La médiation professionnelle et la fin du monopole du droit pour régler les différends

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Lorsque sur les sièges de l’assemblée nationale, il y avait beaucoup d’enseignants, l’éducation était prioritaire. Maintenant, les sièges de l’assemblée nationale sont occupés par un grand nombre d’avocats. Ceci suffit à expliquer cela.

Mais curieusement, chacun doit avoir le don d’entraîner sa cause dans la perdition. L’enseignement est devenu un foutoir et l’éducation nationale « mammouth à dégraisser ». De la même façon, trop de droit tue le droit. A prendre n’importe quel code, des textes se contredisent, c’est la grande confusion. A force de trop en faire, les juristes ont provoqué eux-mêmes la débâcle du droit.

C’est dans cette atmosphère que des textes ont été pris pour se sortir de cette ornière où l’absurde en vient à prétendre gérer la vie des personnes qui n’ont pas su raison garder et se sont retrouvées sur le chemin accidenté et hasardeux des procédures. Ces textes préconisent les « modes alternatifs de résolution des différends ».

La fin du monopole juridique sur le règlement des différends judiciarisables ?

Ainsi, le 14 mars 2015, le journal officiel a publié un décret de nature à bousculer des habitudes en matière de « gestion » des différends. L’heure n’est plus à la promotion des procédures. Malgré un lobbying des plus acharnés, la médiation préalable est désormais possible avant les procédures judiciaires civiles, sauf cas d’urgence ou condition d’ordre public. Ses dispositions entrent en application à partir du 1er avril 2015. Il est pris dans la suite de la transposition de la directive européenne de 2008. Les propositions de la CPMN ont été entendues et une partie a été adoptée.

Ce nouveau texte viendrait-il consacrer la fin d’un monopole ? De fait, le monde du droit n’est plus seul sur la ligne de départ du règlement des différends. C’est fini. Le règlement des conflits, que ce soit par la « gestion » ou par la « résolution » est clairement considéré comme un marché sur le terrain du relationnel, comme il existe un marché de l’alimentaire, de l’immobilier, du vestimentaire, etc… Il existe ainsi deux approches :

  1. une approche de « gestion de l’adversité » avec mise sous tutelle d’une autorité, le plus souvent juridico-judiciaire. Elle comprend une certaine pratique de la médiation qui renomme en fait la conciliation ; ainsi, lorsque des personnes se sont fourvoyées dans un différend et que celui-ci a été soumis au système juridico-judiciaire, le différend devient une l’affaire et le dossier devrait y rester encadrée, les personnes aussi ; le soupçon est constant ; le tiers intervient comme autorité sachante ;
  2. et une approche de « promotion de l’altérité », dont le principe est de promouvoir la libre décision. Elle préconise la médiation professionnelle pour permettre aux personnes de (re)trouver les postures du libre arbitre ; ainsi, lorsqu’une relation s’est fourvoyée dans un différend, les personnes concernées se font assister d’un tiers dont les compétences consistent à leur permettre de retrouver la voie d’un libre accord. Celui-ci, par définition, n’a pas lieu de consister à soumettre les parties autrement que par leur libre engagement qui repose sur une confiance elle-même aussi retrouvée ;

Le texte est simple : si vous voulez recourir à un juge pour trancher le tort et la raison, vous le pourrez, mais après avoir fait les démarches amiables, dont vous devrez présenter les attestations au juge. Pourquoi ? Parce que c’est une manière de pousser les avocats à remplir leur devoir de conseil lequel prévoit qu’ils doivent informer leurs clients sur les possibilités amiables prévues par les textes pour résoudre un différend.

Combien d’avocats négligent cet aspect de leur devoir ? Il aurait pu se faire que des justiciables se retournent contre leur conseil pour ne pas avoir rempli cette obligation, mais en mettant ce dispositif en place, le législateur évite un nouveau prétexte à procédure.

Très concrètement, la médiation…

1/ Vous envisagez une procédure judiciaire

Avant, quand vous aviez un différend, vous alliez voir un avocat. Celui-ci examinait votre dossier, et vous donnait des informations sur sa manière de voir l’application du droit. S’il doutait, au mieux, il vous laissait apprécier vos risques d’engager une procédure. Si vous persistiez, et qu’il était partant, alors il convertissait en langage procédurier ce que vous souhaitiez argumenter. Ca, c’était avant.

1.1/ Vous êtes en cours de procédure, la médiation est possible

La procédure traîne en longueur. Certes, il existerait une possibilité à peine dicible pour mettre un terme au différend, ou remédier à l’affrontement dont vous ne voulez plus. Mais comment s’y prendre ? Proposer la discussion ? L’autre partie pourrait en tirer une gloriole… Il existe une possibilité : le juge peut ordonner une médiation. Ce n’est pas nouveau, mais c’est très récent. Pour ne pas se faire agacer par l’adversaire, il suffit de demander au juge de faire la proposition. Les conseils peuvent être porte-paroles. Un médiateur peut aussi être sollicité pour prendre contact avec le juge afin de mettre en place les pourparlers en toute discrétion. Le texte ouvre cette possibilité, laquelle n’avait nullement besoin d’être encadrée juridiquement. C’était le cas avant, et ça l’est encore maintenant.

1.2/ Une décision judiciaire a été prononcée, mais ses conséquences comportent des risques

La médiation, c’est avant, pendant et même après. Aussi surprenant que ça peut l’être pour beaucoup, la décision d’un juge au civil ne vaut que si l’une des parties veut la faire exécuter. Si les parties s’entendent d’une autre manière, c’est leur accord qui prévaut, parce que, tel que le prévoit l’article 1134 du code civil :

« Les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites. » (article 1134)

et

« La loi contractuelle s’impose au respect de la loi, parce qu’elle procède d’une source supra-légale : le droit fondamental de l’homme à se gouverner par sa volonté » (source).

