Après la polémique sur le mariage pour tous, voici venir celle sur le divorce. D’un côté on facilite les unions, de l’autre, les séparations. En faisant cela, Christiane Taubira ne s’en prend pas à l’institution judiciaire, mais à ce qui en occasionne l’encombrement. Pour le mariage, des lobbys confessionnels et idéologiques se sont dressés. Maintenant, certains gens de justice (et beaucoup des mêmes) vont chercher à agiter la crainte par substitution pour justifier leur opposition à cette évolution. En réalité, les droits de chacun(e) seront bien protégés. La ministre ne restreint pas les moyens judiciaires, au contraire : elle a fait rétablir ici quelques TGI et là quelques chambres détachées. Sa démarche conjugue économie et liberté.
Le divorce par consentement mutuel en toute liberté ?
Un divorce sans juriste ? Ce n’est pas encore tout à fait le cas, on ne divorce pas en France comme on se marie. Pas encore tout à fait. Nous pourrions aller en mairie et faire la déclaration. Serait-ce trop simple ? Certains seraient-ils tentés de divorcer chaque matin ? Faut-il entretenir la méfiance ou promouvoir la confiance dans la pratique du lien social ? C’est en gros deux courants de pensée : ceux qui pensent qu’il faut contraindre les autres, en entretenant la défiance voire la méfiance comme diluant des relations sociales, et ceux qui pensent que la confiance doit être affirmée comme le ciment social.
Un gain économique pour l’Etat, un gain en liberté pour les citoyens
Le divorce que Christiane Taubira est en train de concocter est un divorce sans frais de justice, et sans coût social : pas de juge, pas d’aide juridictionnelle. L’économie va être considérable, puisqu’elle concerne plus de 50 % des divorces en 2012, soit plus de 69 000 procédures. L’affaire est d’importance. Mais est-elle bien présentée ? Que gagneront les citoyens avec cette nouvelle mesure ?
Plus de liberté, serait-ce trop ?
Rien n’empêchera les époux qui pourraient se sentir lésés d’engager une procédure. Le principe, c’est que ceux qui voudrons divorcer en plein accord, même obtenu en médiation, pourront se passer de tous les coûts et les aléas de l’archaïsme des procédures.
La médiation pour aider à prendre la meilleure décision possible ?
On passe de l’avocat obligatoire à la dispense d’avocat. La profession va devoir reformer ses pratiques et revoir ses fondamentaux de formation. Le nouveau divorce par consentement mutuel ressemblera à la rupture d’un Pacs. Il ne fait pas beaucoup d’imagination pour comprendre dans quel sens va l’évolution de la déjudiciarisation. Sans aucun doute, la profession d’avocat va devoir évoluer et intégrer des pratiques très différentes de celles de ses fondamentaux d’affrontement.
L’idée va être présentée par la Christiane Taubira à l’Unesco les 10 et 11 janvier et ensuite elle s’est engagée à un processus de concertation.
A la différence du projet qui avait été présenté voici plusieurs années et qui prévoyaient les divorces devant le notaire, la médiation professionnelle est annoncée par Dominique Bertinotti comme un moyen de facilitation et une garantie de réflexion des époux.
Bonjour, dans le champ de la famille, le professionnel adéquat est sans aucun doute le médiateur familial diplômé d’état et non un médiateur généraliste.
En effet, au cours de notre formation, nous étudions aussi le droit de la famille. Nous ne sommes pas des experts comme les avocats, mais cela nous permet de connaître le contexte juridique dans lequel les personnes évoluent.
l’EPMN délivre un certificat généraliste mais n’est pas agréé pour le diplôme d’Etat.
En matière de famille, le diplôme d’Etat est la référence, comme pour les autres médiation, il y a une différence entre les médiateurs amateurs et les professionnels… et comme vous le dites cela pourrait éviter les confusions…
Cendrine
Bonjour Cendrine, merci de votre intérêt et de votre suivi de la médiation professionnelle. Il est important que vous compreniez que le système dans lequel vous vous trouvez engagée, par cette quête de la reconnaissance de l’Etat, corrompt le principe de l’indépendance de la médiation. Imaginez-vous un diplôme d’Etat iranien de médiation familiale ? Vous trouveriez cela risqué et vous trouveriez les arguments. Peut-être préféreriez-vous le silence embarrassé. Personnellement, je me suis engagé sans ambiguité pour l’égalité des droits.
