Le Gemme professe le souffle divin sur la médiation

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Vous n’avez pas assisté aux IIIème Assises Internationales de la Médiation Judiciaire, organisé par le groupement européen des magistrats pour la médiation, dit GEMME, il y a quelques semaines, alors voici non un compte-rendu, mais une réflexion sur le compre-rendu même. De toute évidence, la parole du GEMME évolue… ou se précise.

Ceux qui connaissent le domaine de la médiation ne seront pas étonnés que l’organisation syndicale des médiateurs professionnels, la CPMN, pourtant historique maintenant, n’y soit pas conviée. Pourtant, nous avons en commun l’idée de la médiation et une foule de mots qui devraient nous permettre de nous faire entendre les uns des autres. Mais ceux-là savent que le microcosme de la médiation est compartimenté, voire autant sectarisé que sectorisé : médiation spiritualiste, médiation juridique, médiation psycho-thérapeutique jouent d’influence pour monter sur le podium de l’encadrement juridique de la médiation, et enfin la médiation professionnelle, de type rationnelle et philosophique que j’ai initiée et développée. Autant de courants qui font plus ou moins bon ménage. Depuis 2000, on est médiateur à tout va si bien que d’aucuns prétendent ne plus y voir clair, alors qu’ils n’y ont jamais regardé de prêt ni de loin avant. D’évidence, à lire GEMME et consorts, ceux-là ne se contentent plus du voisinage et insistent pour faire du ménage.

Mais qui donc, sous le masque de la médiation, se cache ici ou là ?

De prime abord, il convient d’en rester à la thématique de la médiation des conflits. Pour la CPMN, l’EPMN, ViaMediation, c’est clair, net et précis : la démarche est centrée sur les aspects pratiques et une conception rationnelle. La chose est dans le slogan engagé sur la professionnalisation : pour une profession éthique, un médiateur, une mission, un résultat. Le « processus structuré » est une idée liée à la médiation professionnelle, ainsi que la médiation préalable à l’action judiciaire, la définition des conflits, le diagramme de la qualité relationnelle, etc. L’identification des courants d’influence de la médiation en fait partie. C’est aussi dans les choix posturaux clarifiés et définis : indépendance, neutralité et impartialité, combiné à l’engagement de confidentialité. Tout cela est souvent repris, avec le temps, parfois avec maladresse, souvent avec peu de compétence, et de plus sans citer la source. La démarche est ici à  l’observation et à la recherche. Les dogmes y sont examinés avec le scepticisme qu’il convient d’avoir face aux idées reçues. Et c’est justement ce qui fait la différence : ici, je cherche puis je mets en évidence, je conceptualise et j’apporte. Un ensemble de relais font un travail formidable de réflexion, d’appropriation et de communication. Les particuliers peuvent suivre la démarche ouverte à tous grâce à internet et aux différents outils que nous entretenons sur le web.

Les trois premiers courants cités plus haut brouillent un peu les cartes en faisant école ensemble. Les professionnels du droit et de la comptabilité par exemples, et quelques uns de l’entreprise, se font embarquer sans forcément savoir où ils se trouvent. Le courant le plus puissant en France, qu’on ne s’y trompe pas, est le courant spiritualiste, dominé par l’engagement catholique. Ne jouons pas à cache-cache : on y trouve la puissante organisation de l’institut catholique de Paris, avec son Ifomene.

Force est de constater que sous couvert de pacification, les religions ont toujours pratiqué – a minima – l’exclusion. Ceci explique cela. On y trouve le discours culpabilisateur, accusateur et celui de la responsabilité fautive. L’alliance est faite avec les théories freudienne et jungienne qui considèrent l’humanité comme une clientèle devant être docile, et dans le cas contraire, à défaut d’être débile, c’est qu’elle est gravement manipulatrice. Quoiqu’il en soit, personne ne saurait échapper à l’emprise de l’église : avec la romaine, on était tous porteurs du péché originel, avec la freudo-jungienne on relève tous d’une psychanalyse ou d’une psychothérapie. Les tenants de la religion universaliste ont trouvé ici un relais qui ressemble à l’ambition dogmatique sans la concurrencer, d’où la sainte alliance. Par ailleurs, on a vu les réactions inquisitoriales lors de la sortie d’un bouquin de Michel Onfray à propos de Sigmund Freud, ses affabulations et détournements, notamment avec une pétition adressée à la direction de France Culture. La partie n’est pas aisée pour se faire entendre, puisque les animateurs de ces courants ont leurs entrées et y posent des verrous, avec un grand savoir faire dans le dénigrement.

