Les Nouveaux Barbares, Frédéric El Kaïm (Une C°, Bordeaux)

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réunion1Un couple sort du cimetière suivi du cortège des amis, des collègues… Il vient d’enterrer son fils de 10 ans. Sans transition, Michel, le père, est appelé par la direction parisienne de la société qui l’emploie : il est licencié pour « défaut de motivation professionnelle »…

Ce fait divers réel est le point de départ dramatique de la pièce de Frédéric El Kaïm.

Salariés, syndicalistes, service des Ressources Humaines, direction, au fil des discussions, confrontations, jeux de pouvoir, Les Nouveaux barbares nous entraînent à un rythme effréné dans le monde de la grande entreprise, comme si on y était.

Humiliation, déni de l’autre, manipulation du langage, toutes les manœuvres qui viennent altérer la dimension humaine des rapports sociaux dans le monde professionnel sont le prétexte de scènes parfois burlesques. Même les conflits restent larvés, étouffés par la peur. Si le rôle du théâtre est de grossir le trait, la pièce ne sombre jamais dans la démagogie.

« Ce qui est frappant, c’est qu’il n’y a pas d’un côté les gentils, de l’autre les méchants… », dit une étudiante en sortant de la salle.

Effectivement, à chaque scène, un micro posé dans l’ombre, permet à chacun des protagonistes d’exprimer à la fois son point de vue et la bonne intention qui l’anime, d’où une vision générale en altérité du monde du travail. Chacun fait ce qu’il peut et tout le monde « en prend pour son grade », y compris le monde du spectacle.

Pari gagné pour le metteur en scène et les comédiens, pour cette pièce d’autant plus risquée que le sujet est « à la mode ». Le débat qui clôture le spectacle en est la preuve, elle ne laisse personne indifférent : le représentant de l’association de DRH qui aimerait organiser une représentation pour ses collègues, le cadre victime d’un « burn out » qui livre spontanément son expérience, le salarié qui apporte son vécu, son analyse, son ressenti.

Plus que le pouvoir ou l’argent, tous s’accordent à dire que l’enjeu, c’est l’emploi.

Chacun s’interroge sur la peur et la soumission qui conduisent des personnes à des actes qu’elles réprouvent.

Nous sommes loin des représentations d’une entreprise « pathogène » et du mythe du pervers narcissique : selon Frédéric El Kaïm, le problème est « bien au-dessus », il l’associe au passage d’un capitalisme industriel à un capitalisme financier. Un jeune homme invoque la responsabilité des médias dans la propagation de la pensée unique liée à l’économisme.

Les Nouveaux barbares : une pièce de théâtre pour faire réfléchir…

Les médiateurs toulousains pourront voir la pièce au Centre culturel de Ramonville, le 10 janvier 2014 à 10h30, dans le cadre d’un festival professionnel (ce qui explique l’horaire inattendu), gratuit et ouvert au public, dans la limite des places disponibles.

Des représentations auront lieu ensuite dans toute la France.

A ne pas manquer : c’est aussi l’occasion d’aborder le point de vue de la médiation professionnelle.