Le conseil de prud’hommes chemine vers le droit à la médiation

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En France, le conseil des prud’hommes (CPH) est compétent pour les litiges individuels nés de la relation de travail. De nombreux rapports ont pointé les dysfonctionnements affectant le processus de règlement de ces litiges. Ainsi, l’étape obligatoire de conciliation prud’homale n’a permis de résoudre le litige que dans 5,5 % des affaires en 2013. En outre, le taux d’appel des décisions rendues par les conseils des prudhommes (environ 60 %) apparaît excessivement important au regard des autres juridictions. Enfin, les délais dans lesquels s’inscrivent les procédures apparaissent particulièrement longs (plus de 15 mois en moyenne en 2012) et ont justifié des condamnations réitérées de la France sur la base de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales. Source TRÉSOR-ÉCO – n° 137 – Octobre 2014 – p.12

Ai-je réellement besoin d’argumenter après ce constat réalisé par la direction générale du Trésor ?

« Les litiges individuels nés de la relation de travail »

Ces litiges sont en fait des conflits :

  • un élément émotionnel fort qui explique le taux d’appel des décisions,
  • un élément technique évident (les intérêts et les enjeux)
  • et un élément juridique cause de la présence devant ce tribunal (la clause du contrat).

En terme de conflit individuel, l’émotionnel ne peut être pris en charge par le droit, pour les relations il faut un professionnel qui intervient sur la qualité des relations.

« la conciliation prud’homale n’a permis de résoudre le litige que dans 5,5 % des affaires en 2013″

La conciliation comme la justice, ne s’occupe de la constante émotionnelle que pour déterminer le montant de la réparation, voir un dédommagement qui dans tous les cas ne constitue pas une reconnaissance, puisqu’il est forcé, ce qui explique l’échec de cette procédure. Là encore, la constante émotionnelle doit être prise en compte au préalable de toute action technique. La problématique émotionnelle découle de la relation.

« le taux d’appel des décisions rendues par les conseils des prudhommes (environ 60 %) »

L’insatisfaction vis à vis des décisions judiciaires est telle que la réponse en termes de droit ne peut à elle seule expliquer ce taux d’appel. La justice tranche les situations au regard du droit, la justice ne peut avoir tord dans 60% des décisions. Si la décision n’est pas seule responsable et que la dynamique conflictuelle perdure après le rendu de justice, c’est la problématique à l’origine du conflit n’est pas résolue.

« Les délais »

Les délais sont la conséquence de ce taux d’appel de 60% et du faible taux de réussite de la conciliation 5,5%. Une meilleure prise en charge de ce qui constitue la cause de la venue devant le conseil des prud’hommes permettrait de diminuer le taux d’appel, de pallier l’échec de la procédure de conciliation et ainsi permettre aux actions relevant de la justice d’être traitées dans des délais raisonnables, ce qui est un engagement de la justice française.

« La sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales »

Article 1 des droits de l’Homme et du Citoyen : « Les Hommes naissent libres et égaux en droit »

Or la confrontation et la bataille sont privilégiées dans le droit actuel.

Si j’intente un procès contre vous vous ne pouvez vous y extraire, l’accusation que je porte constitue une attaque, une action guerrière en réaction à ce que je considère comme une attaque de votre part.

 

Ce qui existe n’est pas satisfaisant et constitue même une infraction répétée à la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme.

La médiation professionnelle est adaptée aux conflits interpersonnels quel que soit le conflit (emploi, famille, relations publiques…) par son approche rationnelle basée sur la qualité des relations afin de permettre la résolution par les personnes en offrant un espace de libération et en permettant la libre décision des personnes.

La médiation professionnelle est la réponse à l’échec de la conciliation (taux de réussite sans commune mesure) surtout par la différence d’intervention, le conciliateur propose une solution qui lui parait intermédiaire aux positions de chacun, le médiateur permet l’émergence d’une solution librement consentie entre les personnes.

La médiation professionnelle projette dans le temps les solutions afin de prendre conscience des tenants et les aboutissants, assurant la satisfaction de la solution choisie, ce qui réduit d’autant les appels qui sont causés par ces insatisfactions.

