Harcèlement moral et médiation

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L’atteinte à la liberté des parties de recourir à la médiation

La loi du 27 mai 2008 aboutit à la coexistence de deux définitions du harcèlement moral, toutes deux issues du droit communautaire, s’appliquant lorsque le harcèlement intervient en raison de l’un des motifs prohibés par les Directives 2000/78/CE et 76/207/CEE modifiée par la Directive 2002/73/CE. La notion de harcèlement moral issue de la loi de modernisation sociale demeure cependant pertinente, bien qu’il appartienne à la victime de choisir, dès lors que le harcèlement est lié à l’un des motifs prohibés par les directives, sur quelle définition elle fonde son action.

Cette liberté de choix, n’est pas celle du salarié, pas plus que celle de la personne mise en cause. Le recours à la médiation dans le cadre des activités professionnelles, demeure pour les parties concernées un droit théorique de protection dont elles peuvent difficilement se prévaloir en l’absence de dispositions règlementant leur droit de recours à la médiation. Ceci explique en grande partie le faible recours à cette procédure résolutoire et à l’importante  judiciarisation civile et pénale des conflits, principalement auprès des juridictions prud’homales, sans pour autant que leurs droits du justiciable des parties de recourir à la médiation soient reconnus par ces dernières (cf. la médiation judiciaire prud’homale)

L’absence de dispositions règlementant la mise en œuvre de la médiation contribue à altérer l’application de la loi ; Elle ne permet pas aux parties de résoudre par voie d’accord les situations de harcèlement développées en entreprise , compte tenu que le recours à la médiation ne conditionne aucunement le recours à la voie contentieuse (cf. Rapport Assemblée Nationale n° 338 p. 85). Les difficultés rencontrées, voir la quasi impossibilité de mettre en œuvre la médiation avec toutes les garanties inhérentes à cette procédure, sont de nature à porter atteinte aux droits des personnes et de la liberté.

La transposition de la directive européenne

La médiation pour la résolution des litiges individuels du travail (cf. Prévention et résolution des conflits du travail par la médiation) inclut les « processus internes » visés par la Directive européenne du 21 mai 2008. Elle présente la qualification juridique nécessaire à sa transposition. Il convient à cet égard d’indiquer que la médiation en entreprise pour les victimes de harcèlement moral ou pour les personnes mises en cause relève des droits fondamentaux de la personne et des libertés individuelles, dont les parties doivent pouvoir disposer, sans qu’ils fassent obstacle à des dispositions d’ordre public ayant un caractère impératif non transgressable individuellement. De plus, l’ANI du 26 mars 2010 ayant fait l’objet le 23 juillet 2010 d’un arrêté d’extension (JO du 31/07/2010), rend obligatoire la mise en œuvre de la médiation dès lors qu’une initiative est prise par « toute personne d’une entreprise s’estimant victime de harcèlement ou toute personne mise en cause pour agissement de harcèlement ».

Reposant sur les principes directeurs énoncés par le droit européen, la mise en œuvre de la médiation transposée en droit interne, permettrait de sortir des logiques d’adversité et d’affrontement sur lesquelles se construisent trop souvent les relations de travail pour permettre d’envisager une compréhension et une reconnaissance mutuelles des parties en cause, de nature à apaiser leurs relations et apporter un règlement durable à leurs différends.

La transposition de la directive dans le droit interne du travail, et singulièrement celui de la santé et de la sécurité au travail, répond à la stratégie européenne 2007-2012 de soutien aux démarches de progrès, d’adaptation du cadre juridique nécessaire et d’intégration des problématiques de sécurité et de santé sur les lieux de travail dans le champ des autres politiques communautaires.