Autrement dit, plus que toute décision imposée, protocole homologué ou transaction enregistrée, rien ne vaut un accord de médiation librement élaboré.

1.3/ Pour éviter l’écueil des médiateurs formés à l’amateurisme

Tableau des médiateurs professionnels 2015
Tableau des médiateurs professionnels 2015

Vous pouvez découvrir tout l’intérêt des compétences des médiateurs professionnels, mais comme dans tout domaine, il faut pouvoir les trouver. Je vous recommande les meilleurs, pas les amateurs, pas les médiateurs formés à la manière psycho, qui vous font de la sauce « risque psycho-social » et discours de canapé, non plus les médiateurs formés version confessionnelle, recherche du pardon et discussion admonestation, comprendre l’autre et je vous en passe, pas plus que les médiateurs transfuges qui vous disent qu’il faut quand même connaître la loi, non des médiateurs professionnels, des spécialistes de la relation, qui ne vous diront pas des sornettes du genre « pas de médiation sans conflit »…

Pour trouver les médiateurs professionnels, vous disposez du Tableau officiel des médiateurs professionnels. Vérifiez leur appartenance à la CPMN. Seuls les membres de la CPMN présentent les garanties offertes par le code d’Ethique et de déontologie de la médiation professionnelle, le CODEOME.

2/ Vous faites appel à un médiateur professionnel

Code de la médiation, dirigé par M* Agnès Tavel, préfacé par le 1er président Bruno Steinmann
Code de la médiation, dirigé par M* Agnès Tavel, préfacé par le 1er président Bruno Steinmann

Admettons, vous avez un projet et vous ne savez pas comme l’élaborer avec vos partenaires : vous faites appel à un médiateur professionnel. La sortie d’un conflit est un projet en soi. En conséquence, il est tout à fait justifié de faire appel à un médiateur professionnel. Ils sont les seuls à être formés dans cette perspective.

Vous êtes en conflit vous envisagez une procédure judiciaire. Non, pas tout de suite. Vous devez impérativement aller voir un tiers qui va vous aider à discuter à l’amiable avec votre adversaire. Ce tiers, idéalement, c’est le médiateur professionnel. Grâce à lui, une nouvelle voie s’ouvre. Il vous permet de clarifier vos demandes, non pas pour les faire défendre, mais pour engager ce que nous pouvons appeler une « inimaginable discussion ». Il ne s’agit pas de négocier, il s’agit simplement de reposer les choses et de trouver un accord. Les exemples sont tous plus surprenants pour celui qui ne sait pas, mais la démarche est simple. Tenez, quand on ne connait pas la solution d’un casse-tête, on peut se dire que c’est impossible. Et pourtant, la solution existe. Autre idée, avec trois couleurs et 1m2 de toile, chacun fera une oeuvre très différente – ou une croute, ce qui augmente encore plus les possibles. Hé bien il est là le travail du médiateur professionnel : préparer les personnes et ensuite leur permettre de trouver et de mettre en oeuvre une solution – qui peut être un accord ou un projet.

Vous pouvez vous procurer le Code de la Médiation et du médiateur professionnel, annoté et commenté, rédigé sous la direction de M° Agnès Tavel et préfacé par le 1er président Bruno Steinmann. Cet ouvrage est désormais complété par ce décret qui prévoit dans le code de procédure civile, livre 1er, titre VI, un chapitre 2 intitulé La Médiation.

L’évolution des professions du droit est-elle possible ?

L’aspiration à préserver le monopole sur le traitement des différends conduit les dirigeants des professions ordinales à tenter d’affirmer leurs professions comme compétentes dans le domaine de la qualité relationnelle. Ils retiennent par erreur l’idée de la médiation comme une tentative dont ils annoncent déjà l’échec.

En fait, il est possible pour ces professions de devenir partenaires, dans une optique de respect de l’éthique sociale, du développement de la médiation professionnelle en se sensibilisant, a minima, à cette nouvelle discipline, ou en se formant pour mieux orienter les personnes vers la préservation de leur libre arbitre.

La décennie du droit à la médiation

Il faut le faire savoir. Tout le monde est concerné. Toutes les situations conflictuelles judiciarisées sont concernées. La décennie du « droit à la médiation » commence bien.

Je ne cache pas que je suis content que la nouvelle profession de médiateur que j’annonce depuis 15 ans peut se réjouir de commencer d’exister. C’est une superbe opportunité.

La décennie va commencer par le symposium des 15 et 16 octobre 2015 à Bordeaux.

Faites de la médiation, pas de l’affrontement

Avec la médiation préalable, un nouveau pas est franchi. C’est une instrumentation comparable à la ceinture de sécurité pour la libre décision. Inutile de se faire imposer les choses : on peut arriver à trouver un accord. Les médiateurs professionnels savent faire pour vous aider à étendre votre liberté de discussion, d’expression et de décision.

Je vous recommande les médiateurs professionnels. Ils sont inscrits sur le Tableau officiel des médiateurs professionnels.

En effet, ils sont les seuls à être qualifiés. Ils promeuvent la mise en place du recours au droit à la médiation. La compétence, ça ne s’invente pas, ce n’est pas une proclamation, c’est un travail et vous pouvez venir avec vos différends, nous vous aiderons à les démêler.