Le choix entre une médiation assujettie au bon vouloir des tiers ou associée à la liberté de décision ?
Très intéressant le débat désormais sur la place publique concernant la médiation. Deux grandes idées se font face. On se croirait à l’époque de la discussion sur la liberté de religion ou la liberté de conscience. D’ailleurs, la parenté des deux débats a été soulignée par Maître Agnès Tavel et récemment encore par Aïcha Sangaré.
Un lobbying politico-économique contre un courant naissant
Tandis que nous allions faire Symposium à la Bibliothèque Nationale de France, sous le regard tri-centenaire de Diderot, la Fédération Nationale des Centres de Médiation a publié un communiqué contre notre démarche de promotion du droit à la médiation / médiation préalable.
Une position anti droit à la médiation contraire aux libertés démocratiques
Par delà les effets poétiques du communiqué, la volonté de la FNCM est de tirer un coup de semonce :
Le monde associatif de la médiation est en forte alerte, indique le communiqué. En effet, des rumeurs semblent accréditer l’idée d’une «médiation obligatoire» imposée aux justiciables. Cette «obligation» de recourir à la médiation ne trouve à l’évidence son origine que dans une vision gestionnaire de la Justice. Cette orientation n’est donc dictée que par un souci budgétaire.
D’abord, tout le « monde associatif » ne fait pas partie de cette conception d’une médiation assujettie à la volonté de tiers conseil ou juge, d’une médiation orientée vers l’obéissance à des préceptes moraux et à des conceptions légalistes liées à des pré-jugements du système judiciaire. Ensuite, il ne s’agit pas de « rumeurs » qui « semblent« , mais bien de discussions qui ont lieu dans des ministères. De plus, il s’agit bien moins de considérer les personnes comme des « justiciables » (ce qui dénote une conception de la médiation) plutôt que comme des citoyens. Par ailleurs, il s’agit moins de « médiation obligatoire » que d’une réflexion sur la diversité d’application du « droit à la médiation ». Enfin, il est étonnant qu’après avoir fondé l’intérêt de la médiation pour obéir que professe la FNCM et l’institut catholique sur les économies budgétaires, elle fasse soudainement dériver ses arguments sur notre terrain pour trouver à sa forme de médiation des intérêts idéologiques proches de la philosophie.
Un débat de société pour le renforcement du libre arbitre par le droit à la médiation
D’évidence, les inspirateurs de la FNCM tendent à embarquer une partie de la profession du droit dans une direction qui est contraire à l’évolution démocratique. La démocratie, c’est aider les personnes à être plus libres, même quand elles sont enfermées de leur propre fait dans une situation d’apparence inextricable. Le droit à la médiation constitue une proposition de cette extension de l’exercice du libre arbitre, avec son revers : l’obligation préalable de médiation. Cette dernière n’est donc pas une atteinte à la liberté, mais comme l’instruction obligatoire, une instrumentation supplémentaire pour une citoyenneté plus responsable et sereine. La médiation (pourvu qu’elle soit professionnelle) n’est donc pas un pis aller où l’on passe de « mauvais accord vaut mieux qu’un bon procès », c’est plutôt le système judiciaire qui est le pis aller de la liberté citoyenne, puisqu’elle consiste à placer le citoyen sous tutelle de l’interprétation et de la décision d’un tiers.
Un débat s’amorce donc. Mais qui sont les acteurs ? D’un côté les médiateurs professionnels, avec leur école, l’EPMN, leur syndicat, la CPMN, et leur réseau de partenaires, ViaMediation. Ces trois organisations préconisent une médiation des conflits fondée sur la rationalité, une méthodologie éprouvée, des processus opérationnels avec des médiateurs attentifs au résultat de leurs interventions. Les médiateurs professionnels proposent le droit à la médiation, parce qu’ils savent, déjà par eux-mêmes, qu’un conflit n’est pas un choix de liberté, mais de manque d’autonomie. Ils savent que le système confiscatoire de la liberté de décision est la pire des choses qu’un citoyen vigilant à sa liberté, peut vivre. Ainsi, la médiation préalable, comme moyen de renforcer l’exercice de la libre décision, est une évidence démocratique.
Et du côté des contradicteurs ? Il leur est difficile d’accepter le débat public, souvent tant ils s’emportent. Mais on y trouve la très influente FNCM hébergée par l’ordre des avocats de Paris, dans des locaux extraordinaires place Dauphine. C’est vrai que la FNCM représente l’un des grands courants de la médiation en France : le courant juridico-judiciaire. Cette posture enferme la citoyenneté dans l’idée que lorsqu’on a un conflit qui peut faire l’objet d’une procédure, il faudrait s’en référer à un juriste plutôt qu’à un professionnel de la qualité relationnelle, soit les médiateurs professionnels (CPMN). Il est tout aussi vrai que la FNCM est intimement associée à l’institut catholique de Paris. Ce qui fait deux grandes raisons pour défendre une conception de la médiation relativement éloignée de la médiation pour aider les citoyens à exercer leur libre arbitre.
C’est donc dans un débat de société que commence à entrer la médiation des conflits, un débat de fond et j’espère que les contradicteurs sauront développer et fonder leurs thèses de manière plus probantes s’ils veulent convaincre, parce que le droit à la médiation est en marche. Et ce n’est pas parce qu’un droit est en marche qu’il est institué, on a déjà vu cela…
A titre d’exemple, dans un ministère plutôt essentiel, celui de l’intérieur
La compréhension de ce droit à la médiation, comme impliquant de fait deux parties opposées en face d’un médiateur professionnel, passe implicitement par une réflexion profonde et personnelle sur les fondements ou courants idéologiques dont nous sommes emprunts, voire conditionnés ici en France, de par notre histoire, pour nous mettre enfin en face de cet héritage et décider sans peur d’être libre de nos décisions, particulièrement dans les situations conflictuelles délicates et paralysantes.
Faire un parallèle avec le recours administratif pour justifier la médiation obligatoire, c’est aller un peu vite en besogne. A vrai dire c’est un peu court sur le plan des idées et du concept.
Quelle agressivité contre une position favorable à la construction d’une liberté. La retraite n’inspire manifestement pas un ancien de l’administration du travail 😉
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