Comme introduction à ma lecture du compte rendu du GEMME, c’est dit : d’un côté la quête scientifique, de l’autre les affirmations dogmatiques.

Les animateurs du GEMME enferment la médiation dans une représentation judiciaire

Internet aidant, je lis le compte-rendu de l’évènement du GEMME. Je ne suis pas sûr que tous les participants de ce groupement approuvent son contenu. L’amateurisme est constant. L’autorité du métier de robe fait illusion. Là, les questions ne semblent pas résolues quant à la définition de la médiation. Les gérants du GEMME semblent embarrassés de devoir un jour reconnaître que ma proposition de rendre la médiation préalable à toute action judiciaire en civil est la plus pertinente – ils citent l’exemple italien. En fond, la voix de la défense d’une pseudo liberté de choix pour la médiation s’élève, sourde au fait que cette liberté est perdue dans le conflit. Mais ils cherchent la branche. Il leur est difficile d’adopter l’idée sur laquelle j’insiste que la médiation est une approche plus large que le seul traitement des conflits : ils feignent de ne connaître que la médiation judiciaire. Ils font du Pirandello : « Chacun de nous projette un univers dans lequel il s’enferme et les autres avec lui. »

Laissons cela, je vais retenir quelques idées fortes de cet événement et vous comprendrez pourquoi je pense que les dirigeants du GEMME sont anti-médiation alors qu’ils prétendent la promouvoir. Ils s’en défendront, accuseront en retour, s’attristeront, incrimineront, se plaindront, dénonceront l’agression, seront outrés, simuleront la hauteur de vue : leurs techniques sont courantes. Une vraie cour de récréation. Ils savent même se tenir dans l’ignorance et y enfermer ceux qui viennent les écouter. S’ils ne trompent pas leurs membres, ils se racontent une histoire, confondant allègrement médiation et conciliation, dilettantisme et compétence. Les animateurs de ce groupement ne parviennent pas à se défaire de leur mode contradictoire truqué et de leurs repères culturels qui justement sont à revoir pour faire de la médiation.

De l’amateurisme à la volonté de faire  réglementer l’usage du mot « Médiateur » 

Il est intéressant de lire dans ce compte-rendu que l’on pacifie les conflits avec la médiation… Non, on ne pacifie pas les conflits ! On pacifie les relations, on ne pacifie pas les conflits ! Impossible de tout relever, mais la médiation n’est pas non plus un espace de liberté, non, si la médiation est un espace, alors c’est plus celui d’une libération, pas de l’exercice d’une liberté. Les personnes qui sont en conflit ne sont pas libres, leur entêtement les enchaîne. Leur libre décision est sérieusement bridée. C’est précisément cet amateurisme constant qui est le problème de la médiation : les retraités d’une profession de l’adversité et les spécialistes d’un système d’affrontement qui viennent donner des leçons pour le développement d’une nouvelle profession portant sur l’envers, soit l’altérité.

Par ailleurs, il n’est pas rassurant de voir des magistrats s’occuper de médiation, en tout cas de cette manière, comme si la thématique leur appartenait, indiquant que « n’importe qui peut s’intituler médiateur… » ou que le médiateur est au service du juge (cf. juge aux affaires familiales par exemple). Nous (médiateurs professionnels) nous occupons de l’indépendance de notre activité, qu’ils s’occupent donc d’assurer la leur, de militer pour un exercice transparent et responsable de leurs attributions. Ils ignorent donc que la médiation est répandue dans l’ensemble de la société, sous des formes aussi différentes que celles de médiation scientifique, médiation culturelle, médiation urbaine, médiation pédagogique… autant de formes qui existaient antérieurement à leur propre intérêt pour le sujet.