L’Etat est un cadre culturel (médecine, droit, archi… ) et maintenant médiation. Quelle erreur. Vous imaginez les conséquences sur l’indépendance culturelle de ces médiateurs fondamentalistes, tenus, comme en France, à faire passer des principes culturels, et à concevoir leurs interventions selon les principes édictés par l’autorité de tutelle. Vous voyez les conséquences effectives sur la libre décision qui devrait caractériser les accords de médiation ?
En effet, les médiateurs familiaux sont, aux dires mêmes de magistrats très investis (ex. Marc Juston), au service du juge. Ce n’est pas une garantie d’indépendance, moins encore d’impartialité, quant à la neutralité, il fait tout revoir. C’est évident que la médiation familiale ne peut avoir plus de résultat que ce qu’elle obtient : péniblement 75% d’accord sur les médiations entre des personnes qui ont réussi à passer les mailles de l’incompétence des prestataires reconnus par l’Etat.
Les médiateurs professionnels ont donc de nombreuses raisons, pour promouvoir la qualité de la médiation, de demander l’abrogation de ce diplôme qui d’ailleurs, à notre demande, n’a assuré aucune exclusivité d’exercice. C’est à ma connaissance le seul diplôme d’état à être tenu dans cette marginalité.
Il est néanmoins vrai que l’absence d’impartialité d’un médiateur ne risque pas d’influencer les parties sur leur accord, mais c’est la cause principale des abandon de la médiation par les protagonistes qui viennent pourtant voir le médiateur. C’est que cela, l’absence de compétence posturale provoque « seulement » l’abandon de la médiation. C’est différent du manque d’impartialité d’un juge, puisque c’est lui qui rend la décision…
Merci encore de vous tenir informé. Je ne peux que vous inviter à poursuivre votre lecture de notre journal en ligne. Cordialement.
Dans le propos de Dominique Bertinotti, il conviendraient de savoir ce qu’elle entend comme différence entre la réalisation de médiations, qui doivent être assurées par des « médiateurs professionnels » et le fait d’assurer des « actes de médiation » par les avocats.
Faut-il simplement comprendre qu’elle considère que les avocats doivent se limiter à vérifier les accords de médiation, en tant que seuls éléments de nature juridique et donc relevant du champ de compétence exclusivement réservé aux juristes professionnels ?
Si tel est le cas, serait-ce la marque d’une volonté officielle de différencier le « médiateur professionnel » du « juriste professionnel » et de mettre un terme à une confusion qui tendrait à être entretenue ?
Merci pour ces échanges. Dans l’article des Echos, il est précisé que « Toujours selon « Le Figaro », les avocats spécialistes en droit de la famille s’inquiètent des conséquences de la disparition du juge qui « risquerait, selon eux, de fragiliser l’accord entre les ex-époux ». » Il est permis de s’interroger sur les intérêts défendus par les avocats en droit de la famille. En effet, en quoi un accord pris par les parties elles-mêmes, en toute autonomie, confiance, liberté et responsabilité dans le cadre d’un processus de médiation, serait-il plus fragile qu’une décision prise par une tierce personne (le juge) étrangère à la dimension émotionnelle inhérente à toute décision de divorce?
Les avocats pourront-ils vraiment avoir double casquette, d’avocat ou de médiateur selon les cas, comme semble l’envisager la ministre? Extrait article Les Echos « La médiation pourrait être confiée à des médiateurs professionnels ou même des avocats, a-t-elle dit. »
Fantastique. Merci pour cette vidéo qui répond à ma question.
La médiation professionnelle est promue sans ambiguité par la ministre déléguée à la Famille
Bonjour, c’est une occasion de promouvoir également le droit à la médiation. Quelles actions la CPMN peut-elle entreprendre afin de faire connaître son action auprès de la ministre? Le droit à la médiation répondant dans ce cas à la plupart des problématiques que Mme Taubira souhaite élucider: plus d’économie et plus de libertés, et une pratique de la confiance en société, c’est-à-dire de l’altérité.
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