Médiation, Conciliation, Arbitrage, Négociation : C’est quoi les MARC ?

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Les modes alternatifs de règlement des conflits (MARC) sont des processus volontaires par lesquels les parties résolvent leurs différends, sans procédure judiciaire, mais avec l’aide d’un tiers.

Les MARC sont apparus dans les années 70 aux États-Unis. Ils sont arrivés en France dans les années 80-90. Depuis 20 ans, les MARC ont donnés lieu à une législation européenne et nationale importante et pourtant leurs développements effectifs n’ont toujours pas été constaté.

Alors, c’est quoi les MARC dont on nous parle tant? Quelles sont leurs intérêts et leurs défauts ? Quel mode de règlement amiable choisir pour régler le conflit ?

Les Modes Alternatifs de Règlement des Conflits sont au nombre de quatre

La différence entre les MARC tient essentiellement en la personne du tiers qui assiste les parties dans leurs désirs de résoudre leurs conflits en dehors de l’intervention d’un juge et du processus mis en place. En effet, selon le mode de résolution des conflits choisit, le tiers qui interviendra ne sera pas forcément neutre, ou impartial ou indépendant. Selon le processus, la solution sera choisie par les parties (la médiation professionnelle), fortement suggérée par le tiers (la conciliation) ou imposée par le tiers (l’arbitrage).

Dans tous les cas, les MARC ont de réels avantages par rapport à une action en justice, en tout cas pour les deux MARC les plus répandus, à savoir la conciliation et surtout la médiation :

  • présence et implication des parties dans la résolution du différend,
  • rapidité de la résolution des conflits,
  • des coûts moindres et connus d’avance,
  • peu ou pas de remise en cause de la solution retenue (surtout dans le cadre de la médiation),
  • Confidentialité de l’action (la justice est rendue sur la place publique).

En Quelques mots, de quoi s’agit-il

L’arbitrage – Il s’agit d’une justice privée et payante. L’arbitre est chargé par les parties de trancher le litige. Il le fait dans le respect des principes du droit. Son rôle s’apparente à celui d’un juge. D’ailleurs l’arbitre rend une sentence qui possède l’autorité de la chose jugée. Concrètement, il écoute les parties et prend une décision. Sa solution s’impose aux parties et elle est contraignante.

L’arbitrage a l’avantage de trancher le litige rapidement et discrètement. Néanmoins, il s’agit d’une justice coûteuse qui offre de faibles garanties d’indépendance et d’impartialité. Pourtant ces deux notions sont très importantes. En effet, que penser d’une solution ferme et définitive donnée par un arbitre dont la rémunération, ou d’autres intérêts économiques dépendent de la solution qu’il choisit? ou que penser d’un arbitre qui a des intérêts communs ou des relations amicales avec l’une des parties au conflit ?

La négociation – C’est la recherche d’un accord dans l’intérêt des parties, avec l’aide d’un tiers, le négociateur. La négociation se fonde sur des valeurs, des intérêts, des enjeux. En matière de négociation on parle de rapport de force. Il s’agit généralement de faire passer habilement ses idées. Des stratégies sont développées : ne pas parler le premier pour ne pas dévoiler « ses cartes », ne céder du terrain que si on en gagne, rechercher la faille de son « adversaire ». Comme dans un combat, on parle d’adversaire car les intérêts des parties divergent, que les enjeux sont importants. Chacun tente de gagner le plus possible et de perdre le moins possible.

La conciliation – Le conciliateur concilie les parties en vue de trouver une solution amiable. Le conciliateur suggère fortement une solution aux parties au regard du droit et de la morale. Concrètement, il écoute les parties et leurs propose une solution. Le conciliateur n’est donc pas neutre. Le conciliateur tente d’imaginer la solution qu’aurait pu retenir le juge s’il avait été saisi. C’est le second mode alternatif de résolution des conflits le plus usité. Mais cette position est essentiellement due à la gratuité de ce dispositif.

La médiation – Les pratiques de médiation sont nombreuses. En fait, dès lors que l’on dit « médiation », on peut penser « tiers », ce qui désigne beaucoup de types d’intervention, comprenant en principal les pratiques de négociation assistée initiées aux Etats-Unis. C’est ainsi que l’on inclut la médiation parmi les MARC, parce qu’en fait, initialement, c’est un terme inclusif des MARC.

Alors, nous parlerons ici plus particulièrement de la médiation professionnelle. Elle se distingue des autres formes de médiation, parce qu’elle est rationnelle, méthodologique. Elle n’est pas sous une tutelle ; c’est en cela qu’elle est pratiquée en toute indépendance. Son référentiel n’est pas « gestionnaire de conflit », mais promoteur de la qualité relationnelle. Elle a été initiée par Jean-Louis Lascoux, auteur de « Pratique de la médiation, ed. ESF.

