Prévention et la résolution des conflits du travail par la médiation

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Un processus défini et reconnu : de la gestion à la résolution des conflits

 

La Directive européenne du 21 mai 2008 relative à certains aspects de la médiation en matière civile et commerciale définit la médiation comme «  un processus structuré…dans lequel deux ou plusieurs parties à un litige tentent par elles-mêmes, volontairement, de parvenir à un accord sur la résolution de leur litige avec l’aide d’un médiateur. Ce processus peut-être engagé par les parties, suggéré ou ordonné par une juridiction ou prescrit par le droit d’un État membre ».

Cette directive fait  obligation aux États membres, y compris en matière de prévention et de résolution des conflits du travail collectifs ou individuels, de prescrire en droit interne le recours à la médiation. Ils doivent organiser « un processus structuré » au terme duquel de façon volontaire « les parties trouvent elles-mêmes un accord ». Le droit européen donne aujourd’hui au législateur français, mais également aux partenaires sociaux par application de la loi du 31 janvier 2007, l’opportunité et l’obligation de réformer en profondeur le système des règlements des conflits collectifs du travail, dont il convient d’observer qu’en un peu plus de cinquante ans, il s’est révélé peu efficace en raison de la primauté donnée à la « gestion des conflits » plutôt qu’à leur résolution.

Le droit européen offre une réelle opportunité de sortir du règne de l’adversité caractérisant la nature des relations du travail, pour ouvrir une voie plus apaisée, plus construite, plus partagée et plus durable élaborée par les protagonistes des relations humaines du travail. La médiation communautaire paraît pouvoir constituer un des éléments efficaces de la refondation du droit social en France, conciliant la protection des travailleurs et l’efficacité économique (cf. Jacques Barthélémy et Gilbert Cette).

Un processus mis en œuvre par des professionnels

La Directive européenne du 21 mai 2008 donne également une définition de la fonction du tiers sollicité qui conduit la médiation avec « efficacité, impartialité et compétence » dans un cadre déontologique permettant d’en contrôler la qualité. Elle délimite également le cadre de la prestation qualifiée rendue par la médiation, laquelle nécessite que les médiateurs reçoivent une formation initiale et continue. L’intervention du législateur européen ouvre de facto la voie à l’organisation de la profession de médiateur. Les pays anglo-saxons ont déjà adopté des dispositions en ce sens. La professionnalisation des médiateurs se mondialise tendanciellement à l’image de son développement aux États Unis. Il appartient en tout état de cause aux pouvoirs publics de promouvoir les techniques de médiation par la formation initiale et  continue mise en oeuvre par les partenaires sociaux dans le cadre de la formation professionnelle continue. Ceci est une  nécessité pour répondre à l’obligation de résultat pour que la médiation soit efficace et réalisée par des professionnels compétents et impartiaux à l’égards des parties.

3 Commentaires

  1.  
                Le Conseil d’État en observant le champ d’application de la Directive européenne du 23 mai 2008 dans son rapport du 29 juillet 2010 « Développer la médiation dans le cadre de l’Union européenne », juge essentiel le caractère intra européen qui ne fait pas obstacle selon lui à ce que les dispositions de la directive puissent servir de cadre de référence pour les médiations internes.
                Cependant, dans le domaine du droit du travail, il indique que dans le très bref délai imparti, il n’a pas été en mesure d’obtenir de la part des administrations concernées, des informations suffisantes de nature à lui permettre d’effectuer le travail de qualification juridique nécessaire à la transposition demandée par le Premier Ministre.
                La médiation pour la résolution des litiges collectifs et individuels fait indéniablement partie des « processus internes » visés par la Directive, faisant obligation aux États membres de l’appliquer aux médiations internes en ayant recours aux techniques modernes de communication, sans pouvoir néanmoins s’appliquer aux droits et obligations dont les parties ne peuvent disposer par elles-mêmes relatives aux dispositions d’ordre public ayant un caractère impératif non transgressable individuellement ou collectivement.
                Le droit du travail français ne fait pas « obligation » de recourir à la médiation. Ce n’est pour les parties qu’une « faculté » qui relève des droits fondamentaux de la personne et des libertés collectives et individuelles. Elle ne fait donc pas obstacle à des dispositions d’ordre public susceptibles de s’opposer à sa mise en œuvre. S’il n’apparaît pas souhaitable à la France de laisser coexister deux régimes de médiation distincts selon la nature des litiges, il est alors légitime qu’elle encadre la résolution par la médiation des litiges nés des relations du travail. Sans pour autant la rendre obligatoire, bien que cette possibilité mérite examen, seule la médiation fondée sur les principes directeurs énoncés par le droit européen permettrait de sortir des logiques d’adversité et d’affrontement caractérisant trop souvent les relations sociales professionnelles dans les entreprises pour permettre d’envisager une compréhension et une reconnaissance mutuelles des parties apaisant leurs relations en apportant un règlement durable à leurs différends.

  2. Michel Augras souligne à juste titre le retard de la France dans le domaine de la négociation des relations du travail qui concerne au quotidien 25 millions de nos concitoyens. Le respect de la réglementation européenne permettrait à n’en point douter de sortir des pratiques ancestrales « d’affrontement » qui caractérisent à l’excès nos modes résolutoires des conflits ou des litiges au travail qu’ils soient collectifs ou individuels. Mais surtout, ce qui paraît essentiel pour les parties concernées c’est la « reconnaissance » que pourrait leur apporter la médiation dans la légitimité de leur point de vue par une recherche de compréhension mutuelle. C’est l’essence même d’un véritable accord dont ils deviendraient les acteurs exclusifs. A l’inverse, nous voyons bien les limites de la conciliation qui demeure qu’une étape dans la résolution des conflits. A la finale, la conciliation s’impose aux partenaires qui n’ont pas d’autres choix que de l’accepter ou de la refuser, alors que la médiation, tel que nous la présente Michel Augras, nous ouvre la voie d’une véritable négociation permettant d’entrevoir un accord durable.Les pouvoirs publics seraient bien inspirés de transposer rapidement en droit interne la directive européenne, en donnant aux partenaires sociaux les voies et les moyens d’accéder à la médiation par un processus réglementaire qui leur garantisse sa confidentialité sous la conduite d’un médiateur neutre, indépendant, qualifié, garant de l’éthique et de la déontologie de ses service et qu’ils auraient librement choisi. JM ICARD Ancien Secrétaire National CFE-CGC

  3. Félicitations Michel Augras pour cette présentation détaillée de la médiation, en tant qu’outil de prévention et résolution des conflits du travail, trop peu connu et souvent mal utilisé en France. Vous avez raison de valoriser le travail réalisé en ce domaine au niveau de l’Union européenne, à travers notamment la Directive du 21 mai 2008, qui s’inspire des « meilleures pratiques » qui existent dans les Etats-membres de l’Union, notamment dans les pays nordiques. Le climat morose dans lequel la France semble s’installer et les nombreuses tensions qui se font jour dans ce contexte appellent à des solutions raisonnées d’écoute, de dialogue, de résolution des conflits à travers la négotiation, à l’image de ce que nous nous efforçons de faire chaque jour, dans un contexte européen. J’espère que votre encouragement à la médiation suscitera de nombreuses vocations, meilleurs voeux de réussite

    Olivier Brunet, fonctionnaire à la Commission européenne, gestionnaire du programme européen de recherche « Régions de la connaissance » visant à favoriser la coopération, au niveau européen, entre pôles de compétitivité, au service du développement régional

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