La médiation professionnelle inspire

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Pratique de l’ingénierie relationnelle

Depuis que j’ai initié la médiation professionnelle, nombre de personnes s’en réclament ici et là et c’est une bonne chose que de contribuer à une identité rationnelle de cette approche qui était considérée voici peu de temps comme étant liée à la bonne volonté, l’intuition et le bon sens. La médiation est donc devenue une approche professionnelle. Mais sous cette forme, elle présente beaucoup d’amateurismes et je ne souhaite qu’une chose c’est que la discipline que j’ai initiée évolue encore.

Je reçois un mail de Samuel Perriard qui vient de publier un livre intitulé « La médiation en pratique – huit clés pour réussir », aux éditions Jouvence. Il me propose d’intervenir dans les formations de l’EPMN. Il m’adresse en pièce jointe la couverture de son livre, dont je retrouve le contenu sur le site de la maison d’édition. Après lui avoir adressé ma réponse, dont s’inspire fortement cet article, je viens en discuter ici.

Je constate que sous le même vocable, les idées sont différentes. A comparer les énoncés de la quatrième de couverture de cette dernière livraison, les distinctions suivantes s’imposent :

  • la médiation professionnelle que j’ai initiée n’est pas une approche de « gestion des conflits » mais relativement aux conflits, une recherche de résolution au moyen de processus structurés ; la première expression utilisée pour résumer cet ouvrage est celle de « gestion », or un médiateur ne saurait encourager les parties à entretenir une relation conflictuelle…
  • la médiation professionnelle est aussi éloignée de la démarche de conciliation que le juge du négociateur : la médiation professionnelle consiste dans un accompagnement réflexif, tandis que la conciliation consiste à proposer des possibilités d’accord ; cet ouvrage évoque immédiatement qu’il vise, sous le titre de médiation en pratique, à « réussir ses conciliations… »
  • le médiateur professionnel n’est pas « bienveillant ». La bienveillance est un repère moral qui consiste à louvoyer entre la sympathie, la compassion et parfois la pitié ; soit à abonder dans le sens de la victimisation. Le médiateur professionnel, en  tant qu’accompagnateur de la résolution des différends, confronte les parties à leurs éventuelles difficultés, leurs contradictions, leurs aspirations et notamment à faire la distinction entre ce qu’elles font et ce qu’elles recherchent, ce qui parfois peut être particulièrement péniblement et hors du champ de la bienveillance…

C’est beaucoup de différences. Le terrain n’est pas le même. Enfin, pour être parfaitement clair, l’idéologie dont l’auteur ne semble pas être conscient, est pourtant très affichée. Il s’agit d’une idéologie empreinte de religion chrétienne.

L’angélisme, c’est le moins que l’on puisse dire, de la couverture est une manière très spécifique de traiter de la médiation. On y voit un personnage d’inspiration spiritualiste, consommateur d’un brin de laurier pacificateur, inspirateur de divination et fantasme de la mère chez Freud, doté d’ailes protectrices et tentaculaires, tournées autour de chaque protagoniste, unissant coûte que coûte les deux brebis égarées.

La morale est ici, rampante, induisant qu’il faut s’entendre ou se ré-entendre. Ca serait le but de l’intervention du médiateur. Or, en médiation professionnelle, j’ai bien cerné les trois issues possibles d’une médiation : la Reprise de la relation, l’Aménagement relationnelle ou la Rupture consensuelle… On s’éloigne encore plus de cette conception qui illustre la réussite par le serrement de mains voire l’embrassade fraternelle.

Force m’est de constater une nouvelle fois les écarts entre ce que je développe dans le champ de la rationalité et ce qui est présenté comme pouvant être complémentaire de mon approche de la qualité relationnelle et de ses processus de dégradation et de restructuration. Je laisse ouvert ici un débat pour une éventuelle discussion sur les fondamentaux des différentes conceptions de la médiation et de cette discipline dont j’ai posé les bases voici plus de 10 ans.

3 Commentaires

  1. Il me semble sur les fondamentaux de la Mediation ont été créés et inventés à partir de la méthode Harvard et des professeurs comme Thomas Fiutak à partir des  méthodes de négociation de Fisher et Ury… nous ne faisons qu’apporter des nuances à leurs méthodes depuis bientôt 15 ans…. Mais bien sur je ne connais sans doute pas encore tout… 

    • Aux Etats Unis la médiation est souvent confondue avec la négociation et c’est ce que vous véhiculez en citant ces auteurs qui font dans le « gagnant-gagnant ». Cette même confusion existe en France, parce qu’elle est également présentée de cette manière dans plusieurs formations. Une confusion similaire existe avec le rôle du conciliateur, voire de l’arbitre. Je vous invite à découvrir le WikiMediation que vous ne semblez pas connaître…

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    • Par ailleurs, le lien que vous avez établi entre votre nom et le site internet d’un centre de médiation rattaché à l’ANM et la FNCM souligne les origines de ce qui vous a été enseigné et conforte ce que j’ai indiqué précédemment. Le logo de votre association (colombe, rameau d’olivier…), d’une symbolique très chrétienne, va dans le même sens et enfin, la vidéo que vous avez sur ce site n’est pas éditée par l’Union Européenne, mais seulement financée, comme nous l’avons déjà signalé ici sur le Mediatoroscope. Vous vous faites tromper par l’apparence, en raison de l’affichage du logo en première sur la vidéo. La méthodologie présentée est celle d’un centre de formation italien, pas d’une méthodologie agréée par UE…

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