Vers une définition de la médiation légaliste ?

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A la lecture d’un rapport produit par des membres du Conseil d’État, à la demande du premier ministre François Fillon, la définition de la médiation risque fort de souffrir d’ignorance, voire d’un certain sectarisme en France. Les auteurs plaident sur le caractère non exhaustif de leur travail au prétexte du délai très court imparti pour la réalisation de leur mission. Il reste problématique qu’ils n’aient pas consulté internet, ni la bibliothèque nationale, ce qui leur aurait permis de trouver l’unique ouvrage qui répertorie et ordonne l’ensemble des textes législatifs et réglementaires sur la médiation en France (voir illustration : Le Code de la Médiation), tandis que leur mission consistait notamment à recenser les textes existants.

Au regard de ce travail dont une partie témoigne d’une compétence juridique évidente, il est néanmoins utile de poser un certain nombre d’idées pour apporter les bases d’une inspiration renouvelée sur le sujet de la médiation.

Le concept de médiation est aussi large que celui de communication, puisqu’à chaque endroit où il y a communication possible et qu’une difficulté peut se présenter, il y a potentiellement médiation, c’est-à-dire intervention possible d’un tiers facilitateur.

D’une manière générale, la médiation consiste dans le recours à un tiers pour permettre à des personnes de s’approprier des informations et, le cas échéant, de prendre une décision d’orientation ou de relation. Ainsi, le concept est associé à de multiples pratiques qui vont du travail de vulgarisation pour la transmission de connaissances à la réalisation de mission de passeur de paroles, voire de porte-parole.

Ouvrage ESF Pratique de la médiation Jean-Louis LascouxUne définition de la médiation légaliste en France est en cours depuis un travail précipitamment présenté au premier ministre en juillet. Cette définition véhicule une interprétation faite par le Conseil d’État de la directive européenne qui délimite le champ d’intervention des médiateurs et de la relation entre système judiciaire, représentation juridique d’un accord (accord exécutoire, homologation…) et résolution des différends. Le résultat est de considérer la médiation comme un instrument accroché au principe du règlement des conflits dans un état d’esprit similaire à celui du système judiciaire, adversité comprise. Avec cette démarche, une suspicion affecte le libre accord conclu en médiation. Si la transposition va dans ce sens, la médiation deviendrait l’outil d’une « justice privée » placée sous contrôle judiciaire.

Si c’est cette conception de la médiation qui prévaut, alors il conviendra de s’en distinguer. La dénomination qui lui conviendra sera certainement médiation légaliste. Le médiateur qui s’y rattachera sera un médiateur se référant plus au cadre du droit qu’au besoin d’entente des personnes en quête d’issue de leur différend.

La médiation professionnelle est une discipline de développement de la qualité et de l’efficacité relationnelle, initiée en 1999. Elle est dotée d’un processus structuré d’aide à la décision pour la résolution des différends et vise l’extension de la liberté relationnelle et contractuelle.

Le premier ouvrage qui a conceptualisé la médiation professionnelle est Pratique de la Médiation, par Jean-Louis Lascoux, édition ESF, 2001, régulièrement réédité.

Le travail qui reste le plus complet à ce jour en France sur l’état des lieux de l’utilisation des concepts de médiation et de médiateur dans les textes officiels et para-publics reste le Code le la Médiation annoté et commenté en vue de l’orientation de la médiation, chez Médiateurs Éditeurs, sous la direction de Maître Agnès Tavel et moi-même.

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[…] Conseil d’État dans son rapport du 29 juillet 2010 « Développer la médiation dans le cadre de l’Union européenne », juge essentiel le caractère intra européen de la directive 2008/52/CE du 21 mai 2008 sur […]

Jean-Louis Lascoux
13 années plus tôt

La lecture du rapport en question attire plusieurs commentaires qui ont pour les plus saillants fait l’objet de twittes. Mais le constat est fait que ce texte de loi a été produit en vue de promouvoir le Forum des droits de l’Internet, cette association qui consomme plus d’un million d’euro de subvention pour en fait ne produire que des moyens pour in fine se défendre elle même.

Jean-Louis Lascoux
13 années plus tôt

Le communiqué de presse concernant le rapport du Conseil d’Etat est ici et le rapport est . Si à l’avenir, les liens sont brisés, rendez-vous sur le site de la documentation française. Le rapport est mis en ligne et téléchargeable au format PDF.