Le rapport CECMC 2025 montre que la médiation de la consommation est aujourd’hui un dispositif installé, largement utilisé et globalement efficace dans ses résultats, mais encore insuffisamment accessible et organisé pour constituer un droit pleinement effectif.

En 2024, environ 210 000 saisines ont été traitées. Les volumes ont doublé depuis 2017 et continuent de progresser fortement. Soixante-dix-sept médiateurs référencés étaient en activité en 2025. Lorsque la médiation est recevable et menée à terme, les résultats sont solides : près de 80 % des dossiers aboutissent à un accord et plus de la moitié des propositions formulées sont favorables aux consommateurs. Ces chiffres confirment que, sur le fond, la médiation fonctionne.

Le principal dysfonctionnement se situe en amont. En 2024, seulement 45 % des saisines ont été déclarées recevables. Près d’une demande sur deux n’ouvre donc pas l’accès au médiateur. Cette irrecevabilité massive n’est pas due à des demandes abusives. Dans la majorité des cas, le consommateur n’a pas pu justifier d’un contact préalable effectif avec le professionnel, le plus souvent en raison de l’absence de réponse de celui-ci. Les autres causes d’irrecevabilité restent marginales.

Le rapport en tire une conclusion claire : un droit que la moitié des citoyens ne peut pas exercer n’est pas pleinement effectif. Le problème n’est pas juridique, mais organisationnel et informationnel. Le parcours d’accès à la médiation est trop complexe, insuffisamment lisible et permet des comportements de blocage par silence.

La mesure la plus structurante proposée consiste à autoriser la saisine du médiateur après deux mois sans réponse écrite du professionnel à une réclamation. Cette règle vise à neutraliser le silence stratégique, à simplifier l’accès au dispositif et à responsabiliser les professionnels. Il s’agit d’un ajustement opérationnel destiné à rendre le droit existant réellement praticable.

Dans cette logique, le rapport opère un changement de regard sur le comportement des professionnels. La médiation demeure volontaire, mais le refus systématique ou l’absence de réponse ne sont plus considérés comme neutres. La coopération minimale avec le dispositif devient une exigence de loyauté économique.

Un second point de fragilité est identifié : les délais. Le délai légal de traitement est fixé à 90 jours, alors que le délai réel moyen dépasse 140 jours et continue de s’allonger. Cette dérive menace directement la crédibilité de la médiation, dont la finalité est d’offrir une voie plus rapide que le recours au juge.

Le rapport souligne enfin que la confiance dans le dispositif repose sur la qualité du médiateur. Formation, indépendance, reconnaissance du titre et moyens adaptés sont présentés comme des conditions indispensables. La médiation n’est pas une simple procédure, mais un acte porté par une personne responsable. L’usage de l’intelligence artificielle est admis comme outil d’aide, à condition que la décision et la responsabilité demeurent strictement humaines.

En bientôt dix ans, la médiation de la consommation est devenue un pilier discret mais central de la régulation économique et sociale. Elle fonctionne, mais pas encore de manière équitable et fluide pour tous. L’enjeu principal n’est pas de produire de nouvelles normes, mais de garantir un accès réel, loyal et rapide au médiateur.

Du point de vue des médiateurs professionnels, ces constats convergent vers une exigence claire : la reconnaissance institutionnelle du Droit à la médiation, promoteur de qualité relationnelle, de liberté de décision et d’entente sociale.

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Jean-Louis Lascoux
"Je prends de l’avance sur les générations futures." Chercheur en Ingénierie relationnelle et médiation professionnelle - CREISIR. Directeur de publication de L'Officiel de la Médiation, initiateur de la Médiation Professionnelle et du droit à la médiation, auteur de "Pratique de la médiation professionnelle" (ESF Sciences Humaines), du Dictionnaire de la Médiation (ESF sciences Humaines), de "Et tu deviendras médiateur et peut-être philosophe" (Médiateurs Ed.), Président de l'EPMN. "... La vie ne m’a pas déçu ! Je la trouve au contraire d’année en année plus riche, plus désirable et plus mystérieuse..." Friedrich Nietzsche, Le gai savoir, aphorisme 324, 1882