La gestion des risques occupe une place prépondérante dans les organisations et les institutions. Cependant, cette logique, qui semble incontournable, repose souvent sur une base culturellement craintive. En générant et transmettant de l’effroi, elle s’ancre dans un postulat émotionnel renforcé par l’adoption politique du principe de précaution, un concept qui, bien qu’utile, devient paradoxalement un frein à l’innovation et à la réflexion rationnelle. Pour dépasser ces limites, il est essentiel de comprendre les mécanismes sous-jacents à cette dynamique et de repenser les fondements mêmes de la prévention des risques
Une culture de la crainte comme fondement
La gestion des risques actuelle s’aligne fréquemment sur une posture de peur anticipée, directement issue des automatismes du cerveau humain. Les recherches en neurosciences montrent que le cerveau, en raison de sa consommation énergétique élevée, privilégie une gestion économique de ses ressources. Ce fonctionnement engendre des raccourcis cognitifs, des croyances et des réactions émotionnelles qui limitent la créativité et la rationalité.
Ainsi, la peur devient une boussole décisionnelle, orientant les pratiques managériales, les politiques publiques et les comportements individuels vers une surenchère, qui peut faire du rajout, de la répétition ou du retrait. Par exemple, le principe de précaution, initialement conçu pour prévenir des catastrophes environnementales et sanitaires, s’est transformé en un frein culturel. On n’investit pas pour résoudre. Pourquoi ? Pour une question de croyance : « on n’y croit pas ! » L’application excessive de ce principe fige les initiatives, amplifie les inquiétudes et étouffe les stratégies adaptatives.
Un exemple criant de cette dérive a été observé lors de la gestion du COVID-19, avec des mesures telles que l’autorisation personnelle de sortie de chez soi, illustrant une gestion alarmiste et rigidifiée par la peur.
Le paradoxe du principe de précaution
Le principe de précaution, inscrit dans de nombreux textes juridiques, repose sur l’idée qu’en cas de doute scientifique, il vaut mieux s’abstenir. Cette démarche, bien intentionnée, a cependant glissé vers une approche immobilisante. En mettant l’accent sur les vulnérabilités potentielles, elle favorise une culture de l’abstention plutôt que de l’innovation.
Ce glissement crée un déséquilibre : les opportunités sont occultées au profit des vulnérabilités, et la crainte de l’inconnu prend le pas sur la prise de décision éclairée. Plutôt que de se concentrer sur l’exploration des solutions, cette logique alimente une stagnation culturelle et organisationnelle.
Un modèle émotionnel contre-productif
La logique actuelle de gestion des risques repose sur une hiérarchisation implicite des émotions, où la peur domine comme facteur décisionnel. Cette dynamique ignore plusieurs éléments clés :
La diversité des perceptions : Ce qui semble risqué pour une personne peut paraître anodin pour une autre. Les biais émotionnels faussent donc l’évaluation.
Les opportunités masquées : Chaque risque porte en lui un potentiel d’apprentissage et de progrès. La sur-focalisation sur l’évitement prive les organisations de ces bénéfices.
Les conséquences secondaires de l’évitement : À force de vouloir tout sécuriser, on génère de nouvelles vulnérabilités, telles que l’immobilisme, le blocage de l’innovation ou la perte de compétitivité.
6 idées pratiques pour une prévention rationnelle et équilibrée des risques
Pour dépasser cette culture de la crainte, l’adoption une approche fondée sur l’anticipation réfléchie et l’adaptabilité créative peut changer profondément le référentiel de pensée. Mais, cela implique un changement profond dans les enseignements, les pratiques et tout un ensemble de représentations actuelles :
Réévaluer le principe de précaution
Plutôt que de s’en tenir à l’abstention ou au rejet, il faut redonner à ce principe son rôle initial : un outil de vigilance qui équilibre prudence et progrès. Les analyses scientifiques et rationnelles doivent être replacées au cœur des décisions, loin des excès émotionnels.
Déclasser la notion de risque comme synonyme de peur
Le risque n’est qu’une éventualité, et il doit être traité comme tel. Il s’agit de l’anticiper avec lucidité, sans le dramatiser, pour en faire un objet d’attention créative.
Prioriser les opportunités
Plutôt que d’ériger la gestion des risques en dogme, les organisations doivent intégrer la logique d’exploration des bénéfices potentiels associés à chaque situation. Cela transforme la prévention en un levier d’innovation.
Intégrer une dimension pédagogique
Les risques doivent être contextualisés, expliqués et partagés de manière transparente. Une régulation collective et proactive des perceptions permet d’éviter les excès émotionnels.
Développer une culture de d’accueil
Constater que tous les risques ne peuvent être éliminés est une affaire de logique. Il suffit de se réveiller et, rien avec la conscience incidente, un premier risque s’impose ! Une organisation apprenante met l’accent sur la capacité à réagir et à apprendre des imprévus, plutôt que sur une tentative vaine de tout contrôler.
Revaloriser l’audace et l’innovation
Les grandes avancées naissent souvent de prises de risque calculées. Encourager l’expérimentation, même dans des cadres incertains, est un moteur essentiel de transformation.
L’avenir se joue au présent : une vision libératrice
L’avenir se joue au présent : une vision libératrice
En finir avec cette approche restrictive est essentiel pour mieux vivre sur notre planète. La gestion des risques doit cesser d’être une mécanique de freinage pour devenir un levier de progrès et de créativité collective. En dépassant la logique émotionnelle de la peur et en adoptant une approche rationnelle et anticipative, les organisations peuvent transformer leurs défis en opportunités.
Plutôt que de considérer le risque comme une menace, n’est-il pas temps de le reconnaître comme un défi naturel de l’action humaine, à relever avec audace, lucidité et pragmatisme ? Allez-vous participer à cesser de parler en gestionnaire d’existence, d’émotion, de carrière, de relation, de projet pour contrecarrer ce fatalisme mental qui se justifie toujours comme une évidence pour faire porter à chacun de lourdes chaînes de vie tandis que la vie est un moment de tourisme existentiel…
Publié sur Agoravox, le 31 décembre 2024