La signature de l’autobiographie que Martine Chaudey nous propose est peut être immédiatement créatrice d’un embarras dès que l’on veut l’expliquer. Le titre d’abord, Sourde aux maux, se lit mieux qu’il ne se prononce sans se heurter à la phonétique. Face à la surdité naturelle, voilà que s’impose une surdité de protection.
Et son choix de pseudonyme : Martine Chaudey propose son autobiographie qu’elle signe Cygnelle. Ce goût du jeu de mots n’est pourtant pas ce qui caractérise Martine et ce n’est pas ce qui se lit dans les pages de son histoire.
Mais c’est ainsi qu’elle a choisi d’entrer en relation avec l’écriture et d’offrir une lecture de sa vie.
Martine m’a adressé son ouvrage cet été en me proposant de le lui préfacer. Ce n’est pas un livre de légèreté. Il n’est pas long. Il se lit facilement. Mais c’est du lourd. L’ambiance. Il raconte ses années à subir l’incompréhension silencieuse de ses parents et de son entourage éducatif face à son invisible surdité.
J’ai rédigé une préface et j’ai écrit que dans cette histoire, la pollution relationnelle a atteint parfois le seuil de l’inacceptable. C’est ce qui me reste encore tandis que je cherche les mots pour cet article.
Et Martine n’a pas accepté la fatalité : devoir affronter en permanence. Elle a refusé le principe de l’adversité. Pourquoi faudrait-il « se battre » pour « survivre » ? Pourquoi considérer les autres comme des adversaires ? Pourquoi cette règle de la méfiance ?
Martine est venue en formation à la médiation professionnelle. Elle raconte ce tournant dans sa vie. Un grand tournant. Celui qu’elle cherchait avec impatience. Brusque quand même. Elle a vécu cette expérience comme « une sortie de la caverne », cette demeure souterraine à laquelle j’ai consacré un petit ouvrage « Et tu deviendras médiateur… et peut-être philosophe ». Avec le matériau de sa vie, elle raconte très concrètement la nécessité de bien comprendre ce que signifie le mot altérité. Normal que la médiation professionnelle lui ait apporté une instrumentation de sens plus précis dans sa quête.
Elle a pu trouver les mots de la construction d’une pensée rationnelle, pour se construire soi-même, en sortant des confusions culturelles. Par exemples :
- l’autre n’est pas un autre moi-même, parce qu’il est différent et que cette différence doit être identifiée pour être comprise ;
- on peut sortir de la fatalité de soi et de la représentation des autres : chacun peut se libérer des entraves religieuses et culturelles du fatalisme ; chacun peut se construire et décider pour lui-même, tout en respectant les autres, sans pour autant se soumettre…
Martine Chaudey est désormais médiatrice membre de la CPMN. Elle offre ses services dans ce champ spécifique où elle a imaginé faire entrer la médiation professionnelle. Elle peut y exprimer la performance de ses compétences.
Je vous laisse découvrir son histoire. J’y ai trouvé autant de raisons qui m’ont fait accepter de préfacer cet ouvrage d’un parcours… pas ordinaire. Merci donc de son échange.