Innover avec la médiation dans le système judiciaire ?

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La médiation préalable est-elle un objectif de la feuille de route pour la modernisation continue du système judiciaire ? La médiation professionnelle a fait progresser les conceptions de la médiation, mais un chemin est encore à parcourir. Néanmoins, pour de plus en plus de spécialistes du domaine, l’expression de “processus structuré” issue de la pratique de la médiation professionnelle  est désormais adoptée et la liberté de décision fait partie des intérêts fondamentaux de l’intervention du professionnel de la médiation. Même si ces idées et leurs implications bousculent les conceptions traditionnelles, le droit à la médiation ouvre de nouvelles perspectives pour aider les personnes à mettre un terme à des différends. Il permet aussi de clarifier les différents recours.  Néanmoins, des efforts sont à faire dans les textes officiels où le concept de médiation est encore assimilé à la conciliation, l’arbitrage et dans des pratiques à la négociation raisonnée, sous l’influence des conceptions promotrices de la bienveillance, de la morale et des rappels au droit et obligations. 

L’évolution de la médiation préalable

Pour autant, il faut bien le constater, les dispositifs de médiation se multiplient et les tentatives d’obstruction sont de plus en plus dépassées. La distinction progresse et la définition de la médiation commence à être de mieux en mieux appropriée par les rédacteurs des textes et le législateur. Avec l’adoption de la médiation préalable, l’idée de la médiation obligatoire fait son chemin et nous pouvons voir que la notion de “droit à la médiation” est de mieux en mieux comprise. 

Malgré les résistances à la proposition de médiation préalable pour les litiges de faible montant, l’annulation du recours à la médiation préalable n’a pas freiné la détermination des rédacteurs engagés dans cette perspective. Le législateur ne s’est pas arrêté à l’obstruction du juridisme.

Le droit à la médiation pour les litiges de faible montant

L’article 750-1 du code de procédure civile a été rétabli, permettant au juge de décider si la saisine directe est légitime ou non. Bien que le texte présente une ambiguïté stylistique, mentionnant à la fois une possibilité d’arbitrage par le juge et une dispense de l’obligation préalable dans certaines conditions, il témoigne d’une volonté générale de promouvoir la médiation pour les litiges de faible montant. 

Ainsi, les modes amiables pour le règlement des « petits litiges » sont de retour. Ils redeviennent un préalable et pour contourner toute susceptibilité de juriste, ils relèvent in fine de la décision du juge qui en cas de saisine directe peut renvoyer les parties vers un mode amiable si elles n’en ont pas emprunté la voie.

Les performances des différents modes amiables

De nouvelles questions vont se poser, notamment sur la fiabilité de certains modes amiables en concurrence. Pourquoi choisir un mode plutôt qu’un autre ? Et si le recours à un mode faisait perdre une chance de résoudre un différend ? Désormais, la discussion peut s’engager sur ce qui est pertinent ou pas. Admettons que les avocats optent pour un mode amiable à leur convenance et que la démarche échoue, ne serait-il pas opportun de recommander une médiation professionnelle, de même qu’en cas d’échec de toute autre tentative ?

De fait, avec la variété des méthodes amiables, il semble possible de réduire la charge des tribunaux, d’accélérer les procédures et de garantir des résultats plus satisfaisants pour toutes les parties concernées. Cependant, outre qu’il est important de veiller à ce que les modes alternatifs ne soient pas utilisés de manière dilatoire, même si comparativement, les procédures judiciaires n’ont guère montré l’exemple de la rapidité, il peut s’agir de mieux identifier ce qui peut favoriser la résolution d’un différend sans le recours à un arbitrage, laissant ainsi les parties décisionnaires de leur entente.

Dans l’exercice de la liberté, qu’est-ce que l’alternative ?

Nous en venons à devoir préciser ce que sont ces modes et à dissocier la médiation professionnelle, laquelle se distingue par un référentiel spécifique, la qualité relationnelle, une instrumentation originale, l’ingénierie relationnelle, et son propre paradigme, celui de l’entente sociale.

