Ethique et déontologie en médiation, les trois piliers de la distanciation, pour les nuls

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Indépendance, Impartialité et neutralité

Casse tête et médiationTout d’abord, je propose d’examiner la notion que j’ai précisée en médiation professionnelle, la distanciation. Elle est constituée de trois éléments qui ne sont guère intégrés par tous les médiateurs et mon propos est ici d’inciter le microcosme de la médiation de se faire un même vocabulaire. Pour cela, je propose de conduire une indispensable réflexion sur ce sujet où, par facilité l’on embarque des postures morales à la place de celles de la rigueur. Jérôme Messinguiral me dit que ce texte n’est pas très à la portée des personnes non formées à la médiation. Il m’a néanmoins suggéré de faire un questionnaire de contrôle des acquis et c’est ce que j’ai produit à la fin de ce sujet.

Les trois piliers de la distanciation que j’ai retenus en m’appuyant sur la modélisation rhétorique des « stratégies et interactions en communication – SIC » sont :

  • l’indépendance, pour ses liens avec les principes de rappel au règlement et à la loi
  • l’impartialité, pour son rapport avec les protagonistes d’un différend
  • la neutralité, pour son évocation de la solution adoptée par les parties.

Ces termes retenus, les choses peuvent paraître évidentes. Mais l’habitude des acteurs de la médiation est de ne pas utiliser cette trilogie ou de l’utiliser de manière confuse. C’est pour commencer à démêler cela que je publie cet article.

Le modèle rhétorique d’observation comportementale que j’ai développé, l’Etude SIC, m’a permis de positionner dès 2002 les composantes de la distanciation. Grâce à lui, j’ai pu identifier les éléments de postures d’un médiateur professionnel et en dissocier la confidentialité, en la définissant plus justement comme une garantie.

L’impartialité n’est pas l’indépendance ni la neutralité et celle-ci n’est pas l’indépendance non plus. Peut-être par empressement, ils sont nombreux à ne pas retenir des définitions rigoureuses et à se satisfaire du flou des idées reçues. Ceux-là parlent de « gestion des conflits » en lien avec la médiation, alors que le terme de « gestion » signifie bien a minima « maintenir en l’état », d’autres confondent indépendance, neutralité et impartialité. D’autres encore insistent sur leur posture moralisatrice, avec la bienveillance, qu’ils préfèrent à l’indépendance. Les rédacteurs de la directive européenne de 2008 eux-mêmes n’ont pas été plus rigoureux, en ne retenant que l’impartialité. Ils ont négligé la neutralité et l’indépendance au profit de la compétence et la diligence.

Quand j’ai commencé avec la médiation, on ne se posait pas toutes ces questions, parce qu’il n’était pas envisageable que l’activité de tiers dans le règlement amiable des conflits devienne une profession. En 1987, je me présentais aux dirigeants d’entreprise comme « consultant en médiation ». C’est en 1999 que j’ai imaginé qu’une profession pouvait se dégager de l’évolution de cette spécialité centrée sur l’amélioration des relations. J’ai alors lancé la première formation de « médiation professionnelle ». A ce moment là, dans les autres centres de formation dont l’existence ne m’a été révélée que grâce à internet, il était question de manière très variable d’impartialité, de neutralité et de confidentialité ou bien d’indépendance, de neutralité et de confidentialité. Les choses n’étaient pas claires. La confusion sémantique faisait loi. Voyons cela.

Qu’est-ce que l’indépendance d’un médiateur ?

La première confusion concernant l’indépendance est faite avec son usage relatif aux professions libérales, dites professions « indépendantes », parce que le professionnel est son propre employeur. « Installe-toi en indépendant », c’est-à-dire « soit ton propre employeur ». C’est plus une question de statut que de posture. Il convient donc de différencier ici le statut juridique de la posture déontologique.

La deuxième confusion dont l’indépendance est l’objet provient de l’assimilation avec l’impartialité. La subtilité nécessite de faire jouer son esprit de finesse, ce qui n’est pas forcément gagné. Il est exact que dès lors que l’on prend parti pour quelqu’un, on semble en relation de dépendance. Mais en fait ce n’est pas parce qu’on prend parti pour une personne que l’on se retrouve en relation de dépendance.

La troisième, c’est la confusion avec la neutralité. Là, ça paraît d’ailleurs simple, voire évident : être neutre nécessiterait d’être indépendant. C’est la confusion totale. La neutralité est cette posture que j’ai mise en regard de l’accord passé par les parties.

Avec ce genre d’approche confusionnelle, il suffirait d’un mot et on pourrait croire avoir tout dit. N’est-ce pas d’ailleurs un peu ce qui s’est passé pour la rédaction de la directive européenne où ne figurent ni l’indépendance ni la neutralité ?

Article suivant : Ethique et déontologie en médiation, l’indépendance n’est pas un statut mais une posture, pour les nuls

Dossier sur l’éthique et la déontologie en médiation, pour les nuls

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