Vous êtes en conflit ? La situation vous est très désagréable, que ce soit dans la vie professionnelle ou la vie personnelle, dans la vie associative ou la vie politique ; votre réflexe est d’aller en « Justice ». Pourtant, le système judiciaire n’a pas toujours existé. En matière civile, ce recours est remis en cause. Dans tous les pays d’Europe, les législations évoluent. Désormais, initialement pour des raisons budgétaires, les modes amiables ont la préférence des gestionnaires gouvernementaux. Vous allez devoir penser « processus de médiation » plutôt que « procédure judiciaire ». Le législateur français, en cohérence avec le législateur européen, ouvre les portes des palais de Justice. La profession d’avocat s’en trouve vent debout, secouée dans sa pratique « demandeur/défendeur ». Faisons le point des anciennes pratiques, des pratiques traditionnelles et de ce qui peut apporter quelques changements avec la nouvelle « profession de médiateur » promue depuis 20 ans par la Chambre Professionnelle de la Médiation et de la Négociation – CPMN.
Cet article est plus développé que celui, sur le même sujet, publié sur le site Miroir Social (que je remercie). Notamment, vous trouverez dans nos colonnes les définitions de chaque mode de régulation relationnelle :
Les ADR, c’est l’Amérique libérale ?
Depuis la fin des années 1990, pour diminuer les dépenses liées au règlement des différends judiciarisés, des pratiques nouvelles ont été mises en place par le législateur. Il s’agit des « Modes alternatifs de règlement des conflits – MARC » (MARL pour les litiges, et MARD = Différends). Modélisés dans le courant des années 1970, aux États-Unis, ce sont les ADR, les « Alternatives Disputes Resolution ». Il a fallu un peu de temps pour faire glisser l’exercice d’un recours institutionnel sous finances publiques, avec toute la logique du souverainisme d’État, et en arriver à la privatisation de la gestion du « Contrat Social ». En creusant un peu, on y trouve la pensée, libérale avec une tolérance très repliée sur un souverainisme intemporel, de John Locke (1632-1704). Les administrateurs des états occidentaux ont vu l’intérêt de renvoyé au privé les coûts infrastructurels. Néanmoins, le paradigme du Contrat Social est préservé. Même s’il est de plus en plus insatisfaisant, ils placent autant que faire se peut les accords sous un contrôle juridique, voire judiciaire ou administratif. Néanmoins, c’est la suppression progressive de cette « sécurité sociale » de la dégradation relationnelle : moins de tribunaux, moins de juges, décourager les procédures : c’est le sens de la réforme du judiciaire depuis des années.
Les approches désignées sous le nom d’ADR et de MARC sont une combinaison de pratiques ancestrales d’avant le XVIIème siècle, période de la conceptualisation du Contrat Social. Désormais, une autre approche est proposée, que j’ai initiée, la Médiation Professionnelle, associée au paradigme de l’Entente et de l’Entente Sociale, dont l’appellation tend à se répandre par imitation, mais sans les techniques, méthodes et dispositifs. C’est une nomenclature que je vous propose ici, afin que vous puissiez choisir votre formation et vos intervenants en connaissance.
Les pratiques ancestrales de régulation relationnelle
La vie en société, question d’agrément, a conduit les humains à imaginer des pratiques de régulation des relations. De nos jours, ils existent des traces de ces pratiques ancestrales. Elles sont aussi utilisées, avec quelques abus, pour ancrer l’historique des fameux « ADR ». En réalité, le paradigme de référence n’est pas le même.
Ces pratiques ont des usages pluriels, sans jamais avoir été préventives d’un recours judiciaire, celui-ci n’existant pas. Elles avaient pour but d’aboutir à un apaisement relationnel. Rien d’alternatif en cela. Toujours plus ou moins actuelles dans quelques pays, certaines nécessitent l’intervention d’un tiers, d’autres pas. Elles ont en commun d’être liées à des croyances, voire à des superstitions combinées parfois à la « médecine traditionnelle ». L’objectif est le maintien ou la restauration du lien social par le dialogue assisté ou de chasser des forces maléfiques, soigner une relation ou une maladie. Un indien Lakota, John Fire Lame Deer (1903-1976), dans un texte éloquent, observait que : « Avant que nos frères blancs viennent nous civiliser » les manières indiennes de vivre était tout autre : pas de prison, pas de clés, pas de monnaie, pas de loi écrite ; ce qui l’amenait à se demander, ironiquement, comment ses ancêtres avaient pu s’en sortir sans ces choses jugées « fondamentales », par ses « frères blancs ».
Alors, parmi les pratiques ancestrales venues jusqu’à nous, j’en ai identifié six, dont certaines ont des variantes :
- calumet de la paix,
- exorcisme,
- hoʻoponopono,
- ambassade et médiation,
- palabre,
- parenté à plaisanterie.
Présentation des pratiques
- Calumet de la paix. Pratique indienne d’Outre-Atlantique, le calumet de la paix était un rituel à la fois religieux, médicinal et social. Il a notamment servi pour consacrer des accords de paix entre tribus indiennes et les occidentaux venus s’approprier les terres du « nouveau continent ».
- Exorcisme. Ce rituel religieux a été pratiqué bien avant le christianisme qui en a repris les modalités pour les mettre à exécution jusque dans les pires tortures. Pratique individuelle et souvent par exposition publique, l’exorcisme vise à faire changer la manière de penser d’une personne considérée comme dévoyée par le Mal. L’objectif était de réintégrer la personne ou de la supprimer de la vie sociale.
