La médiation, affaire d’Etat ou de la société civile ?

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La médiation, sous bien des formes d’intervention de tiers parfois plus que fantaisistes, d’autres fois plus que rigides, est entrée dans le monde de la gouvernance. Faut-il alors s’étonner de la proximité affichée entre le courant confessionnel de la médiation (catholique en tête) et le médiateur des entreprises, Pierre Pelouzet, et puis d’autres comme le CMAP, diverses associations et industriels de la formation ? Est-ce l’affichage d’un choix électoraliste pour le discours évangéliste de François Fillon ? Les jeux sont parfois masqués, à peine voilés, si l’on peut dire par ces temps où l’ignorance trouve une nouveau missel avec le prédicat … S’y perdrait-on ?

Les réponses sont identiques : non, on ne peut pas s’étonner et non, on ne s’y perd pas.

Pourquoi ? Parce que, à ne rien cacher, parler médiation, c’est parler politique ; parce que la politique, c’est la manière de vivre et d’animer les relations dans la société ; parce que la médiation est un mode d’intervention relationnelle qui ne traite que d’une chose, des relations. La médiation consiste dans l’intervention de tiers, quel qu’il soit. Alors tous les courants plus ou moins issus de la pensée (idéologies, religions et pseudo sciences) se trouvent embarqués dans la médiation. Tu veux faire passer un message à quelqu’un ? Te voilà médiateur potentiel, amateur, mais médiateur quand même.

Depuis plus de 20 ans, j’ai développé des instrumentations rationnelles d’approches des relations et élaboré une discipline dont l’efficacité est désormais reconnue. Ma méthode est issue de la pensée de Descartes : la raison comme instrument pour résoudre ce qui parait énigmatique. C’est aussi simple et puissant qu’une opération mathématique. Mon objectif a été de mettre à disposition des personnes, pour tous les champs d’exercice de leur citoyenneté (professionnel, social et personnel) des dispositifs et des méthodes pour les cas où un projet relationnel devient difficile. Aujourd’hui, tout le monde de la médiation reconnaît mon travail et j’en ai conçu la « médiation professionnelle », que j’ai liée à la qualité relationnelle. L’ensemble des techniques est rassemblé dans l’« ingénierie relationnelle ». Certes, il y a ceux qui contestent les conséquences contrariantes pour leur idéologie, mais pas la performance. Ils reconnaissent l’efficacité de l’approche mais ne veulent pas entendre que ça instrumente la « libre décision », parce que les uns y voient une contestation de l’Autorité divine et les autres du Droit. Autrement dit, le mimétisme mais pas l’enseignement. On fait et on ne dit rien. Néanmoins, certains de ceux-là ont la lucidité de faire appel à ma proposition d’approche rationnelle quand leurs propres relations deviennent très pénibles.

En résumé, pour tout ce qui relève des questions relationnelles, a fortiori lorsque des difficultés apparaissent, une vraie alternative s’offre à tout un chacun :

  • la contrainte judiciaire ou arbitrale, assistée de divers moyens utilisés par des médiateurs d’obédience ou des conciliateurs qui jonglent avec la morale et le droit ; c’est le recours aux préjugés visant la conformisation, aux injonctions ou recommandations de soumission ou à des méthodes visant la normalisation,
  • ou l’aide à la liberté de décision avec la médiation professionnelle.

Autrement dit encore, deux voies possibles : la mise sous tutelle ou bien l’accompagnement à l’exercice du libre arbitre pour la conduite de projet relationnel. Au passage, on peut observer que le modèle du « médiateur des entreprises » est celui du rappel à la loi et à la connivence empreinte d’une morale convenue. Il s’avoue incompétent quand il y a « trop d’émotion », alors que c’est précisément le champ d’intervention des médiateurs professionnels.