Et, pour ne pas commencer à brouiller les idées, nous dirons aussi qu’il s’agit d’une autre possibilité de régler des différends.

La Médiation Professionnelle est un processus structuré qui, par la garantie et le rétablissement ou l’établissement de la qualité relationnelle, permet la résolution (et non la gestion) d’un différend par et pour les parties.

Le médiateur professionnel est en-dehors de toutes influences juridiques, morales ou normatives. Il accompagne les parties pour leur permettre de trouver la solution la plus satisfaisante pour elles. Il est :

  • neutre (quand à la solution retenue par les parties),
  • indépendant (sa rémunération ne dépend pas du résultat de la médiation et il se distancie des influences et tentatives de mise sous tutelle)
  • impartial vis à vis des parties (pas de parti pris ; distant relativement aux enjeux et intérêts)
  • et il respecte une stricte confidentialité.

La médiation connait un essor et une réussite incontestable en France. Un rapport du conseil d’État fait mention d’un taux de 70% de résolution des conflits. Seule la Médiation Professionnelle a de plus grandes réussites.

Imaginons que nous pourrions clarifier la médiation de la conciliation.

Deux mots, deux définitions. En l’occurence, deux professionnels, deux pratiques distinctes. Médiateur et conciliateur ?

Le législateur européen ne distingue pas la médiation et la conciliation. C’est une spécificité française. Or, depuis 2015, le législateur français tend à confondre ces deux notions. Cette confusion est d’ailleurs flagrante en droit de la consommation où l’on demande au médiateur de concilier les parties en proposant une solution.

Certains pensent qu’ils recouvrent des notions fondamentalement différentes, tandis que d’autres prétendent qu’ils englobent une seule et même réalité.

[pullquote]Tandis que l’autre a un rôle plus directif. Le médiateur est neutre alors que le conciliateur ne l’est pas. [/pullquote]Il est vrai qu’elles ont un objectif similaire : favoriser le rapprochement des parties pour une solution amiable à leurs différends. Mais les méthodes et la posture du tiers ne sont pas les même à mon sens. Le premier tend à établir ou rétablir le dialogue, la qualité relationnelle. Tandis que l’autre a un rôle plus directif. Le médiateur est neutre alors que le conciliateur ne l’est pas. Le médiateur aide les parties à trouver leur propre solution alors que le conciliateur propose la solution. Cette différence tient au fait que le médiateur pense que si on impose ou suggère une solution aux parties, la solution risque de ne pas être pérenne car elle a été imposée ou fortement suggérée et non choisie, parce qu’elle peut déclencher un besoin de rébellion ou une recherche de vengeance. De plus, chacun a tendance à résoudre un conflit par sa propre vision d’une situation. C’est humain. Mais ce faisant, il néglige la vision de l’autre. En médiation, enfin la médiation enseignée à l’EPMN, impose de respecter l’autre, de le reconnaitre comme différend. Ainsi ma vision n’est pas la vision de l’autre. C’est en cela que le médiateur professionnel ne peut pas suggérer ou proposer une solution aux parties. Enfin, une solution en droit, ou la meilleure solution technique, n’est peut être pas, la bonne solution pour les parties car dans tous conflits, la dimension humaine, émotionnelle est primordiale. La meilleure solution pour moi à un problème ne sera sans doute pas la meilleure solution pour VOUS. Ainsi le médiateur professionnel s’assure que les parties s’expriment le plus librement possible et que leur choix est éclairé. Le médiateur professionnel ne juge pas s’il y a eu gain ou perte. Il s’assure juste de la satisfaction des personnes. Son appréciation sur la solution retenue n’est jamais opportune, et ce même si les parties le demandent.

Pour vous faire comprendre concrètement mon propos, je vais vous faire part d’une anecdote que le directeur de l’école de la médiation professionnelle nous a soumis lors de ma formation. Le directeur nous dit ceci : « Un homme a deux enfants et vit chez sa fille pendant des années avant de décéder. Chacun de ses enfants héritent à part égale de l’ensemble de ses biens. Pourtant un des enfants, la sœur, attaque son frère en justice pour contester le testament. En droit, le testament est légal et apparait équitable. Pourtant la fille est très en colère et poursuit son action en justice. Pourquoi nous demande le directeur ? Pourquoi cette femme intente cette procédure déraisonnable ? La réponse n’a rien à voir avec le droit, ou la morale ou la norme sociale. Cette femme ne supporte pas que son frère ne reconnaisse pas qu’elle s’est consacrée aux derniers moments de la vie de leur père. La relation à l’argent est un moyen pour faire pression, sans qu’une plus grosse part d’héritage soit le réelle enjeux. Elle a besoin d’entendre des mots de reconnaissance de la part de son frère. Le système judiciaire, la « justice » ne pourra pas lui donner satisfaction. Un conciliateur ne peut pas suggérer cette solution car elle n’a rien a voir avec le droit ou la répartition équitable des biens et finances. Un arbitre lui donnera tord. Seul un médiateur professionnel neutre, indépendant et impartial, qui met la qualité de la relation humaine au cœur de la résolution du conflit pourra amener les parties à comprendre par eux-mêmes ce besoin de reconnaissance et de remerciement.

