Différences entre la FNCM et CPMN – lobbying et professionnalisme

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De 2010 à 2011, j’ai été l’un de ceux qui ont proposé d’examiner l’éventuel rapprochement de la CPMN ou tout au moins de ViaMediation, de la FNCM, Fédération Nationale des Centres de Médiation, créée par les avocats regroupés en centres de médiation au sein des différents barreaux.

Des personnes en l’occurrence extérieures à la CPMN me demandent pourquoi la CPMN ne fait pas partie de cette organisation fédératrice. L’article que j’ai écrit sur le GEMME (groupement européen de magistrats pour la médiation) et celui sur l’ANM (association nationale de médiateurs) poussent et inspirent les demandes de précisions. Voici donc des éclaircissements sur la FNCM. L’actualisation pourra faire augmenter la liste… ou l’évolution des positions la fera peut-être diminuer.

Différences d’origine

La CPMN est une organisation syndicale créée par des professionnels (personnes physiques) des relations humaines et du traitement des conflits, suite à la formation dispensée par EPMN Médiateurs Associés, dans le cadre d’une recherche que je conduis sur le démontage rationnel des différends et conflits et les composantes de la qualité relationnelle. Le choix a été fait de se nommer « médiateurs professionnels » pour se distinguer des autres approches plus ou moins fantaisistes de la médiation des conflits et des litiges. Dès 2001, la CPMN a affirmé les trois éléments de posture des médiateurs professionnels : indépendance, neutralité et impartialité, en les définissant précisément, avec la confidentialité en garantie. Aujourd’hui, nombre d’organisations s’en réclament aussi, mais sans les mettre en pratique. L’orientation générale de la médiation professionnelle a été conçue comme une discipline à part, et à part entière. Cette discipline porte plus sur l’ensemble de l’approche des relations humaines que sur l’une de ses conséquences qu’est la dynamique conflictuelle. C’est–à-dire que la médiation professionnelle se distingue des autres médiations des conflits par sa conception transversale des relations humaines. Elle permet d’effectuer un travail sur la qualité relationnelle. C’est ainsi que la CPMN est ancrée dans une conception éthique et culturelle de la médiation.

Le réseau de la médiation professionnelle est constitué de trois entités : EPMN (école, centre de formation), VIAMEDIATION (réseau de la médiation professionnelle – initiatives collectives, conventions, soutiens aux organisations) et la CPMN (organisation syndicale professionnelle).

Le FNCM est une fédération de centres de médiation exclusivement sous l’égide d’avocats (ses statuts précisent d’emblée : « Face au développement des Associations de Médiation dans différents Barreaux…. ». Les centres de médiation regroupent des avocats formés selon des règles hétéroclites. Initialement, il s’agissait de promouvoir la médiation au sein de la profession d’avocat et de capter l’émergence de la résolution amiable des litiges.

Néanmoins, avec le temps, pour ne pas paraître corporatiste, la FNCM est devenue une fédération ouverte à d’autres associations de médiation. On retrouve désormais à la FNCM un courant d’influence confessionnel catholique, ce qui se signale dès l’abord sur le compte rendu actuellement affiché sur son site, avec en entête :

A l’Institut Catholique de Paris
l’assemblée générale annuelle de la F.N.C.M.
s’est déroulée sous la Présidence de Madame le Bâtonnier de Paris Christiane FERAL SCHUHL

Ce courant est important, notamment avec la présence de différentes structures liées à l’Institut Catholique de Paris (IFOMENE, GEMME…) et au prêtre Jean-François Six (ANM, UPIM…). Cet état de fait explique la connotation militante qu’à pris la FNCM, laquelle est désormais imbriquée à une conception juridico-moraliste de la médiation, dans un carcan confessionnel.

Conséquences des différences d’origine

Le choix fait par la CPMN est une affirmation d’une approche laïque, rationnelle, méthodologique de la médiation ; c’est-à-dire dans une recherche sur la qualité et la dégradation relationnelle. L’orientation de la FNCM conduit celle-ci à soutenir des thèses d’une médiation moralisatrice, encadrée juridiquement, dogmatique, répondant plus en réalité aux aspirations d’un commanditaire que des protagonistes.

Différences sur l’identification diplômante

Sous l’égide de la CPMN, le premier diplôme privé de médiateur est délivré par l’EPMN : le Certificat d’Aptitude à la Profession de Médiateur, depuis 2001. La CPMN est partenaire du premier Master 2 avec option Médiation professionnelle. Dans tous les cas, la CPMN affirme une indépendance vis-à-vis de la commande d’Etat relativement à la formation.

La FNCM a soutenu et avec le concours de l’IFOMENE, dispense le principe des formations de médiateurs placés sous une tutelle culturelle, avec le diplôme d’Etat français de médiation familiale. Cette situation en fait une conception d’une formation placée sous l’égide de l’Etat Français, ce qui se traduit par une indépendance peu fiable pour les protagonistes qui ne partageraient pas les postulats culturels.

