Les professionnels du droit regarderaient-ils la médiation de travers ?
Une proposition de loi sème le trouble dans le monde de la résolution des conflits*. Le lobby des avocats qui vit sur le principe de la gestion des conflits en jouant sur la capitalisation des procédures, a lancé une contre-offensive très violente contre la montée de la médiation. Une vaste manipulation juridico-politicienne. Ce lobby a fait introduire ses intérêts et avantages dans un texte portant sur une réforme de certaines professions règlementées. Le texte revient devant le Sénat avec cette disposition d’un pseudo-droit : le droit collaboratif.
Adoptée, cette loi limiterait l’exercice de la liberté contractuelle, soutiendrait la démarche gestionnaire des conflits, privilégierait les intérêts professionnels des avocats, voire entretiendrait l’incompétence en matière d’accompagnement de résolution des différends tout en privant les personnes d’une chance de s’en sortir.
La proposition a été enregistrée le 30 juin 2010 par la présidence du Sénat. Loi fourre tout et sans cohérence d’ensemble, elle est relative à l’exécution des décisions de justice, aux conditions d’exercice de certaines professions réglementées et aux experts judiciaires.
L’attaque en règle se fait par la disposition qui serait intégrée au CC, article 2066 alinéa 2 :
« Lorsque, faute de parvenir à un accord au terme de la convention, les parties soumettent leur litige au juge, elles sont dispensées de la conciliation ou de la médiation préalable le cas échéant prévue. »
Cette disposition consiste à mettre en cause le principe fondamental de l’article 1134 du Code Civil, qui dispose que les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites. C’est un détournement de ce principe que de chercher à faire passer l’intérêt professionnel des conseils en privant les parties d’une possibilité réelle et sérieuse. C’est faire une manipulation que de profiter du contexte conflictuel pour faire révoquer le libre consentement initial des parties consistant à anticiper la résolution de leur différend au moyen de la médiation.
De plus, si ce texte passait, il viendrait mettre en cause les balbutiements des avancées de la médiation dans le monde du droit, tel que le protocole signé à Toulouse. A quoi bon faire recourir à la médiation, si les juristes peuvent s’enfermer dans leur tour d’ivoire ?
Introduire le système lobbyiste des avocats comme moyen autorisé par la loi annonce l’autorisation de combien de prochaines dérives sur la limitation de la liberté relationnelle et contractuelle. Quelle autre profession saura faire prévoir une nouvelle limitation ? Ou quel autre système les professions du droit trouveront pour imposer le recours à leurs services ? On peut voir poindre l’acte d’avocat qui voudrait concurrencer l’acte notarié…
La profession d’avocat est habituellement portée sur le défense des droits. Il convient de rappeler que la mission des médiateurs est de garantir la libre décision des parties. Ici, il apparait un point de forte divergence. Si des avocats sont favorables à la défense de la liberté de décision, il conviendrait qu’ils se joignent aux médiateurs professionnels pour que cette réforme ne soit pas adoptée.
Il serait enfin regrettable que toute la profession d’avocat soit entachée de cette démarche qui consiste à masquer son devoir de conseil. En effet, s’il y avait quelque chose à faire pour les justiciables ce serait bien de renforcer l’obligation de conseil des avocats en ce qui concerne la médiation, si peu respectée, malgré tous les efforts de certains qui rappellent que le jour est proche où un avocat sera cloué au pilori judiciaire pour ne pas l’avoir remplie.
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