Manifeste de la Profession de Médiateur

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Depuis la fin du XXème siècle, le terme de médiation a plusieurs sens. Traditionnellement, la médiation est un moyen de régulation qui répond aux attentes d’autorités de tutelle. Dans cette optique, elle est outillée de la morale, du droit et des référentiels normatifs de la psychosociologie et répond aux exigences du Contrat Social. Avec l’évolution des connaissances sur le fonctionnement humain, la médiation est devenue professionnelle. Elle est associée à un nouveau paradigme qui côtoie désormais de manière explicite celui du Contrat Social, le paradigme de l’Entente et de l’Entente sociale. Le référentiel de la Médiation Professionnelle est spécifique, il est celui des techniques et processus développés en ingénierie relationnelle.

Ce manifeste est le résultat d’une recherche. Il est porteur d’une proposition de progrès sociétal. Il marque le pas d’une volonté d’affirmer le droit à la liberté de décision. Son objet est de faire adopter la Médiation Professionnelle comme préalable à l’action judiciaire en matière civile, prud’homale et commerciale, comme un droit fondamental.

Ce nouveau droit s’inscrit dans la continuité des recherches relancées au XVIIème siècle par les Lumières pour un meilleur usage de la Raison, en vue de faire progresser l’exercice de la liberté et développer au sein de la Société les meilleures conditions d’évolution de la « qualité relationnelle ». Ce nouveau droit est à comprendre comme celui à l’instruction. Doté des connaissances et des compétences en « ingénierie relationnelle », il permet l’exercice renforcé de la libre décision. Il est lié à un devoir de répondre favorablement à une demande de médiation avant toute procédure judiciaire. Cette détermination est issue de l’observation qu’à la « gestion des conflits » qui entretient l’adversité, il existe une alternative, celle de la promotion de l’altérité. Elle offre l’intérêt d’un espace de libération de la dynamique d’affrontement. Lorsque le conflit déstructure la pensée, l’intervention d’un Médiateur Professionnel permet d’effectuer un travail de structuration ou de restructuration. Cette forme de médiation consiste à renforcer l’exercice de la libre décision par delà l’aliénation conflictuelle, et donc d’assurer une extension de la liberté relationnelle et contractuelle.

Le « droit à la médiation » consiste notamment à garantir l’exercice de la liberté de conscience, de la liberté d’expression, de l’égalité des droits et du libre arbitre.

Les Médiateurs Professionnels, réunis sous l’égide de leur Syndicat Professionnel, la Chambre Professionnelle de la Médiation et de la Négociation, exposent ci-après les conditions nécessaires à la mise en place du droit à la médiation.

La reconnaissance d’une science de la relation doit être reconnue comme discipline à part entière. L’Ingénierie Relationnelle outille la Médiation Professionnelle. Elle a pour champ d’étude les structures et interactions en communication.

Aujourd’hui, ces savoirs sont l’exclusivité de l’Ecole Professionnelle de la Médiation et de la Négociation. Ils établissent la corrélation entre la qualité relationnelle et la résolution des conflits.

La reconnaissance de l’ensemble de ces savoirs et de cette recherche implique un changement de paradigme en invalidant l’idée reçue que les comportements d’affrontement seraient l’expression d’un libre choix tandis qu’ils sont dus à l’ignorance de savoir comment faire autrement. Aux méthodes actuelles de « gestion des conflits » privilégiant des approches à dominante morale, juridique ou psychologique, l’Ingénierie Relationnelle et la Médiation Professionnelle consiste dans la mise en place d’un processus structuré et rationnel de résolution des différends. Cette différence fondamentale doit être reconnue, parce qu’elle s’inscrit dans le même débat concernant l’exercice de la liberté de conscience pour garantir la laïcité.

Une profession éthique librement organisée : l’Ingénierie Relationnelle et la Médiation Professionnelle promeuvent un meilleur exercice de l’autonomie et de la responsabilité. Elle favorise la découverte ou la réappropriation des fondamentaux de la confiance, et de l’altérité naturelle qui fondent le ciment social. Elle est pratiquée par les professionnels de la Chambre Professionnelle de la Médiation et de la Négociation, engagés par leur code d’éthique et de déontologie, le CODEOME.

Des garanties légales nécessaires : l’encadrement juridique doit être de même type que celui des professions non liées à l’Etat, par exemple comme celles du journalisme. Pour que l’indépendance, l’impartialité et la neutralité soient préservées, les systèmes d’autorité doivent être dissociés de la médiation. Cette condition d’exercice est aussi importante que la loi de 1905 instituant la séparation des religions et de l’Etat.

Une acquisition dès l’école : l’ingénierie relationnelle et les dispositifs de la médiation professionnelle fondée sur l’altérité ont tout lieu d’être enseignés à l’école. Ces savoir-faire répondent au besoin de mieux comprendre les modes de fonctionnement des organisations et des personnes, et d’acquérir les compétences de prévention et d’anticipation des heurts. Ils permettent très tôt de changer le mode d’approche d’autrui, de basculer de la méfiance, de l’adversité et des rapports de force qui s’ensuivent vers les comportements de solidarité qui garantissent la sécurité dans notre organisation sociale.

Un corpus juridique cohérent associé à un projet de société : le Code de la médiation, recueil des textes annotés et commentés, initié au sein de la CPMN, doit être repris par le législateur pour réaliser la mise en cohérence indispensable des dispositifs officiels ; pour accélérer la diffusion des dispositifs, un ministère de la médiation doit porter ce projet.

Une promotion de l’Entente Sociale : pour lutter contre l’ignorance, en 1793, la Convention a inventé le droit à l’instruction ; en 2013, la Chambre Professionnelle de la Médiation et de la Négociation s’engage pour que, au lieu du principe de servitude qui contraint tout justiciable, la médiation professionnelle offre un droit reconnu, le droit à la médiation, qui permet aux personnes de préserver leur libre décision et d’outiller l’Entente Sociale, puisque c’est par elle que passe toute relation.