Nombreux sont les médiateurs professionnels qui interviennent en entreprise sur la thématique du harcèlement moral, encadré par les dispositions de l’article L1152-6 du Code du Travail. Lors de la rédaction de leur rapport, ils sont régulièrement confrontés à des questions relatives au principe de confidentialité auquel ils sont soumis.
Le médiateur ne saurait être garant du respect de la confidentialité par les parties. Il doit donc avoir à l’esprit que, même s’il prend le soin de rappeler dans son rapport que celui-ci est strictement confidentiel, il est possible que l’une ou l’autre des parties s’en serve ultérieurement, notamment dans le cadre d’une instance judiciaire.
Il doit donc être attentif à la rédaction de ce rapport, de façon à rester factuel, à utiliser le conditionnel, et à ne pas se présenter comme témoin de faits dont il n’a connaissance que par les propos des parties.
Le médiateur pourra utilement rappeler aux lecteurs de ce rapport sa confidentialité en insérant cette clause:
« Conformément aux dispositions de la directive 2008/52/CE du Parlement européen et du Conseil du 21 mai 2008 et de l’article 21-3 de la loi n°95-125 du 8 février 1995, ce document est strictement CONFIDENTIEL au sens où il ne pourra être utilisé en dehors du cadre de la présente intervention de médiation, notamment à des fins conflictuelles ou de procédure judiciaire. »
Si malgré cette clause un avocat communique ce document, ou un extrait, il pourrait être mis en cause en cas de préjudice en résultant.
L’article L1152-6 du Code du travail dispose que:
« Une procédure de médiation peut être mise en oeuvre par toute personne de l’entreprise s’estimant victime de harcèlement moral ou par la personne mise en cause.
Le choix du médiateur fait l’objet d’un accord entre les parties.
Le médiateur s’informe de l’état des relations entre les parties. Il tente de les concilier et leur soumet des propositions qu’il consigne par écrit en vue de mettre fin au harcèlement.
Lorsque la conciliation échoue, le médiateur informe les parties des éventuelles sanctions encourues et des garanties procédurales prévues en faveur de la victime. »
Il est souvent exigé, au visa de ce texte, qu’à l’issue de la médiation, le médiateur préconise des solutions. Cette lecture dénote la méconnaissance du rôle du médiateur professionnel.
En effet, le médiateur professionnel ne soumet pas aux parties ses propres propositions, c’est-à-dire des idées qu’il aurait eues lui-même ou dont il serait le messager.
Il recueille dans un premier temps les solutions, les propositions de chacune des parties et les aide éventuellement à les clarifier et les compléter. Puis, il reprend chacune de ces propositions et les soumet aux parties afin d’envisager leur faisabilité.
Dans le cas où elles trouvent une solution, l’affaire est réglée. Le rapport du médiateur pourra se limiter au constat que les parties ont trouvé une issue. Il pourra éventuellement en faire une description.
La question se pose lorsque les parties ne parviennent pas à un accord.
Retenons que le médiateur ne peut récapituler dans son rapport que les propositions que les parties ont envisagées et examinées au cours de la médiation. En aucun cas, il ne peut en inventer d’autres dans son rapport, lequel n’est pas un instrument de découverte, mais de restitution synthétique des échanges. Il est absurde d’imaginer que le médiateur aurait un devoir d’innovation à l’occasion de son rapport.
La référence à la directive 2008/52/CE pour l’intervention d’un médiateur saisi au titre de l’article L.1152-6 du Code du travail est incontournable et d’une absolue nécessité.
Il convient toutefois de rappeler que les dispositions législatives françaises relatives au harcèlement moral dans les entreprises sont fondées sur deux postulats : maintenir l’emploi et protéger la santé et la sécurité du salarié. De ce fait, plusieurs parties peuvent être impliquées, la ou les présumées victimes, la ou les personnes mises en cause et l’entreprise représentée par l’employeur.