Tandis que les modes alternatifs de règlement des différends – MARD ou MARC (quand on opte pour conflits) – sont identifiés dans le champ juridique, avec les principes de conformité juridique et du principe de tutelle judiciaire, la médiation professionnelle en est extraite depuis son origine. Ces modes alternatifs sont associés au même paradigme sociétal que le système judiciaire et le droit, celui du Contrat et du Contrat Social. Ce fondement creuse une grande différence et chacun offre ses propres perspectives. Dans cette optique, la médiation professionnelle constitue un prolongement liminaire pour l’exercice de la liberté de décision, tandis que le système judiciaire et ses modes associés constituent des voies alternatives qui peuvent être empruntées quand les parties se retrouvent dans l’incapacité d’exercer leur aptitude au raisonnement, à la réflexion et à leur liberté de décision. 

La spécificité de la Médiation Professionnelle

A savoir que le référentiel de la médiation professionnelle est précisément la structuration de ses processus intégrés, le recours à la rationalité et une méthodologie et des techniques actualisées, non pas les rapports de bienveillance, les conceptions normatives et les rappels à des règles ou à des notions juridiques. Ainsi, la médiation professionnelle est une pratique qui repose sur l’identification des mécanismes individuels et collectifs de dégradation des relations et d’instauration, de restauration et d’entretien de la qualité relationnelle. L’approche de la démarche transactionnelle qui lui est associée n’est pas celle des formes traditionnelles et commerçantes de la négociation raisonnée, mais une approche résolument contributive, tant dans la construction d’un accord éthique que dans la réalisation du projet lorsque la réalisation continue de s’inscrire dans le temps.

La feuille de route du Droit à la médiation

La feuille de route pour la modernisation continue du système judiciaire doit inclure la médiation obligatoire comme objectif clé. Cela nécessite une réforme constitutionnelle visant à promouvoir le développement de la médiation dans tous les domaines. Cette réforme établira le Droit à la médiation en tant que soutien à l’exercice de la liberté, favorisant ainsi une prise de décision autonome et la résolution concrète des différends.

Un recours liminaire de résolution des différends

Pour faire sortir la médiation du carcan traditionnel, il est également nécessaire de mettre fin à la dévalorisation de cette approche, qui cherche à favoriser l’entente des parties, mais qui est souvent considérée comme une simple « tentative » par les professionnels du droit, même si une décision judiciaire peut être considérée comme une tentative de régulation. Par conséquent, il est judicieux de reconnaître le recours à la médiation comme un droit et une étape liminaire visant à préserver la liberté relationnelle et contractuelle, que ce soit pour définir un projet relationnel ou pour établir une entente renouvelée afin de résoudre un différend. Dans cette optique, les parties impliquées dans un différend qui ne parviendraient pas à un accord doivent être informées que le recours au juge entraîne la renonciation à leur liberté de décision et les place alors sous une tutelle.

Une pratique innovante pour la qualité de vie, en dehors de la tutelle judiciaire

La médiation obligatoire, combinée avec les exigences présentées dans le Livre blanc de la profession de médiateur, est comme le liminaire d’un dialogue qui pourrait sembler inimaginable. Et pourtant, avec les processus structurés, les techniques exigeantes pratiquées par le professionnel de la médiation, une entente renouvelée devient possible. Il n’est pas question d’affirmer une voie alternative, laquelle serait opportunément placée sous l’autorité judiciaire. C’est la voie judiciaire qui reste une alternative au libre accord, à la libre entente et à la liberté de décision, parce que la nouvelle instrumentation s’est répandue dans tous les domaines de la vie hors judiciaire, de ce que l’on appelle communément la vie civile. Cette approche innovante de la profession du 21ème siècle ouvre des portes insoupçonnées pour la conduite des projets relationnels et la résolution tangible des conflits.