Épuisement professionnel et burn-out :  une question de qualité relationnelle ?

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Parmi les situations de santé mentale dégradée, le burn-out et l’épuisement professionnel sont souvent mis en avant. Deux raisons principales à cela :

Leur ampleur : sur un total estimé de 480 000 salariés en souffrance psychologique liée au travail en France, environ 7 % (soit 30 000 personnes) seraient spécifiquement considérées comme étant en situation de burn-out ou « épuisement professionnel grave ». (Institut de Veille Sanitaire)

Et leur impact collectif : pour les collègues, ces situations sont souvent vécues comme un sentiment d’échec partagé.

Burn-out et épuisement professionnel : de quoi parle-t-on vraiment ?

Ces deux notions sont souvent confondues, y compris dans les milieux professionnels et médicaux. Pourtant, les définitions officielles permettent d’y voir plus clair.

Selon l’OMS (CIM-11) : 

Le burn-out est un syndrome résultant d’un stress professionnel chronique mal géré.
Il se caractérise par trois dimensions :

  • Un épuisement physique et émotionnel
  • Une distance mentale accrue à l’égard du travail (cynisme, indifférence)
  • Un sentiment d’inefficacité ou de perte d’accomplissement personnel

Les définitions proposées par la HAS ou l’INRS apportent des précisions comme : 

– une dépersonnalisation (attitude de détachement ou de cynisme vis-à-vis du travail et des collègues)

– un sentiment de diminution de l’accomplissement personnel au travail.

– un état de fatigue intense, de désengagement et de perte de motivation résultant d’un stress professionnel prolongé

Le burn-out est donc un syndrome spécifique d’épuisement professionnel, composé de trois dimensions (épuisement, cynisme, inefficacité). Tous les épuisements professionnels ne sont donc pas forcément des burn-out au sens clinique.

L’épuisement émotionnel en est une composante essentielle, mais pas le syndrome complet

L’épuisement professionnel n’est pas seulement un déficit d’énergie, c’est une perte de sens dans la relation à soi, aux autres et à l’organisation.

Un risque présent dans tous les milieux professionnels

Médecins, enseignants, managers, travailleurs sociaux, agents publics, salariés du privé…
Partout, les mêmes ingrédients apparaissent :

  • Le sentiment d’être privé d’autonomie,
  • Des objectifs irréalistes qui poussent à l’hyper-investissement,
  • Un isolement progressif, souvent invisible pour l’entourage.

Lors des entretiens qui ont permis de préparer ces articles, des médecins ont évoqué leur propre burn-out. Certains, malgré leurs connaissances médicales, ont rencontré des difficultés à se protéger de cet épuisement. 

Ainsi ce médecin travaillant dans un secteur avec des malades ayant un comportement que le personnel soignant juge « ingérable ». Il cite comme exemple ce prêtre résident d’EHPAD qui a des photos pornographiques affichées dans sa chambre. Que faire dans ce cas ? 

L’équipe cherche des solutions pour faire face aux situations rencontrées au quotidien, qui leur pèsent. Le médecin soutient certaines solutions proposées, et est alors désavoué par la direction. Il continue néanmoins son travail, en faisant de son mieux. Jusqu’à l’effondrement. 

Du point de vue du médiateur professionnel, sa relation avec sa hiérarchie a été dégradée par ce qu’il a perçu comme un refus de soutien, le mettant dans une posture de méfiance. 

Imaginons pour illustrer notre propos que ce docteur ait prêté de mauvaises intentions à son chef, comme « il n’en a rien à foutre », qu’il l’ait jugé, pensant « c’est un incompétent », et qu’enfin il ait ressenti une contrainte « je vais devoir me débrouiller tout seul ». Imaginons encore que, ne sachant pas faire autrement, il se soit enfermé dans un isolement qui a alimenté une dégradation de la relation. 

Tous ces éléments sont constitutifs d’une posture de conflit à l’égard de son manager. Un conflit non résolu qui a évolué vers un burn-out. Une question se pose alors : comment éviter d’en arriver à ce stade ; et l’évolution possible vers une situation d’épuisement professionnel ? 

Avant de traiter des propositions de l’Ingénierie Systémique Relationnelle®, allons un peu plus loin dans l’analyse des entretiens réalisés dans le cadre de notre étude. 

Le burn-out, des tendances communes dans les expériences individuelles 

Dans les témoignages recueillis, des éléments communs apparaissent, des ingrédients récurrents, comme : 

  1. Le sentiment d’être privé de toute autonomie. C’est une équipe qui, confrontée à une difficulté dont le constat est partagé par tous, prend des initiatives pour améliorer les conditions d’exercice de son travail. Mais la hiérarchie récuse ces initiatives, envoyant aux personnes concernés un message clair : nous savons mieux que vous ce qui est bien.
  2. Des objectifs trop ambitieux : pour éviter d’être en échec, le salarié se met une pression élevée pour atteindre ces objectifs, travaille beaucoup, s’implique de plus en plus… au risque de faire passer au second plan sa propre santé. Une caractéristique essentielle de ce processus est celle d’une grande solitude : la personne cherche à réussir par elle-même, et ne s’appuie pas sur le collectif. 
  3. Un sentiment d’isolement : celui de la personne qui propose des améliorations qui ne sont pas prises en compte, celui de la personne du paragraphe précédent et à qui les collègues ou le hiérarchique ne propose pas d’aide. 

