France Télécom, l’avocat, le psychiatre, l’universitaire et le médiateur professionnel

1
5499

A écouter cette émission, les spécialistes de l’intervention en entreprise ne sont pas d’accord sur la manière d’aborder les situations et d’envisager de les gérer ou de les résoudre. Les définitions de ce qui est appelé depuis quelques années maintenant « harcèlement moral » varient selon l’acception psychiatrique ou juridique et plus encore avec l’approche de la médiation professionnelle qui offre une nouvelle façon d’intervenir très opérationnelle.

Néanmoins, si les points de vue divergent, les conclusions convergent : il ne faut pas attendre que la maison ait brulé pour intervenir…

De la théorie du sociologue, en passant par celle du psychiatre qui fait de l’intervention médicalisée, à la pratique juridique qui vise à réprimer à celle du médiateur professionnel qui préconise une approche pédagogique, les écarts sont très importants.

Pourtant, on le verra, la posture du médiateur professionnel permettra de faire rapidement un consensus : l’absence de savoir faire est la principale cause de ce qui peut générer de la « souffrance mentale au travail ».

Pour Arnaud Mias c’est une « manière pour le droit de se saisir de ce problème, souffrance au travail, santé au travail, [c’est] tirer un fil pour traiter ces problèmes là », pour Patrick Légeron « la loi ne donne pas la définition que les psychiatres donnent (cf Marie France Hirigoyen), [ce sont] comportements individuels face à face entre individus (…) un pervers narcissiques qui prend plaisir à faire souffrir la personne, or il s’agit d’organisation, la définition n’est pas la bonne ». Valérie Duez-Ruff met « en cause les méthodes managériales ».

Pour Jean-Louis Lascoux enfin, on ne dirige plus comme avant. Il existe un  « changement de rapport à l’autorité » qui induit une source d’opposition à la « manière de faire passer les directives, de se comporter, dans le management des hommes ».

La discussion portant sur les constats des uns et des autres, on peut en extraire que Arnaud Mias voit une « régression de l’autonomie dans le travail », une « situation française dégradée en terme de qualité du travail », « sans doute lié aux relations hiérarchiques ».

Patrick Légeron, lui, soutient que la « réalité est qu’il y a des changements dans les milieux pros qui impactent la santé physique et psychique » mais que « le facteur humain a été négligé », « les souffrances psychologiques sont d’origine multi-factorielle », il est « difficile de démêler les part du professionnel et du personnel »

Jean-Louis Lascoux pointe le fait que ce n’est pas en « médicalisant les comportements humains » que les solutions sont plus évidentes, alors qu’en fait « les personnes ne savent pas être en relation, communiquer. » Il en résulte un besoin de formation plus que de répression.

Les pistes de solutions partent d’un même constat, quand la maison a brulé, il est trop tard pour empêcher l’incendie

Valérie Duez-Ruff s’avance sur une piste où l’on doit « considérer les ressources humaines comme des vraies richesses, ressources interchangeables, (il faut) considérer l’humain comme une variable de l’économie »

Pour Arnaud Mias « la solution, beaucoup d’entreprise la cherchent », ça passe par « anticiper les impacts managériaux », voire « réinventer une façon de discuter  »

Patrick Légeron constate que « les managers français ne sont pas formés à manager des hommes », sous-entendant une approche pédagogique ou tout du moins un accompagnement des managers

Jean-Louis Lascoux fait le constat que la plupart des outils sont des « outils qui catégorisent les comportements, mais ne permettent pas de faire quelque chose d’opérationnel ». La piste la plus opérationnelle consiste à agir en « prévention, permettre aux personnes de mieux savoir comment anticiper « , soit mettre en place des dispositifs de promotion de la qualité relationnelle, le tout sur fond de dialogue social.

Ce débat permet déjà d’annoncer qu’un ouvrage collectif va sortir le 15 septembre, aux éditions ESF : Pratique de l’ingénierie relationnelle, par Jean-Louis Lascoux, Fabien Eon et Henri Sendros-Mila.

Emission On va plus loin (07/07/2016) par publicsenatprésentée par Sonia MABROUK et Paul BOUFFARD, avec :

  • Valérie Duez-Ruff, avocate au barreau de Paris et de Madrid, spécialiste des risques psycho-sociaux
  • Jean-Louis LASCOUX, président de l’EPMN, vice-président de la CPMN.
  • Patrick Légeron, psychiatre et attaché de consultation (Service hospitalo-universitaire du Centre Hospitalier Sainte-Anne de Paris)
  • Arnaud Mias, maître de conférences en sociologie à Rouen

Pour aller plus loin :

Dépêche AFP  des médiateurs professionnels sur le dialogue social et le rapport à l’autorité

1 Commentaire
Inline Feedbacks
View all comments
Louise M
Louise M
7 années plus tôt

Ce débat démontre que la qualité relationnelle est le début des relations apaisées et saines au travail , je vois au quotidien par exemple la place que prennent les courriels,on préfère envoyer des mails au lieu de se parler
Les importantes restructurations dans les organisations mesurent les impacts financiers et peu les impacts humains.les managers ne sont pas préparés à cela ,ce qui génère de véritables drames humains