Le déluge breton, les organisations et les médiateurs professionnels

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Si ce n’était pas le déluge en Bretagne, cela y ressemblait. Des millions de litres d’eau, des trombes ! et les tempêtes, le vent qui tonnait, les charpentes craquaient. On peut même dire que la Bretagne a été coupée du monde le vendredi 14 Février 2014. J’y étais. Arrêté dans mon élan à rentrer chez moi, j’ai dû passer la nuit à l’hôtel. La maison n’était plus un lieu de sécurité. Soudain, cette idée s’immisce, devient sentiment et un trouble s’impose. Les lignes aériennes ont été fermées à cause du vent et de ses rafales. Comme la Bretagne ne dispose pas de lignes TGV dignes de ce nom, c’est à dire sécurisées, ni de voies routières entretenues, c’est-à-dire à l’abri des chutes d’arbres, les milliers de passagers bloqués ont bien cru qu’ils allaient finir le voyage le 15 en charrette tirée par un cheval. C’est globalement le ressenti qui régnait à la gare de Rennes, le tout dans l’ambiance bon enfant qui caractérise le plus souvent les gens de cette région.

Deux éléments cependant :

  • les bonnets rouges ont rappelé (au même moment)  leur mécontentement et le sentiment d’abandon de plus en plus prégnant qui  émerge de la « cité ». Cette région devient de plus en plus une péninsule et revendique à l’instar de l’Irlande et autres un plan de désenclavement ;
  • les faits concrets sont là, routes coupées, voies aériennes coupées et voies ferroviaires coupées. Si la fermeture de l’aéroport de Brest peut se comprendre, les autres moyens de transport devraient assurer la continuité de l’accès à la région. Or, ce vendredi constitue la preuve qu’il n’en n’est rien. La Bretagne a été coupée de fait du fait d’une décision d’un Etat centralisé ce qui  pourrait conforter à terme, certains  autonomismes voire extrémismes.

Ainsi, les instances françaises et européennes, au lieu de cultiver le conflit, feraient bien de se pencher sérieusement sur cette région dynamique, riche en talents ET ainsi offrir à l’OUEST les mêmes chances que celles largement déployées à l’EST, allez savoir pourquoi ?…..

Fait remarquable dans ce genre de situations, des experts de tout domaine sont appelés (telles les augures et autres piéta divinatoires)  et font feu d’études les unes plus approximatives et interminables que les autres. Cela coûte très cher à la société qui n’y trouve pas son compte et pour cause ces études n’apportent pas de solutions. Exemple : la ligne à grande vitesse bretonne devait être opérationnelle en 2012 et elle ne le sera sans doute pas avant une bonne vingtaine d’années. Il fut une époque où lorsqu’une digue se rompait, le village se réunissait et la réparait avec les moyens à disposition, de l’énergie et de la solidarité. Aujourd’hui, on étudie, on devise et on procrastine sans répondre aux demandes des administrés. Cette rupture du lien relationnel est une des causes du désenchantement des populations pour l’action politique, cela en dit long aussi sur le pessimisme ambiant. L’ambiance bon enfant durera elle ? les dernières manifestations montrent l’exaspération d’une région et le peu d’espoir dans les expertises et autres techniques de communication, « de l’enfumage dit-on dans Landerneau ».

Pourquoi vous raconter cette histoire de bord d’océans ? Parce que c’est pareil dans le domaine des organisations. Une véritable fable marine. Que ce soit en entreprise ou  en milieu public, quand le déluge c’est à dire les crises apparaissent, on fait appel à de nombreuses expertises pour dire comment les « gérer ». Un processus identique se met en place : on « profile », on « expertise », on discute, on « planifie » et c’est géré ! Tout le monde semble content. Tout le monde ? Pas ceux qui sont les plus concernés. Clairement ils attendent une « résolution », des réponses à leur problématique. Ils attendent du concret, pas de la planification qui ramène les solutions aux calendes grecques.

Le médiateur professionnel n’est pas sur le même registre que les experts et « profileurs » de tous horizons, il a les pieds ancrés dans la réalité et propose un processus orienté « solutions ». Lesquelles ? demandent avides de compétences tous ces « consultants ». Ces solutions sont celles qui émergent des personnes elles-mêmes et seules l’arrogance de l’exercice du pouvoir empêche les personnes de pouvoir les exprimer. Il y a un processus qui se met en place et une posture qui permet aux médiateurs professionnels (CPMNd’accompagner les personnes vers une résolution pérenne des situations d’apparence les plus complexes.

Au moment même où certains pseudo experts de la médiation, affiliés à des instituts religieux, font l’assaut de certains ministères sans doute pour préserver leur hégémonie, la CPMN réaffirme son engagement laïque au service des personnes en affirmation du code de déontologie qui anime la chambre. il est peut être temps que les professionnels de la médiation soient aussi écoutés que certains courants qui gangrènent l’idée même de République.

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