Juridiquement parlant, les effets de la médiation et de la conciliation sont les mêmes : à la fin du processus, les parties trouvent un accord. Si le conciliateur remet un procès-verbal, le médiateur professionnel remet un rapport de médiation aux parties. Un accord de médiation peut être concrétiser entre les parties.

Le procès verbal du conciliateur ou l’accord de médiation ont la même valeur. Ainsi l’accord de médiation ou de conciliation est un contrat et vaut donc loi entre les parties. Afin d’opposer son accord de médiation ou de conciliation aux autres, et notamment à l’administration (impôts, URSSAF par exemple) les parties peuvent demander, très simplement et rapidement, une homologation de leur accord au juge, ce qui lui donnera force exécutoire.

MAIS ALORS SI CES PROCESSUS ONT TOUS CES AVANTAGES POURQUOI NE SE DÉVELOPPENT-ILS PAS PLUS ?

Une des raisons pour lesquelles les parties préfèrent un procès plutôt qu’un règlement amiable de leur différend tient à l’absence de garantie de la qualité et de la compétence des tiers qui interviennent dans leur conflit.

Plus particulièrement dans le domaine de la médiation, des médiateurs sont apparus dans tous les domaines ce qui a rendu illisible l’activité de médiation. Aujourd’hui le titre de médiateur peut être utilisé par tout le monde, sans aucune garantie de compétence ou de qualification. Les différentes formations existantes, pour ceux qui en ont suivi une, ont des contenus et des durées très variables d’une structure à l’autre et n’offrent que peu ou pas de garantie de professionnalisme. L’apparition de fédérations et de chambres professionnelles tentent d’harmoniser les pratiques et la création de codes déontologiques tentent de professionnaliser l’activité. Aujourd’hui il en existe deux :

  • le code national de la médiation créé par le rassemblement des organisations de la médiation dit ROM, sous l’égide de l’institut catholique de Paris avec une centaine d’avocats et de conciliateurs.
  • Le CODEOME (Code d’Éthique et de Déontologie de la Médiation) créé par la chambre professionnelle de la médiation et de la négociation (CPMN).

Ne doivent pouvoir être qualifié de médiateur professionnel que les personnes qui disposent des compétences et des connaissances nécessaires à la résolution amiable des différends.

Aujourd’hui, il est impossible de recenser toutes les activités de médiation. Le Conseil d’État, saisi par le premier ministre, a été chargé de recenser l’ensemble des dispositifs de médiation. Impossible. Il a été constaté que le nom de médiation est utilisé de façons très différentes, et parfois inappropriées. C’est le cas notamment pour des processus qui ne visent pas à résoudre des différends entre les parties, mais traitent de plaintes ou de réclamations d’usagers (ex : les médiateurs de la RATP présents sur les quais), qui émet des avis aux administrations etc. Le Conseil d’État est arrivé à la triste conclusion que 10% des processus recensés étaient des médiations.

Pourtant la médiation conventionnelle est très récente en France puisqu’elle est apparue dans le code civil par décret le 20 janvier 2012.

Mais quels sont les freins au développement de la médiation ?

  • Les justiciables ne sont pas informés et orientés vers la médiation et méconnaissent ce recours.
  • Les avocats trouvent que leur place et leur rôle sont insuffisants dans les MARC en général. Ils veulent une reconnaissance d’une action déterminante de conseil.
  • Les magistrats et les greffes ne sont pas incités à orienter les justiciables vers la médiation ou la conciliation. J’irai même plus loin que ce constat fait par le Conseil d’État, ils ne savent pas (pour certains) ce qu’est la médiation…Quelle ne fût pas ma surprise lorsque je me suis présentée au greffe du tribunal de mon lieu d’habitation, afin que le greffe ou le juge propose aux justiciables de recourir à mes services, et de m’entendre dire « C’est quoi un médiateur ? » La réponse est désormais chez les Médiateurs Professionnels, avec l’EPMN et la CPMN.
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