JIMP 2022 : enfance placée

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A l’occasion de la troisième édition de la Journée Internationale de la Médiation Professionnelle qui a eu lieu le 14 janvier dernier, les médiateurs professionnels, en collaboration avec des professionnels du droit, se sont intéressés à l’Enfance Placée.

« La voix de l’enfant n’existe pas dans le cadre de l’enfance placée » affirme d’entrée de jeu, Maitre Michel AMAS, avocat au Barreau de Marseille spécialisé dans ce domaine. D’une façon catégorique, celui-ci poursuit : « Quoi que dise l’enfant, quelles que soient ses révélations, quelle que soit sa volonté, sa constance dans ce qu’il demande, quelle que soit la manière dont il le dit, avec gentillesse ou avec souffrance, qu’il l’exprime par des fugues, des TS, quelle que soit la manière dont sera envisagée en France la parole de l’enfant recueillie, elle n’a aucune sorte d’influence sur les services sociaux et le juge pour enfants, c’est du vent, du tape à l’œil pour les journalistes et donne aux bien-pensants une bonne conscience rien de plus »

Les enfants demandent parfois, seulement à voir leurs parents et ils ne parviennent pas à être entendus par le juge pour enfants, même si un avocat de l’enfant est saisi.

Cet avocat dénonce depuis plus de trois ans, les dysfonctionnements de cette juridiction et une absence de compétence des services sociaux. « Il n’y a pas d’enfant qui n’exprime pas de souffrance, et il n’y a pas de juge qui l’entende » pour exemple, une enfant a écrit plus d’une dizaine de lettres à un juge grassois, en lui disant « je vous en supplie, laisser voir mes parents » aucune réponse ne sera donnée si bien que l’enfant se jettera d’un pont, en laissant un mot écrit de sa main : « ce qui sont responsables de moi, sont responsables »

Même chose quand l’enfant déclare avoir été victime d’un viol !

La voix de l’enfant qui a été sacralisée au tout début d’une procédure opposant les parents en pleine séparation, très paradoxalement, n’a plus sa place, une fois le placement intervenu.

Un enfant placé, c’est un enfant qui du jour au lendemain ne voit plus ses parents si ce n’est la plupart du temps, qu’une fois par mois durant une heure en milieu médiatisé. Il est coupé de l’ensemble de la famille, grands-parents, frères, sœurs etc. Il est coupé de ses amis. Il est parallèlement changé de lieu de vie, d’école. Face aux supplications de l’enfant, les services sociaux se contentent de dire que l’enfant ne s’est pas encore adapté à son lieu de vie, sans aller plus en avant !

330.000 enfants placés en France (par comparaison nous avons 76.000 détenus), telle est la réalité dénoncée par Me Michel Amas qui est porteur d’un projet de loi tendant à réformer la procédure et instaurer ce qui à ce jour n’existe toujours pas dans cette matière, à savoir :

  • Une obligation pour les magistrats d’avoir à répondre d’une façon motivée, aux demandes qui lui sont faites, dans les 10 jours qui suivent
  • Un appel qui serait tranché dans les deux mois
  • Un accès aux avocats, à l’ensemble du dossier afin de lui permettre d’organiser sa défense un mois avant l’audience
  • Une sortie du huis-clos

Le témoignage très prenant de cet avocat révèle les limites d’un système judiciaire qui, malgré les modifications législatives sollicitées, ne semble pas adapté à ce qui, en définitive, est au cœur du débat : l’humain.

Vous penserez sans doute que le placement n’intervient que dans les cas les plus graves d’incestes, de violences notamment. Détrompez-vous ! Le nombre incroyable de 330.000 est révélateur d’un mal-être des parents avant tout. Le placement d’un enfant est pour la plupart du temps, la résultante d’un conflit parental exacerbé.

Alors, si nous réfléchissions, non pas sur la conséquence, en l’occurrence, le placement, mais sur ses causes et origines de cette problématique ? Cela nécessite avant tout de savoir ce qu’est un conflit et ses composantes.