La médiation professionnelle est une réponse aux délais de traitements des situations conflictuelles. Par la prise en charge des conflits (et non des litiges ou des différends) les cas nécessitant une unique réponse judiciaire ne seraient pas noyées par les conflits qui nécessitent une réponse relationnelle préalable. Cette action préalable de la médiation professionnelle réduira le nombre de procès et exponentiellement le nombre de recours quant aux décisions.

La médiation professionnelle a la solution pour la sauvegarde des droits fondamentaux :

Si je souhaite mettre en place une médiation afin de trouver librement un accord avec l’autre, ce qui constitue une attitude rationnelle de résolution de conflit, je ne peux vous obliger à y participer.

Obligation du combat contre interdiction de l’amiable.

Celui qui veut résoudre le conflit a moins de droits que celui qui veut se battre pour imposer sa solution.

Le droit à la médiation rétablie la liberté individuelle de choisir la façon dont un conflit sera résolu et de choisir librement les termes de cette résolution.

Tous les voyants sont aujourd’hui au vert pour assurer ce qui fait partie de la liberté fondamentale prévue à l’article 1 des droits de l’homme et du citoyen, le dernier pas à franchir et de rétablir un droit à l’égalité des droits en actant le droit à la médiation.

Lettre Tésor Eco n°137 Octobre 2014 – p.12

 

4 Commentaires

  1. Bonjour,
    Je souhaiterais utiliser votre photo comme représentation pour du droit du travail, pourriez-vous m’accorder votre autorisation s’il vous plaît?
    Merci beaucoup,
    Pauline

    • Bonjour Pauline,
      Cette image ne m’appartenant pas, je n’ai pas à vous autoriser, je vous remercie d’avoir posé la question.
      Si d’aventure vous souhaitiez parler de médiation dans votre publication, je serais ravi d’échanger.
      Cordialement
      Jérôme.

  2. Le tout est que chaque situation ait sa réponse opérationnelle, un conflit (définition de médiateur professionnel) n’a rien à faire en justice tant que la dimension émotionnelle n’est pas purgée pour le transformer en litige ou différend ou polémique… C’est bien par la définition rationnelle de la situation que chaque profession pourra agir de concert pour une efficacité accrue de chaque dispositif. Cet article est à mettre en parallèle de l’article d’Antonio Fernandes sur le document unique d’évaluation des risques et sur l’article à paraître lundi.

    Chaque acteur se sentira plus à l’aise et plus efficace si la définition des situations est plus précise et permet de mettre en miroir un type d’intervention.

    Je te remercie Jésus de ton apport à cet article, les questions sont encore nombreuses et la confrontation des idées permet de faire émerger des idées nouvelles…

  3. Bonjour et merci pour cette analyse. Peut-être convient-il de souligner deux choses. Tout d’abord, du point de vue de la démarche de justice (elle concerne bien, indirectement, la médiation professionnelle) il importe que la phase de conciliation fonctionne normalement. A l’origine, le Conseil de Prud’hommes était un tribunal fondé sur la conciliation. Ce n’est que du fait d’une dérive qu’il est devenu un « tribunal », pour des raisons bien mises en évidence dans l’article et qui tiennent à la culture de l’adversité. Pour cela, les organisations impliquées dans l’institution prud’homale (employeurs et syndicats de salariés) ont des propositions à revendre… Le législateur devrait peut-être prendre ses responsabilités et renforcer le pouvoir du juge de la conciliation. Ensuite, on ne soulignera jamais assez que les propositions faites par la médiation professionnelle pour intervenir aux côtés des parties prenantes dans un conflit en vue d’un règlement de sa dimension émotionnelle ne sont en aucun cas exclusives du droit pour tout citoyen de recourir à la justice. Autrement dit, la médiation professionnelle ne vise pas à remplacer le droit, mais à promouvoir une dimension nouvelle et de plus en plus indispensable dans le traitement d’un conflit. Indispensable, mais aussi libératrice, puisque oui ! Comme le souligne l’article, la médiation recourt à la libre décision des personnes. D’une certaine manière, se trouver contraint de solliciter un juge est un constat d’échec. L’échec de deux interlocuteurs à régler leurs problèmes en s’appuyant sur leur libre arbitre. C’est d’ailleurs dans ce lien étroit entre liberté et droit que réside l’essence même de la médiation professionnelle : il est impossible de développer cette discipline en-dehors d’un « état de droit »…

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