes de négligence, voire de sabotage relationnel, des égarements ou des propos chargés de sous-entendus voire d’entendus très virulents.  Pour parler langage numérique, la cause du déclin rapide d’une entreprise peut être un tout petit virus relationnel.

Voilà : je souhaite parler au président d’un groupe de prestations de services. Celui-ci se proclame (le groupe) leader mondial dans son domaine. Je commence par un appel téléphonique. Après une attente sur répondeur, une standardiste prend mon appel. Je décline mon identité et demande le président de la société. La standardiste me dit qu’elle me passe son assistante. Immédiatement, une voix féminine me dit bonjour en espagnol. Etonné, je réponds, pensant qu’il s’agit d’une erreur de bilinguisme. Pas du tout me dit mon interlocutrice. Je réveille mon espagnol qui souffre d’une totale absence de pratique et je demande à parler à son patron. Il n’est pas là, il ne revient que début septembre. Il est en vacances. Je lui demande où je suis. En Espagne, me répond-elle. Ha, et comment cela ? Je téléphonais avec un numéro en France. Oui, mais c’est ainsi pour parler à son patron. En effet, le président de la société est espagnol depuis 2014. Je reste quand même étonné d’être passé de manière transparente entre une demande à un secrétariat en France, dans une entreprise française, alors que ce monsieur doit bien avoir une assistante en France. Oui, bien sûr, mais là, il faut que je rappelle. Je laisse mon nom et mon numéro de téléphone. Et je recommence. A nouveau, j’ai la standardiste. Elle se souvient de moi. J’insiste bien pour parler à une personne qui parle français. Elle me dit que dans ce cas, elle me passe le secrétariat du président dans les locaux où elle est. Parfait. Mais personne ne répond. La standardiste me reprend. Ha, dit-elle, c’est toujours comme ça quand il n’y a personne. Comment, vous saviez qu’il n’y avait personne ? Non, on n’est pas informée. Mais quand il n’y a personne, ça revient au standard. Je demande s’il y a une possibilité de laisser un message. Et là, le téléphone se met à sonner dans le vide. La standardiste a raccroché ou que sais-je.

Beaucoup de personnes considéreront que c’est une situation habituelle. Il suffit de commencer l’histoire et immédiatement, certains pensent à leurs propres expériences. Certains comparent avec un coup de fil pour réserver une table, d’autres à l’accueil du garagiste, d’autres à celui du cabinet d’avocat ou chez le dentiste. Partout le zèle est là, ou plutôt son absence menace la vie au travail en même temps que le fonctionnement des entreprises. Là, il frappe de plein fouet une société. La direction en vacances ne soupçonne même pas que son dysfonctionnement actuel, son malaise grandissant rejaillit sur la base de ses salariés et s’amplifie en se retournant à la fois contre l’entreprise même et la stabilité des emplois qui devient de plus en plus illusoire.

Cette société est actuellement en difficulté sur son marché. Ses sous traitants se plaignent d’être mal payés. Certains d’entre eux ont engagé une procédure auprès d’un médiateur institutionnel. D’anciens collaborateurs et actionnaires à l’international lui font des misères et sur le plan national elle a également des procédures avec des fournisseurs. La dégradation de la qualité de l’accueil ne risque-t-il pas d’aggraver le déclin engagé ?

De mon avis, c’est certainement dans cette période qu’il faut penser à mobiliser encore plus les salariés à tous les postes, pour promouvoir partout la qualité, non seulement des services mais aussi des relations, partout, et bien évidemment sans oublier et mépriser les premiers acteurs de la relation client.