Intéressant le Forum ouvert organisé à Paris jeudi et vendredi dernier. Parmi les participants, nous étions sept sur plus de cent participants. Officiellement, quatre délégués CPMN-EPMN étaient présents : Agnès Tavel, Claude Léobon, Michel Augras et moi-même. Trois fois intéressant. D’abord le plaisir de rencontrer quelques figures historiques de la médiation, tandis qu’on ne s’était pas même croisé depuis plus de dix ou quinze ans que chacun pratique dans son environnement.
Ensuite intéressant de constater que les préoccupations de professionnalisation peuvent être formulées non pas tant en fonction des organisations de médiateurs, mais des situations personnelles. Dans ce type d’événement, la parole des nouveaux, des inquiets, des chercheurs d’orientation professionnelle, pèsent autant que celle des personnes expérimentées. Cet état de fait crée une grande confusion sur la réalité du marché de la médiation et des pratiques, mais restitue une forme de température. D’aucun trouve un intérêt à faire émerger cela. Le risque est parfois de patauger.
Enfin, intéressant d’observer qu’il va en ressortir une synthèse potentiellement commune… L’idée n’est pas forcément d’y souscrire, mais de contribuer à faire progresser cette conception citoyenne de la relation aux autres. Dans tous les cas, une performance pour les organisateurs.
La médiation en quête de laïcité
Jusqu’à maintenant, chez les autres organismes de formation à la médiation, le mélange des genres suffisait pour dire : « on forme à la médiation, mais médiateur, ce n’est pas un métier. » Tout le monde n’est pas sorti de cette manière de faire et de penser. Seule l’EPMN Médiateurs Associés, dès le départ, a pris la position de professionnaliser la médiation et la posture du médiateur. Depuis 1999, avec le CAP’M, certificat d’aptitude à la profession de médiateur, une posture professionnelle est associée à l’exigence de la qualité de la formation. La certification ISO 9001 de l’EPMN est venue renforcer cette instrumentation professionnelle de la formation à la médiation. Après ce forum que va-t-il rester de cette différence ?
Les pensées évoluent, mais un long chemin est à accomplir pour que les différentes chapelles de la médiation laïcisent leurs approches et sachent différencier les mélanges de pseudo-sciences et d’approximation culturelle, de ce qui fait de la médiation une discipline de promotion de la qualité relationnelle et de la résolution des différends.
De plus, dans les environs de la médiation professionnelle et de celle qui tend à se professionnaliser, l’amateurisme prend son envol. De nombreux organismes apparaissent sur la vague des risques psychosociaux, de la gestion des conflits. Ils viennent en force avec des représentations surannées issues du développement personnel et des thérapies de groupes. Avec ces nouveaux venus, la confusion peut bien être entretenue pour un bon moment, désorientant ceux qui souhaitent faire de la médiation une pratique sérieuse. L’entreprise est la première visée. C’est un retour de vague de la psychothérapie qui en avait pourtant été chassée au début des années 1990.
Une professionnalisation en émergence
Par delà ces préoccupations, ce Forum ouvert a une nouvelle fois témoigné qu’il existe un potentiel de valeurs communes dans la Médiation. C’est un point fort. Côté CPMN, nous pouvons constater que la position adoptée lors des débats sur un diplôme d’Etat de médiateur, jusqu’en 2004, avec un regain en 2007, l’unanimité est désormais faite. Aucun organisme ne saurait abonder dans le sens d’une professionnalisation assujettie à la reconnaissance par un Etat, quel qu’il soit.
L’indépendance est une notion qui a fait son chemin. La CPMN a fait passer son message : les médiateurs doivent savoir témoigner d’autodiscipline et d’auto régulation. Cette exemplarité appartient aux médiateurs qui doivent en témoigner auprès de leurs clients. Ce qui signifie avoir une pratique rigoureuse. C’est là que l’on retrouve le sens de ce Forum et de ces rencontres inter-organisations, au prétexte des enjeux portant sur la transposition de la directive européenne sur la médiation civile et commerciale.
Lors des rencontres annuelles des médiateurs professionnels de 2007, et de mon élection en tant que président de la CPMN, j’ai insisté sur l’orientation économique de la médiation professionnelle. J’ai proposé d’ouvrir la compétition sur l’efficacité et la qualité de la manière d’aborder les conflits. J’ai proposé de distinguer les notions de ressources humaines et de relations humaines, les notions de gestion des conflits – qui est une conception spéculative – et de résolution des conflits. Deux manières d’aborder les différends : soit par l’adversité ou par l’altérité. La première invente une spéculation sur l’obsolescence programmée des relations.
Promouvoir la médiation, c’est promouvoir parallèlement et conjointement les valeurs associées à l’altérité. Dans les deux cas, il s’agit d’un discours, d’un vécu et d’une pratique des relations personnelles, professionnelles et citoyennes. Il s’agit d’une conception de l’économie, de la rentabilité et de la qualité de la vie.
Ça y est, il n’est plus provocateur de dire que les médiateurs ne sont pas des bénévoles. L’idée a déjà fait son chemin… Bienvenue dans le monde de la médiation professionnelle=> !