Différences sur l’identification déontologique

La CPMN est à l’origine du premier code d’éthique et de déontologie des médiateurs (professionnels), de 2002 à 2006, par un travail collectif de terrain, grâce à l’utilisation d’un forum collaboratif sur internet. Il a été repris en France et à l’étranger, notamment au Québec.

La FNCM s’en est inspiré pour la conception de son code de déontologie dit unique pour la France. Le travail de la FNCM a abouti à la rédaction d’un texte où l’on peut identifier notamment la conception juridique de la médiation.

Par ailleurs, il est de notoriété publique que le Code de la FNCM et des associations regroupées (ANM, CMAP, etc…) a été conçu en 2008, excluant toute concertation avec la CPMN, ce qui en a fait un document très connoté juridiquement et engagé sur une conception moralisatrice de la médiation.

Différences juridiques

  • La CPMN est une organisation syndicale fondée selon la loi du 21 mars 1884
  • La FNCM est une association fondée sur la loi 1901.

Différences de membres

La CPMN se compose des personnes physiques ayant suivi une même formation rigoureuse, par le centre de formation EPMN, certifié ISO 9001.

La FNCM est une fédération qui se compose de personnes morales, également fondées sur la loi de 1901, partageant les mêmes conceptions de la médiation sur le plan morale. On retrouve principalement des centres de médiation, regroupant surtout des avocats, ainsi que des centres de formation, et des personnes dévouées à la cause.

Conséquences des éléments de droit et de composition

La signification est que la CPMN est tenu par l’engagement de la défense des intérêts matériels et moraux de ses membres.

La FNCM est une association de promotion de la médiation telle qu’elle la conçoit.

La CPMN représente la médiation professionnelle et les médiateurs professionnels

La CPMN s’appuie sur les travaux développés au sein de l’EPMN pour le développement de processus structurés portant sur la qualité relationnelle et la dégradation relationnelle. Des processus structurés ont été créés pour accompagner la résolution des conflits. Ils sont très opérationnels et comme tous les instruments professionnels ils peuvent être repris en cours, en cas de défection d’un intervenant, par un autre professionnel. C’est une spécifité. C’est ce qui garantit une prise en charge du conflit, un processus sérieux et une issue identifiable.

La CPMN promeut une médiation professionnelle orientée vers les organisations et les personnes, avec un impact culturel sur les systèmes de prise de décision.

La FNCM promeut une médiation juridicisée

En axant principalement la définition de la médiation sur le mode « alternatif » de règlement voire de gestion des conflits, la FNCM contribue à enfermer la médiation dans une conception judiciaire.

La CPMN pour être clair sur la médiation professionnelle et les courants de pensée

Une tentative de rapprochement a été faite sur deux ans jusqu’à l’an dernier(je retrouve des traces dans cet article, et celui-là), mais les différences sont telles que la CPMN y a mis un terme, lors du Conseil d’Administration qui a précédé l’assemblée générale de 2011. La raison essentielle de cette arrêt de concertation est que le résultat aurait consisté à noyer la médiation professionnelle dans un discours moralisateur, juridique, psychologique et parfois confessionnel. Les membres de la CPMN ont affirmé leur attachement à une recherche rationnelle sur les relations humaines et scientifique sur la résolution des conflits.

Voici quelques points de différence, juste parce que la question vient au moment où j’ai publié plusieurs articles sur la thématique :

  • sur le compte rendu du GEMME qui en appel à Dieu pour la médiation
  • sur le nouveau site de l’ANM qui change de pont (leur précédente illustration était également un pont sur lequel il n’ avait personne, c’était plutôt amusant. Maintenant, plein de gens) et rappelle son attachement au curé Jean François Six
  • sur un ouvrage dont l’auteur considérait qu’il pouvait, avec une conception religieuse, moralisatrice et relativement fantaisiste de la « gestion des conflits » se revendiquer proche de la CPMN et de l’EPMN

Envisager les relations humaines par les différences, c’est donc traiter les conflits de manières différentes

Les systèmes relationnels qui aboutissent aux conflits participent de la dynamique sociale. Les différentes conceptions de la personne que j’ai pointées (confessionnelle, juridique, psychologique et rationaliste), conduisent inévitablement à la mise en place d’organisations spécifiques. Chacune traduit une association d’idées et d’actions. Dans la formation d’une approche plus globale, chacune apparaît indispensable. Leurs interactions permettent de construire.

Merci donc de cette occasion d’écrire ce qui jusqu’à maintenant relevait de la tradition orale. Il existe, et c’est très positif, différentes conceptions de la médiation : la médiation professionnelle est un courant affirmé, qui puise sa légitimité dans une recherche rigoureuse, de nature scientifique, sur les comportements humains. A chaque organisation de témoigner de son intérêt pour la thématique et peut-être, à l’instar des droits des entreprises et des salariés, grâce à la diversités des organisations, la médiation sera bien promue. Dans tous les cas, la CPMN est placée mieux que toute autre pour développer une conception de la médiation au service effectif des personnes et des organisations.