Alors, c’est quoi la médiation en France ?

2
10903

L’Arlésienne de la transposition
Nous aurions pu penser que le rapport du Conseil d’État « développer la médiation dans le cadre de l’Union européenne » du 29 juillet 2010 ouvrirait le débat, à défaut d’avoir consulté la profession, de la transposition de la Directive européenne 2008/52/CE du 21 mai 2008 sur certains aspects de la médiation en matière civile et commerciale. Le forum des 24 et 25 février 2011 « Professionnaliser la médiation » soutenu par la CPMN auquel elle a activement participé, aurait également dû alerter les pouvoirs publics sur l’intérêt et la nécessité de consulter les professionnels, ne serait-ce que pour recueillir leurs propositions (cf. les 10 propositions de la CPMN), et attirer leur attention sur l’incongruité du lobbying de certaines personnes.
Que nenni. Depuis la parution du rapport du Conseil d’État, tout se passe comme si la profession n’existait pas et comme si la médiation, en tant que discipline, n’aurait pas droit de cité au pays de Descartes.

Force est de constater que par petites touches législatives, réglementaires et administratives loin d’être anodines, la médiation dont d’aucun ne saurait contester l’existence et l’utilité, est mise sous tutelle, marginalisée au profit des lobbys financiers et corporatistes.

Ouvrons les yeux ! Le décret du 1er octobre 2010 relatif à la conciliation et à la procédure orale en matière civile, commerciale et sociale donne aux premiers présidents des cours d’appel, les moyens de suivre l’activité des médiateurs et de coordonner leur action. Pourquoi pas !?

Mais, qu’est-ce que la médiation a à voir avec la conciliation ? Pourquoi entretenir l’ambiguïté entre ces deux modes résolutoires de conflits par essence profondément différents ? Puis vient la loi du 22 décembre 2010 relative à l’exécution des décisions de justice et aux conditions d’exercice de certaines professions réglementées, porteuse de la convention de procédure participative permettant aux parties « de s’engager à œuvrer conjointement et de bonne foi à la résolution amiable de leur différent ». Cela pourrait ressembler à la médiation, ou le laisser croire, mais ce n’en est pas une, d’autant que la convention participative n’apporte aucun règlement durable. C’est un acte de procédure avec tous les risques qu’il comporte d’entretenir ou de faire renaître le conflit. L’arbitrage pour sa part n’est pas oublié. Il fait l’objet le 13 janvier 2011 d’une réforme réglementaire, certainement justifiée, marquant incontestablement une volonté de judiciariser tout litige né de l’exécution du contrat.. Cette réglementation entrera en vigueur le premier jour du quatrième mois suivant sa publication… soit le 1er mai 2011. Curieuse manière de célébrer l’absence de concertation !?

Conciliation, convention de procédure participative, arbitrage. Quel espace pour la médiation ? Et pour quelle médiation ?

La messe serait-elle dite ? Dans une circulaire du 6 avril 2011, le Premier Ministre pour optimiser l’efficacité de l’action administrative et améliorer la qualité du service rendu aux usagers, indique que les politiques publiques doivent également s’appliquer à la prévention et au règlement des différents….par la « transaction » pour éviter un contentieux inutile et coûteux. Dans sa définition que la circulaire en donne : « la transaction est un contrat écrit, permettant de terminer une contestation née ou de prévenir une contestation à naître ( art. 2044 du Code civil). Il y a lieu de la distinguer de la conciliation, de la médiation ou de l’arbitrage » . Et, nous revoici au point de départ, même si les services du Premier Ministre reconnaissent que la conciliation et la médiation sont des « procédures » de règlement amiable d’un différent avant qu’une procédure juridictionnelle ne soit entamée ou menée à son terme.

Sortir de la caverne

A un mois de la transposition de la directive nous demeurons toujours dans l’expectative. Nous ne sommes toujours pas consultés. Aucun élément sérieux ne peut donner l’assurance qu’en la forme et sur le fond, elle soit traduite en droit interne. Est-ce à dire que la politique des petits pas juridiques observés depuis plusieurs mois, serait de nature à permettre aux pouvoirs publics de justifier de mesures prises entrant dans le cadre de l’application de la Directive ? Certainement pas. Tout simplement parce qu’aucune de ces mesures ne fait explicitement référence à la Directive de 2008.

2 Commentaires
Inline Feedbacks
View all comments
trackback

[…] conditions ne sont pas les meilleures, mais elle est en train d’être faite. Nous avons vu le travail bâclé du conseil d’Etat, l’absence paradoxale de concertation entre les organisations de médiation, de médiateurs […]

Médiateurs Professionnels
13 années plus tôt

Le ministère de la justice envisage peut-être dans les prochains jours, d’organiser une consultation publique sur son site internet….. La transposition de la directive européenne sur la médiation civile et commerciale devrait faire l’objet d’un débat public. Pourquoi? Pour légiférer par voie d’ordonnance plutôt que d’avoir un véritable débat avec la représentation nationale ? Qu’est-ce qu’une consultation publique ignorant les représentants des protagonistes de la médiation et en particulier le premier syndicat des professionnels de la médiation et de la négociation ? Oui, il est grand temps que les pouvoirs publics sortent de leur caverne pour comprendre ce qu’est la… Read more »