Quand j’entends parler de management bienveillant, je me dis qu’il s’agit peut être d’un de ces buzzwords à la mode proposée par les nouveaux penseurs du management, et sans doute influencé par ma formation de Médiateur Professionnel, les mots de bienveillance et de malveillance me mettent mal à l’aise.
Dire de quelqu’un ou de quelque chose qu’il est bienveillant ou son contraire, n’est-ce point porter un jugement ? Dans l’affirmative c’est dommageable, car le jugement est un des ferments de la dégradation relationnelle, et dans ce cas les bonnes intentions du management bienveillant nous conduiraient en enfer.
Ce n’est pas sans me rappeler un des courants de la médiation où l’on s’en remet aux valeurs religieuses pour moraliser un différend entre les personnes.
Je m’interroge également sur les entreprises qui médiatisent leur nouvelle approche managériale, celle de la bienveillance bien entendu, et une question me taraude l’esprit : « Mais que proposaient-elles auparavant à leurs collaborateurs ? »
Et puis j’essaie de me mettre à la place d’un manager, à qui l’on pourrait reprocher de ne pas être bienveillant à l’égard de son équipe sans qu’il ne comprenne vraiment ce que l’on attend de lui. De quoi générer des incompréhensions et des crispations, et du coup c’est le gardien de la bienveillance qui va devenir à son tour jugeant et qualifiant, en contradiction avec les idées qu’il promeut.
Il faut également prendre en compte la manière dont l’ensemble des collaborateurs vont recevoir ce qualificatif de bienveillant, ce qu’ils vont en comprendre et ce qu’ils vont en faire dans l’expression de leur quotidien professionnel. On a déjà vécu quelques confusions dramatiques avec le tutoiement en entreprise, il ne faudrait pas recommencer avec ce nouveau concept du management bienveillant.
Mais est-il si nouveau que ça ?
Le philosophe André Comte-Sponville nous expliquait, en janvier 2012, que la vocation d’une entreprise est de faire des profits et non pas de faire le bonheur de ses salariés. Pour autant, et c’est là le paradoxe, le bonheur des salariés contribue à rendre l’entreprise plus efficace. De quoi est fait le bonheur d’un collaborateur ? Du respect, de la motivation, de la confiance, de la reconnaissance et du bien-être. Conséquemment, le chef d’une entreprise est un professionnel du désir de l’autre, quand il s’agit de ses clients on parle de marketing et quand il s’agit de ses salariés on parle de management.
Mais il ne peut y avoir de désir que lorsqu’il y a de bonnes relations, et dans la profession de médiateur, Jean-Louis Lascoux a appelé ça de l’ingénierie relationnelle au service de la qualité relationnelle.
Notes et références :