La séparation d’un couple est un changement, parfois désiré par les deux personnes et dans ce cas, tout se passe plus ou moins bien. Les difficultés apparaissent lorsque ce changement n’est désiré que par un seul et, donc, s’impose à l’autre. Dans cette situation, cet autre pourra soit, après réflexion et usage de raison l’accepter, soit le refuser, en se sentant en souffrance et contraint. La dynamique conflictuelle s’amplifie.

S’en suivent les cascades de regrets, sous des intensités variables et combinées : rancœurs, rancunes et remords. Tout ceci est émotionnel, l’émotion étant le moteur de toute action. Le conflit devient le ferment relationnel.

Le sens du mot conflit est à comprendre étymologiquement en termes de « heurt permanent ». Être en conflit, c’est heurter avec adversité. Ce qui anime les heurts est dans la prédominance émotionnelle faite de refus, de rejet et de contestation. Le conflit se distingue ainsi de tous les autres types de différends : désaccord, polémique, divergence d’intérêts, d’idées, réclamation ou autres. Il existe des invariants identifiés en ingénierie relationnelle : prêter de mauvaises intentions, une détermination ou un manque de volonté ; avoir des propos interprétatifs négatifs, jugeants, et même insulter l’autre. Mais ce n’est pas suffisant. Pour être en conflit, il faut aussi vouloir lui imposer quelque chose (que ça cesse, une fin de non-recevoir, de l’indifférence, ou d’adopter un comportement ou une solution). Et de plus, il faut aussi être dans une négation forte de toutes légitimités de l’autre, ce qui constitue une non-reconnaissance qui joue d’indifférenciation.

Une personne en conflit est heurtée sans cesse en elle-même et par sa relation conflictuelle. Elle est en conflit avec elle-même autant qu’elle l’est avec l’autre. La seule évocation de la relation la heurte tout autant que la relation elle-même.

La manière de définir un conflit implique une manière d’aborder la relation concernée, de concevoir les causes de la dégradation relationnelle, d’en imaginer l’ensemble des corrélations. A terme, l’intensité du conflit est aussi liée aux manières d’envisager les interventions pour y faire face et de les mettre en œuvre.

Ainsi, répondre à ce conflit exacerbé des parents, par le placement d’un enfant pour sa protection ou son intérêt supérieur, n’est sans doute que traiter les conséquences et non les causes et origines de la problématique. C’est rendre encore plus douloureuse, une situation vécue par un enfant qui souffre du conflit parental.

Le conflit n’est qu’une conséquence d’un manque de savoir faire autrement dans un contexte relationnel. Il nécessite l’intervention d’un professionnel de la relation. Le médiateur professionnel membre de la CPMN, expert dans ce domaine, peut accompagner les parties, parents en l’occurrence, dans une réflexion leur permettant de dédramatiser, dépassionner, clarifier et à l’issue, conduire librement, un projet de vie, relationnel et individuel. En effet, il se peut que certains parents ne souhaitent pas rester des parents après la séparation, et ce point précis doit être clarifié. Une personne reconnue dans ses ressentis sera une personne plus légère, déculpabilisée et ainsi, plus libre de ses choix et …le fait de ne pas se sentir coupable, ça fait du bien aux gens et, ça peut, même, leur permettre de prendre des décisions de soutien, alors qu’ils n’auraient jamais pensé les prendre !

Ainsi, accompagner à la réflexion, c’est aller au fond des choses ; c’est également remuer ce qui pèse parfois lourdement, ce qui empêche d’avancer dans la relation à l’autre et à soi-même. C’est de cette façon que l’humain est pleinement pris en compte. C’est ainsi que le conflit est résolu et non « géré » comme beaucoup le font…

Avec la Médiation Professionnelle, subir ou choisir, c’est vous qui décidez…ou … « je suis le seul et l’unique acteur de la qualité de mes relations avec les autres »