Réflexions pour la profession de médiateur

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Quel avenir pour la profession de médiateur ? Lors de la transposition de la directive européenne de 2008, les organisations de la médiation professionnelle ont fait dix propositions, en trois thématiques, qu’il est bon de rappeler :

Développer la médiation

  • Instaurer la médiation obligatoire avant tout recours au système judiciaire ou, à défaut, promouvoir la clause de médiation dans tous les contrats.
  • Définir la médiation comme une extension de la liberté contractuelle et relationnelle
  • Lever les ambiguïtés de la terminologie usuellement employée pour définir la « médiation » et le « médiateur » par rapport à la conciliation, l’arbitrage, la négociation et les procédures de réclamations des usagers
  • Retirer toutes les restrictions éventuelles faisant obstacle au recours à la médiation (par exemple loi Béteille).
  • Dispenser la discipline de la médiation dans les écoles (primaires, secondaires et supérieures), les structures de réinsertion (les centres éducatifs fermés, les prisons…)…

Organiser la profession

  • Mettre en place une Commission Nationale de la Médiation, qui aurait pour objet de :
    • Promouvoir la médiation en tant que mode de résolution des conflits fondé sur l’altérité, dans tous les champs de l’activité sociale.
    • Intervenir auprès des organisations pour les inciter à recourir à la médiation.
    • Envisager ses applications dans le système judiciaire civil et pénal, avant, pendant et après le procès.
    • Accompagner les travaux engagés sur l’observation de la médiation en France et à l’étranger (www.wikimediation.org), l’harmonisation du droit en matière de médiation (ayant donné lieu à l’élaboration du Code de la médiation, annoté et commenté en vue de l’orientation de la médiation, Médiateurs Editeurs 2009),
    • Préconiser des orientations législatives et réglementaires, notamment pour garantir l’indépendance, l’impartialité et la neutralité des médiateurs.

Cette commission serait composée, entre autres, d’organismes de formation spécialisés en matière de médiation depuis au moins 5 ans, des organisations syndicales de médiateurs, de salariés et patronales, d’associations de médiateurs avec un conseil d’administration clairement différencié, de représentants de l’association des maires de France, des médiateurs hospitaliers eux-mêmes réunis en commission de la médiation hospitalière, d’élus et de représentants ministériels…

  • Pour l’éthique et la déontologie des médiateurs, s’appuyer sur les textes existants les plus élaborés, et non sur les textes minimalistes.
  • Clarifier les postures indissociables du médiateur par rapport à l’indépendance de toute autorité, la neutralité quant à la solution et l’impartialité relativement aux parties.

Former les médiateurs

  • Abroger le Diplôme d’Etat de Médiateur Familial.
  • Stimuler la créativité en matière de formation de médiateurs pour éviter de figer cette profession encore trop récente.

Il apparait qu’un think tank Synopia s’est inspiré des 10 propositions que nous avons déjà faites en 2011, en les mettant cependant de la manière peu courtoise en une version plutôt conventionnelle.

Alors, en suivant ce think tank Synopia, quelle  médiation risquez-vous d’avoir avec le système actuellement poussé par les magistrats en poste au ministère de la justice et différents hauts fonctionnaires d’Etat ? Clairement, une médiation dont l’objectif est d’abord de faire des économies structurelles, un système moins cher que l’appareil judiciaire, avec un système judiciaire appauvri, démuni, des magistrats formés à la manière fast-food. Mais aussi et surtout, une médiation pour que les personnes ne décident par elles-mêmes que si leur décision est conforme à la morale et au droit, c’est-à-dire une médiation pour se conformer.

Pourtant, il existe une autre conception de la médiation, une médiation professionnelle, une médiation pour aider les personnes à décider, à réfléchir, à créer un projet relationnel, seul moyen pérenne pour aider les personnes à se sortir d’une ornière relationnelle (un conflit par exemple, un litige, un différend, un désaccord habituellement judiciarisé). Cette médiation est une instrumentation fondée sur l’ingénierie relationnelle et la promotion de la qualité relationnelle.

L’organisation de la médiation professionnelle, EPMN, CPMN et ViaMediation, a proposé et les médiateurs exercent dans cet esprit :

  • la reconnaissance du droit à la médiation, comme droit à la libre décision, en amont du système judiciaire privatif de la liberté de décision et système de mise sous tutelle ;
  • l’engagement des médiateurs professionnels au respect du code d’éthique et de déontologie, le CODEOME.
  • la dynamique de projet relationnelle plutôt que l’approche gestionnaire des conflits ;
  • la création d’une commission nationale, non placé sous l’égide de personnalités juridiques qui dénaturent le concept même de médiation et le renvoient dans les Fourches caudines de la morale et du droit ;
  • la médiation de la consommation, que ce soit en ligne ou pas ;
  • la dissociation de la médiation autant du droit que de l’appareil judiciaire ;

L’organisation des médiateurs professionnels ne soutient pas des idées qui ne concernent pas la médiation :

  • la spécialisation pour les avocats : une pure fiction ;
  • la prestation de serment des médiateurs : une copie de la profession d’avocat ; cette copie est une allégeance sans intérêt ;
  • l’allégement fiscal : un encouragement qui n’a aucun rapport avec la motivation des parties à trouver un accord, et dont le principe est très équivoque en matière de fonctionnement : les plus contentieux bénéficieraient d’avantages fiscaux ?
  • la fonction de médiateur : la justification de l’amateurisme … ce qui au demeurant ne nous dérange pas, mais ne saurait être une identification apportant une quelconque légitimité.

Nous avons, en tant que syndicat professionnel, déjà apporté nos réflexions sur l’ensemble de cette question.

Quant à un manifeste pour la médiation, nous l’avons développé : http://www.mediateurs.pro/