L’ordonnance n° 2011-1540 du 16 novembre 2011 n’a aucunement impactée l’application du Code du travail dans le domaine particulier du harcèlement moral. C’est certainement regrettable, mais dans l’instant, il convient de s’y conformer. De fait, le médiateur choisi détient de par la loi une mission de conciliation et non une mission de médiation au sens de la loi du 8 février 1995. En outre, les propositions qu’il consigne par écrit ne constituent pas un rapport mais des préconisations au regard de l’obligation de résultat incombant à l’employeur en matière de santé et de sécurité au travail.
Il appartient donc au médiateur professionnel de préciser avec chacune des parties impliquées le cadre et les modalités de sa mission. La référence à la directive européenne et le respect d’un Code d’Éthique et de Déontologie pour sa conduite doit lui permettre de s’affranchir de la procédure de conciliation dans laquelle la loi tend à le placer pour se positionner pleinement et délibérément dans le cadre d’une médiation conventionnelle. Il appartient également au médiateur d’accepter ou non la mission proposée, notamment s’il estime que toutes les conditions ne sont pas réunies pour sa conduite.
Deux hypothèses doivent être examinées. Dans un cas, la médiation permet aux parties de trouver un accord (1). C’est leur accord. Elles sont libres de son utilisation, le médiateur demeurant pour sa part dans une posture de stricte confidentialité, tant dans la conduite que sur le contenu de la médiation. Dans un autre cas, les parties ne trouvent pas d’accord avec l’aide du médiateur. Celui n’a aucun rapport ou compte rendu à produire sur la conduite et le contenu de la médiation . Pour autant, d’un point de vue strictement légal, il doit remettre par écrit des propositions de nature à mettre fin au harcèlement si harcèlement il y a (2).
Les choses ne sont pas aussi simples que la seule approche généraliste pourrait le laisser à penser. D’un coté la loi définit une procédure, d’un autre coté le médiateur met en œuvre un processus. La complexité des situations doit aussi être examinée à l’aulne des règlements conventionnels élaborés par les partenaires sociaux. C’est dans ce contexte que les entreprises ont recours aux services de médiateurs professionnels expérimentés dans les domaines des relations et des conditions de travail.
Une évolution de la législation sur la médiation en entreprise dans des situations du harcèlement moral est envisageable. Elle est même souhaitable. Néanmoins et compte tenu de la spécificité du sujet, l’intervention d’un médiateur restera fondée sur la garantie de l’emploi et la santé et la sécurité du salarié. Elle dépassera nécessairement le cadre d’intervention d’un généraliste, le médiateur paraissant devoir présenter des compétences avérées pour pouvoir intervenir sur ces sujets. Pour être précis, le simple fait d’être en capacité de pouvoir rétablir une qualité relationnelle entre les parties, ne saurait être suffisant pour s’inscrire dans le cadre d’une politique de prévention à élaborer ou mettre en œuvre.
Laisser à penser que tout médiateur professionnel est en mesure d’intervenir en entreprise sur ce sujet particulier pourrait être hasardeux. Au delà de l’expérience nécessaire, il convient d’ores et déjà de s’interroger au moins d’un point de vue syndical sur les contenus de la formation continue des médiateurs préconisée par la directive européenne.
(1) l’accord ne met pas nécessairement fin à une situation de harcèlement. Il peut porter sur le règlement d’une situation ne présentant pas de caractéristiques de harcèlement au sens légal.
(2) Dans ce cas, les préconisations peuvent être fondées sur une absence de harcèlement moral.
Voilà des réponses à des questions qui clarifient la manière d’aborder un sujet délicat. La mission même du médiateur s’en trouve plus claire. Le médiateur n’est donc pas missionné pour inventer une solution mais pour aider les parties à mettre leurs idées en place ; il fait un inventaire et favorise l’émergence d’une solution commune. Si les parties ne parviennent pas à s’entendre, alors le médiateur produit un rapport qui restitue tout cela, sans en inventer une nouvelle sortie d’on ne sait quel chapeau. Il n’a pas à évaluer. Le rapport devient un instrument de mémoire, voire de confrontation, en vue d’une prolongation de la réflexion… Et puis tout conflit un jour arrive à son terme …
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