Avec tout ce que j’ai fait pour toi…

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Quelques mots qui en disent long sur le risque de dégradation relationnelle entre deux personnes. Est-il utile d’en dire plus sur le contexte qui amène ces propos ? Invariablement il s’agit d’une personne qui considère qu’elle a fait beaucoup d’efforts pour aider quelqu’un sans obtenir de reconnaissance de sa part. On peut l’entendre dire qu’elle a donné de son temps, qu’elle a mobilisé sa réflexion, son énergie, ses relations, son argent pour apporter son soutien et son secours à une personne qui, selon elle, en avait besoin.

Si la personne aidée n’a pas le comportement attendu, ne manifeste pas de la reconnaissance, ne tient pas compte des préconisations, alors elle est qualifiée d’ingrate, égoïste, décevante, indigne de confiance.

Dans la communication qui en résulte, l’une sera dans la culpabilisation tandis que l’autre sera sur la défensive, dans le rejet voire dans l’indifférence.

Arrêtons-nous un instant sur le processus intérieur de la personne aidante, pour nous interroger sur le montage du mécanisme de sa frustration.

Quand la personne aidée ne montre pas les attitudes et comportements attendus en retour du secours apporté, il y a une émotion négative qui nait chez la personne aidante et génère en elle de la rancune. Elle en veut à l’autre de ne pas lui montrer de signe de reconnaissance et de gratitude.

Cette frustration lui crée une dualité intérieure entre le retour attendu (remerciement, considération) et le retour réel (« je ne t’avais rien demandé »). Si elle donne prise à ce conflit en soi, elle l’alimente en ruminant et ressassant toujours la même situation. Elle s’en veut d’avoir fait autant, généralise et extrapole « c’est toujours pareil, les gens sont égoïstes ». En étant prisonnière de cette attente, elle passe de la rancune (« je lui en veux ») au remords (« je m’en veux ») et s’enferme dans une spirale de surenchère émotionnelle. Enfin, en pleine dysharmonie, elle conclut en disant « c’est fini maintenant, je ne m’occupe que de moi ».

La posture en altérité, c’est-à-dire reconnaitre que l’autre est autre, donc différent de moi, permet de ne pas tomber dans ce piège. Elle permet de comprendre que le soutien dont l’autre a besoin n’est peut-être pas celui dont j’aurai moi-même besoin dans la même situation. Si l’autre a un problème, s’il signale qu’il a besoin de notre aide, nous allons communiquer avec lui, faire le point sur l’aide qu’il attend de nous et ensemble, voir comment cette aide se gère, se planifie, se finance, etc…

Par ailleurs, soulignons aussi que lorsque nous mettons en place des actions, qu’elles soient dirigées vers nous ou vers les autres, nous le faisons pour nous. En effet, dans une relation basée sur l’entente : j’aime l’autre, j’aime qu’il soit bien et son bien-être participe au mien. C’est la raison pour laquelle je m’investis dans des actions qui visent à entretenir sa quiétude, sa réussite, son bonheur parce que j’ai conscience que, en faisant pour l’autre, je fais pour moi.

Tandis que « avec tout ce que j’ai fait pour toi » nous jette dans l’adversité et la conflictualité, cette expression n’a plus de réalité lorsque nous choisissons la posture de l’altérité parce qu’elle nous permet de mettre en accord nos intentions et nos actions et de cultiver l’entente en s’ouvrant à l’autre et en reconnaissant sa légitimité.

La posture d’altérité mène à la qualité relationnelle – Cultivons notre liberté !