C’est sûr que pour exercer en tant que tiers, ce n’est pas sans conséquences. D’un côté il s’agit d’apprendre par cœur des moyens à visées contraignantes, alléguant la nécessité de servitude des autres et de les appliquer à sa discrétion ; et de l’autre, il s’agit d’apprendre des méthodes d’aide à la réflexion, à favoriser une structuration de la pensée que l’on n’a pas spontanément, à franchir parfois les limites de l’imaginable pour soi, et à mettre tout cela au service d’autrui. Une grande différence entre l’application de règles avec des procédures et la mise en oeuvre d’un processus avec des modalités.

Autrement dit enfin, c’est un choix dichotomique entre deux choses :

  • l’aide à la formation permanente de l’esprit à l’exercice de la liberté
  • le renforcement des moyens de servitudes.

C’est bien un choix politique, un rapport au sens de la vie, parce que c’est globalement une manière d’accompagner le savoir vivre en société : un devoir d’éducation permanente de la citoyenneté.

Dans tous les cas, il faut bien se rendre compte que le recours au droit est une manière de faire de la politique, par l’assujettissement fluctuant. Les lois changent avec les dirigeants. D’un trait de crayon, l’un annule tous les moyens de solidarité mis en place par le précédent (Ex. Trump avec l’Obama Care). Le mélange de la médiation et du droit est une manière de faire entrer dans le moule, de même que de mélanger médiation et religion etc. Ce mélange là ne fait pas le professionnalisme de la médiation, au contraire. Dans cette conception, la médiation y perd de son intérêt en tant qu’alternative. Elle ne devrait pas plus être mélangée au droit que d’y être opposée. Elle peut offrir une véritable alternative, dès lors qu’elle est professionnelle. En contribuant à épanouir la libre décision, nous contribuons à développer la confiance entre les personnes et les responsabilités sont d’autant mieux déléguées.

Pour maintenir la performance de la médiation, celle-ci doit offrir une authentique différence. C’est un choix politique. La médiation professionnelle c’est nécessairement une manière de faire de la politique, comme d’être juriste, puisque la relation est son cœur de métier. Mais la médiation professionnelle est porteuse de liberté, alors que le droit ne libère pas. Charles Peguy rappelait même que « Le droit ne fait pas la paix, il fait la guerre ».

En redonnant du sens à l’article 1er de la déclaration des droits humains, la médiation professionnelle dédramatise les fondamentaux de notre organisation sociale. Elle apporte une manière distanciée dont l’efficacité séduit même ceux qui la critiquent, lorsqu’ils sont protagonistes de différends.

Il est clair que les frémissements socio-politiques actuels interrogent. Il existe une quête de liberté qui met en cause l’exercice traditionnel de l’autorité. Que ce soient les résultats des élections aux Etats-Unis, la situation en Russie et dans les pays voisins, les mouvements sociaux en Afrique et en Asie, partout dans le monde, la majorité humaine interpelle les rapports à l’autorité. La médiation professionnelle jaillit de cette aspiration. Le contexte peut inquiéter ceux pour qui rien ne devrait changer sinon à redevenir comme avant. La gouvernance fait débat. Et la médiation professionnelle, profession du 21ème siècle, affirmant la posture d’un tiers neutre, impartial et réellement indépendant, avec son parti pris du renforcement de l’exercice individuel de la liberté, se trouve au cœur de la discussion.

Pour certains agents de l’Etat, l’affaire est entendue : la médiation ne doit pas sortir des sentiers battus et ils affirment ouvertement leurs choix religieux, au mépris de la loi de la séparation de l’Eglise et de l’Etat.

De manière quelque peu stupéfiante, ils deviennent porteurs de la parole religieuse. Félicitations donc à Pierre Pelouzet d’afficher aussi clairement son choix religieux catholique pour intervenir auprès des entreprises. Ce n’est certainement pas efficace, mais c’est au moins une position affirmée sur le plan de la laïcité.

Il n’en reste pas moins que la médiation professionnelle fait son chemin parce qu’elle offre aux personnes et aux organisations des moyens de développer plus de confiance, un meilleur dialogue social, des savoir-faire relationnel pour conduire avec succès et ensemble les projets d’entreprise.