Pour une différence entre subordination et décision
Il reste maintenant le troisième point, celui portant sur la confusion entre indépendance et neutralité. Dans le premier module des formations à la profession de médiateur, nous insistons sur les éléments posturaux. Nous y revenons de manière plus approfondie lors du deuxième module, puis nous invitons chacun à s’approprier le code d’éthique et de déontologie, le CODEOME, qui devrait permettre à tous de s’imprégner de ces définitions. Et pourtant, un peu plus tard, parfois, chez certains, il en reste quelque chose qui ne ressemble plus à rien. Il reste la confusion.
L’indépendance porte sur la relation que le médiateur a avec une autorité. Pour certains rester «indépendant », c’est comme de rester « neutre ». L’amalgame est vite fait au point que la neutralité disparaît dans la définition posturale. Pourtant, l’indépendance pourrait être considérée en amont de l’action du médiateur, tandis que la neutralité serait en aval. La neutralité concerne l’autorité que le médiateur peut exercer sur les parties. Le médiateur est en posture d’influence potentielle. S’il joue de morale ou d’autres critères dont il serait porteur, il peut agir sur le choix de la solution. Il peut orienter la décision.
En réalité, le médiateur peut être indépendant de toute autorité, mais pas neutre sur la solution et agir pour qu’elle lui convienne.
La neutralité peut être déjà mise à mal quand le médiateur donne son avis sur la solution. Elle est entamée quand il juge de ce qui est le moins pire ou le mieux. Elle l’est aussi quand le médiateur témoigne d’une position d’expert d’un domaine technique relatif au différend. C’est ainsi une erreur que de privilégier un expert du domaine technique d’un conflit, parce qu’il va agir plus en arbitrage qu’en médiation. Parce que le domaine technique d’un conflit est celui de la relation, le reste est souvent accessoire. Alors lorsque le médiateur fournit la solution, il dérive et sombre dans l’incompétence de son rôle. Il ne fait plus médiateur, mais conciliateur ou conseil.
De même, un médiateur qui utilise une fonction d’arbitre, de juge ou de conseiller au prud’homme pour dire aux parties ce qui lui paraît bon, bien ou juste, transgresse la neutralité. En faisant cela, il influence les parties, puisqu’il cherche à les conduire à faire un autre choix que le leur. Il transgresse lorsqu’il argumente que devant une juridiction la décision serait de la nature de celle qu’il préconise. Non seulement c’est préjuger, mais c’est surtout, en matière de médiation professionnelle, une transgression de la neutralité. Car la neutralité porte sur la solution que les parties d’un différend viennent à adopter. Il y va de leur engagement dans un projet qu’elles vont être seules à entretenir. Il convient que ce soit leur décision, leur choix, leur façon de concevoir et d’envisager les choses.
La neutralité n’est pas forcément facile à préserver pour celui qui prétend avoir une autorité de fonction ou de compétence. Celui-ci a tendance à vouloir dire ce qui lui paraît adapté comme procédé. Le médiateur qui donne son avis ou qui dit le droit d’une manière ou d’une autre n’est pas neutre. Si un avis extérieur est nécessaire, il convient de faire appel à des experts.
Avec l’indépendance, c’est le médiateur relativement à l’autorité qui pourrait s’exercer sur lui et avec la neutralité, c’est l’autorité que le médiateur pourrait exercer sur les parties. C’est ainsi, par manque de discernement et de finesse que nombre de médiateurs confondent tout.
Ces trois postures clarifiées, et l’indépendance en premier lieu, expliquent pourquoi les médiateurs ne sauraient attendre de l’Etat une identité réglementée. Les médiateurs ne peuvent être professionnels qu’au travers de la reconnaissance par leurs pairs. Et dans tous les cas, les médiateurs ne sauraient être diplômés d’Etat, ce qui constituent une mise sous tutelle culturelle, et encore moins enfermés dans une profession ordinale. Cette démarche de confort est le témoignage d’une absence de compétence qui cherche refuge.
L’article suivant est pour le 26 janvier 2014.
Dossier sur l’éthique et la déontologie en médiation, pour les nuls
Merci de cette précision, à laquelle j’adhère totalement, et qui me semble importante. Toutefois, je pense que la coexistence des différents courants doit être active et respectueuse. Les courants évoluent, derrière les écoles, il y a des praticiens et de ce fait, je suis persuadé qu’il ne faut pas rester sur des a priori et ouvrir un vrai débat avec tous les médiateurs.
La commission nationale de la médiation que nous proposons de créer devrait pouvoir répondre à cette exigence.
Nos institutions de la médiations professionnelle ne verseront pas vers un CAP’M diplôme d’Etat et la CPMN ne soutiendra pas une démarche de captation culturelle de la médiation.
La CPMN est à l’initiative de la proposition de créer un secrétariat d’Etat ou un ministère de la médiation et du dialogue social dont la mission devra être de rendre cohérent le paysage de la médiation institutionnelle et privée. La cohérence ne signifie pas mise sous tutelle. Les médiateurs (en tout cas, les médiateurs professionnels) sont des promoteurs du libre arbitre et donc aussi de l’autodiscipline.
Pour la CPMN les différents courants de la médiation doivent coexister, mais en toute transparence.
La CPMN a également proposé la création d’une commission nationale (soit une commission mise en place sous l’égide du premier ministre) de la médiation.
Bonjour,
Quelle serait la position de la CPMN si l’état créait un secrétariat d’état à la Médiation et décidait que la seule formation appropriée était celle dispensée par l’EPMN et, en conséquence, décretait le diplôme de la CPMN diplôme d’état, seul reconnu pour pratiquer la médiation ? (situation qui serait proche de celle de la médiation familiale)
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