Le ménage devrait être fait sur le pas de sa porte : n’importe qui peut s’appeler « juge » … et aucun illuminé n’irait demander que le mot soit encadré juridiquement. Ca serait aussi ridicule que de demander l’encadrement du terme de médiateur. Il reste que le législateur nous a habitué aux perles, alors avec une inspiration de Gemme, ça ne serait guère étonnant…

Soyons optimistes. Pour se faire identifier, il faut choisir une posture et s’y tenir, pas être écartelé par ces valses hésitations entre conciliateur, juge et amis de la médiation. De ce point de vue, la médiation professionnelle existe et il est remarquable que cet « événement » n’ait accueilli que des juristes et le courant catholique de la médiation. La médiation professionnelle existe depuis 2001, clairement positionnée initialement dans le champ de l’entreprise. La partie judiciaire n’est qu’un moindre aspect de la problématique sur laquelle la médiation professionnelle permet d’intervenir, puisque « qui peut le plus peut le moins », c’est l’ensemble de la qualité relationnelle qui constitue le champ d’intervention des médiateurs professionnels (CPMN).

Et Dieu a été convié pour l’harmonie des Assises du GEMME

Pour le Gemme, qui a l’oreille du ministère de la justice et même la publicité :

L’idéal du Groupement Européen des Magistrats pour la Médiation est de croire que nous les Juges, les Avocats, nous ne sommes pas importants, mais que ce sont les Justiciables qui le sont, ceux qui ont faim et soif de justice et le mariage harmonieux entre la Juridiction et la Médiation va permettre de combattre les injustices et celle en particulier du délai non raisonnable des solutions. (…) Et, vraiment, l’harmonie (…) est ce qui peut le mieux rapprocher les personnes à Dieu.

Voilà, c’est dit. On sait où on est et où l’on va lorsqu’on se forme avec des personnes se réclamant du Gemme, de l’Ifomene (Institut Catholique de Paris), de l’ANM (fondée par le prêtre Jean-François Six), et de toutes les organisations qui en constituent la cour. Le sectarisme dont fait de plus en plus preuve ces défenseurs d’une certaine médiation n’a d’équivalent que la montée de l’intégrisme religieux en France. Chacun avance pour se montrer. Les uns se voilent les autres se dévoilent.

Et le pire dans cette histoire, où nous sommes théoriquement dans un pays qui prône la laïcité, c’est la tranquille caution du ministère de la justice. Deviendrait-il, dans les aspirations du Gemme, le ministère de l’inquisition ? Dans tous les cas, la déclaration institutionnelle du Gemme est là, agressive, insultante et cependant clairement énoncée. Il le fallait. Hé bien de cette médiation là, qui entraîne un nombre d’échecs incroyables, nous n’en voulons pas. Que ses tenants informent les usagers et les justiciables de ce qui se trame dans leurs interventions et bien plus de la majorité dira ne pas vouloir revenir à la pratique de la confession et des interprétations ecclésiastiques.

L’indépendance est la seule garantie pour exercer la médiation en tant que professionnel

Face à cette tendance, la médiation professionnelle (EPMN – CPMN – Viamediation) se développe, avec un certificat historique, le certificat d’aptitude à la profession de médiateur (CAP’M), un master2 de médiation professionnelle, un syndicat professionnel, la chambre professionnelle de la médiation et de la négociation, une école, à Bordeaux (EPMN), qui dispense des formations à Paris, Lyon, Bordeaux, Fort de France, et auprès de nombreuses entreprises, le plus ancien media internet spécialisé sur la médiation : le mediatoroscope, le wikimediation, etc… et maintenant une chaîne télé internet : Point de vue médiation…

Quoiqu’il arrive, et souvent on peut être surpris, le débat est ouvert, et pas seulement aux retraités, pas pour un déballage. Le débat est ouvert : que voulons nous, une médiation laïque, indépendante, neutre et impartiale, ou une médiation soumise à des dogmes ? Parfois, la force de ces lobbys ont fait la démonstration que les débats ont lieu avec une sélection très précises des « contradicteurs »… Et on saura que c’est le jeu de l’illusion.