Lorsqu’aucune parade n’est proposée à ces situations, le processus qui aboutira à l’épuisement professionnel est engagé. 

Et du point de vue de la Qualité Relationnelle au Travail ?

La prévention du burn-out commence par la qualité des relations avant même la charge de travail.

L’Ingénierie Systémique Relationnelle® (ISR), dont est issue la Qualité Relationnelle au Travail (QRT), aborde l’épuisement émotionnel non pas comme une pathologie, mais comme une perte d’acceptabilité émotionnelle : une saturation du cerveau à réguler ses états internes, liée à un entêtement émotionnel. Ces émotions négatives bloquent la réflexion rationnelle et favorisent des réactions défensives de la personne concernée.

Les médiateurs professionnels s’intéressent précisément à ces blocages émotionnels et relationnels.
Ils accompagnent les personnes et les collectifs pour éviter d’en arriver à ce stade où l’on se sent “cramé”, déconnecté de soi, des autres, du sens de son action.

Miser sur le collectif pour prévenir l’épuisement

Deux dimensions s’inscrivent dans cette approche qui se concentre sur le groupe : 

  • La transformation du management, dans le but d’un meilleur accueil des projets initiés par les personnes de terrain. Cette question s’inscrit dans un panorama global sur le management, qui sera abordé dans un autre article.
  • Comment l’équipe, au sens large, peut-elle interagir pour éviter les évolutions vers l’épuisement professionnel ? 

 Ainsi, la Qualité Relationnelle au Travail (QRT) propose deux leviers concrets pour travailler sur les dynamiques relationnelles :

  1. La formation à la qualité des relations

Permettre à chacun de comprendre ce qu’est une relation, ce qui la nourrit ou la dégrade, et comment agir sur les mécanismes de dégradation avant qu’ils ne deviennent destructeurs.

  1. L’accompagnement collectif

Par le diagnostic relationnel, les ateliers de cohésion ou l’accompagnement collectif, les équipes peuvent :

  • Repérer les signaux faibles d’isolement,
  • Reconstruire des liens de coopération,
  • Et redonner du sens au travail partagé.

Constatant que les personnes sont rarement formées à être en relation, et qu’elles font ce qu’elles peuvent, parfois avec maladresse, la QRT propose des formations permettant de découvrir ce qu’est une personne humaine en relation, ce qu’est une relation, ce qui la fonde et ce qui la dégrade. 

Former les équipes, et leur manager, permet de prendre conscience de certains mécanismes. Ainsi, le groupe qui voit une personne s’isoler, réaliser son travail avec difficulté, ou faire des horaires importants, pourrait lui proposer un échange, écouter la description des écueils qu’il ou elle rencontre et proposer un soutien. 

Cependant l’implication excessive d’une personne dans son travail, loin d’être seulement le symptôme d’un risque d’évolution vers le burn-out, peut aussi être l’indicateur d’un groupe qui a du mal à travailler ensemble, au sein duquel les relations manquent de fluidité. L’équipe concernée vit alors des relations en début de dégradation, associée à des processus de travail insatisfaisants. 

Il devient alors pertinent de reconstruire des relations de qualité. Les médiateurs professionnels proposent des accompagnements collectifs, pouvant aller du simple atelier à la médiation collective. Au cours de cette démarche, les personnes pourront faire le bilan de ce qui fonctionne entre elles et de ce qui ne fonctionne pas, pour construire un projet relationnel. Elles définiront leur façon d’interagir au quotidien, pour une meilleure efficacité collective, mais surtout pour une pleine satisfaction de leur contribution au groupe. 

Ces coéquipiers prendront des décisions éclairées, feront des choix libres, et seront responsables de leurs actes. 

La personne isolée, en perte de repères, aura peut-être l’occasion de découvrir que tous partagent une vision comparable de la situation, par exemple la grande difficulté à faire face à des objectifs ambitieux. Elle pourra participer au projet collectif pour alléger le quotidien, et prendre conscience qu’elle n’est pas seule.

En conclusion

Dans le panorama des troubles liés au travail, le burn-out reste l’un des plus extrêmes.
Mais il est aussi l’un des plus évitables, à condition de travailler sur la qualité des relations avant la rupture. Retrouver une santé mentale satisfaisante est, pour la personne concernée, une démarche longue et douloureuse. 

Les médiateurs professionnels et les praticiens de la Qualité Relationnelle au Travail accompagnent cette démarche préventive : agir avant la crise, réhabiliter le dialogue, la reconnaissance et la confiance au sein des équipes.

Et si, plutôt que d’attendre que la situation soit extrême, nous apprenions à entretenir nos relations avec nous-mêmes, les autres et nos organisations ?

Prochain article à venir

Comment le médiateur professionnel peut-il accompagner l’acceptabilité émotionnelle ?
Nous explorerons le rôle du médiateur en accompagnement individuel, reconnaissance de soi, distanciation du jugement, clarification du sens comme levier de prévention du burn-out. 

Article écrit par Sébastien BORDES, Isabelle LANVIN, Valérie PASCUAL, Caroline PODAGE