Somme toute, le nom de cette manifestation en dit plus long que ce que l’on croit a priori, ces assises de la médiation judiciaire ont ressemblé à un procès pour mieux la condamner : les assises étaient là. Le nom bien choisi. Le chemin n’est pas encore débroussaillé pour permettre à ces animateurs qui profitent de leur position d’autorité, de mieux maîtriser les concepts utiles à permettre aux personnes en conflit de réfléchir ensemble pour redéfinir leur projet qu’il s’agisse de poursuivre leur relation, de la reprendre ou de la rompre de manière consensuelle.

Et retenons cela, la médiation, ce n’est pas le droit. La médiation, ce n’est pas le système judiciaire. La médiation ce n’est pas une nouvelle façon de faire de la religion, ce qui est réservé à la vie privée, pas à la démonstration collective. La médiation n’e’st pas un champ d’investigation où l’on catalogue a priori ou a posteriori les comportements ou les personnes. Quand elle est professionnelle, la médiation est une opportunité d’étendre la liberté relationnelle, la liberté contractuelle ; c’est une instrumentation au service de la qualité relationnelle. Les avocats ne sont pas plus médiateurs naturels que les notaires, et pas plus que les magistrats. La médiation est une discipline qui s’acquiert par une formation qui remet en cause le bon sens. La médiation professionnelle c’est d’abord l’éthique.

Source du compte rendu

3 Commentaires

  1. Je viens de découvrir sur le net une thèse produite dans le cadre de l’université catholique de Bretagne. Le contenu n’est pas partout invraisemblable, mais la représentation du conflit ne donne aucune possibilité d’intervention. Là-bas, on « gère le conflit ». La recherche du médiateur la réconciliation. Il y va muni du pardon. Une grande confusion existe dans l’étude de l’antériorité de la médiation. La confusion est totale avec les exemples sur de soi disant médiation tribale, avec un frère qui jouerait le médiateur. C’est du remplissage. Mais d’évidence, la prof est convaincu et citée tout au long du mémoire. A ceux qui ont l’énergie lire dans le texte : http://tel.archives-ouvertes.fr/tel-00729040

  2. Caser la médiation au rang d’outil à disposition du juge, au grand bonheur des affairistes, est l’objectif en non-dit du Gemme depuis sa création. J’ai noté une jolie petite aberration dans le résumé de leur site « Concernant la France, la principale innovation de cette transposition a été la possibilité de rendre exécutoire l’accord issu d’une médiation. Ainsi, les parties étant parvenues à un accord issu d’une médiation conventionnelle peuvent désormais saisir le juge compétent pour que cet accord soit homologué et qu’il ait force exécutoire. » . Personne ne réagit ? Personne ne voit la bourde ? Il suffit de lire ce document de la Cour de cassation pour se rendre à l’évidence que le site du Gemme ne véhicule pas la  compréhension correcte de ce qu’est un titre exécutoire, en confondant l’homologation, qui reçoit la force exécutoire, à l’accord, qui revient aux parties dont il émane.

    • Bonjour Alain, nous avons dénoncé depuis longtemps, face aux clairons de l’important groupe de pression soutenant la juridicisation de la médiation, que les textes visés atteignent à la liberté contractuelle. Ni le GEMME, ni la FNCM et ses affiliés au sein du groupement ROM (AME, ANM, CMAP, etc…) n’ont cru bon de relever cet énormité. Nous aurions pu nous attendre à ce que des juristes s’élèvent contre cette atteinte à la liberté. Pour l’instant, d’évidence, aucun n’a été gêné par la chose.

      En l’occurrence, avec le décret n°2012-66 du 20 janvier 2012, il s’agit de judiciariser les accords passés dans un contexte de liberté contractuelle, soit celui de la médiation dite conventionnelle.

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