- Hoʻoponopono « remettre les choses en ordre ». La pratique hawaïenne est chargée de pratiques fondées sur des superstitions et de la sorcellerie. Des adaptations modernes en font une pratique revendiquée de « thérapie familiale ».
- Ambassade et médiation. Cette pratique a existé surtout dans les relations entre les chefs de clans, les seigneurs et leurs vassaux. Peu importait la solution trouvée par des vassaux en conflit, dès lors qu’ils ne mettaient pas en cause l’autorité, l’organisation et les biens de leur seigneur. La médiation a été ainsi pratiquée dans les relations entre les chefs de guerre. Nombre de dictateurs et d’organisations dominantes, ont ainsi fait office (et c’est encore d’actualité) de médiateurs politiques. Les variantes de ce modèle de « médiation sous tutelle » est repris dans les pratiques des ADR et sont identifiées comme « médiations traditionnelles ».
- Palabre (pratique répandue dans des pays d’Afrique). La palabre est une pratique de la discussion assistée lors de différend ou pour une prise de décision. Selon les cas, tout ou partie de la communauté d’un village peut y participer. La palabre a lieu dans un lieu fermé, sur une place de village et parfois sous un arbre, d’où le nom « d’arbre à palabre ». Une ou plusieurs personnes, considérées comme sages, animent les échanges. L’objectif de la palabre est la création ou de maintien de lien social, de régler un contentieux. Il existe une forte incitation à accepter le référentiel d’héritage culturel, notamment par le rappel opportun de la mémoire des ancêtres.
- Parenté à plaisanterie. Cette pratique d’Afrique de l’ouest et centrale consiste dans la mise en scène d’affrontements verbaux dans le but de favoriser la réconciliation et la cohésion sociale en donnant l’opportunité de mettre en mots les causes de différends, la manière de les vivre et de considérer la partie adverse. Il n’y a pas de limites verbales, ce qui donne souvent lieu à des insultes originales et comiques, d’où le nom de la pratique.
Le modèle occidental a été traversé par certaines de ces pratiques. Mais le système théâtral du judiciaire, sans doute hérité de la Grèce puis de la Rome antiques, a été de plus en plus perfectionné, apportant des rituels, des textes de références pour canaliser les débats. Arrivé à saturation de son recours, le modèle judiciaire est de plus en plus remisé pour faire place à des pratiques à la charge d’une ou de toutes les parties.
Les alternatives au système judiciaire
Les pratiques alternatives à l’intervention judiciaire font intervenir un tiers dont la mission est d’amener les parties à trouver un accord en conformité avec la Loi, la Morale et les normes psychosociales. Ce tiers, qu’il soit nommé médiateur ou conciliateur, a une indépendance, une neutralité, voire une impartialité toutes relatives. Les praticiens considèrent d’ailleurs que si les parties ne trouvent pas d’accord, c’est qu’au moins l’une d’entre elles ne le veut pas ou qu’elle est de mauvaise foi.
Les MARC et leurs déclinaisons en MARL et MARD (ADR) sont reliés au modèle du Contrat Social, lequel est une conception récente (XVII° siècle) du cadre dans lequel les citoyens doivent accepter de renoncer à l’exercice de certains aspects de leur Liberté. J’en ai également identifié six :
- arbitrage
- conciliation
- droit collaboratif
- compromis transactionnel
- médiation traditionnelle (sous tutelle juridique, judiciaire ou administrative)
- consensus approximatif
Présentation des pratiques
- Arbitrage (avec la clause compromissoire) : dispositif privé où un tiers décide à la place des parties, avec une tutelle judiciaire.
- Conciliation : un tiers écoute, encourage à la conciliation, le cas échéant préconise et, en cas de rejet de sa proposition, renvoie en procédure
- Droit collaboratif : sous tutelle juridique.
- Compromis transactionnel : sous tutelle juridique.
- Médiations traditionnelles (administrative, judiciaire, consommation) : sous tutelle administrative et juridique. La pratique de la médiation n’aboutissant pas se transformant en arbitrage en est une variante.
- Consensus approximatif (consensus arbitré) : utilisée le plus souvent pour les décisions collectives, ce système est sous contrôle d’un arbitre. La voix de celui qui préside est prépondérante.
Voici donc ci-dessus l’inventaire assez précis des Modes Alternatifs de Règlement des Conflits. Maintenant, les nouvelles pratiques, impliquant une posture distanciée du tiers, le médiateur professionnel : indépendance de toute autorité, impartialité relativement aux parties, aux enjeux et intérêts et neutralité quant à l’issue choisie et la solution adoptée.
La médiation professionnelle et l’ingénierie relationnelle
Associée à une recherche sur la décision libre (« La décision, ça s’apprend, et avec elle la Liberté »), cette pratique a été conçue dans le courant des années 1990. En réalité, plus de 3 décennies de travail. C’est en 2000-2001 que j’ai proposé les premières formations à la Médiation Professionnelle, avec un « processus structuré » ordonnées au moyen des savoir-faire en « qualité relationnelle ».
Voici l’inventaire des instrumentations actuelles au service des Ententes et de l’Entente Sociale :
- Médiation Professionnelle
- Dispositif de Médiation Professionnelle Internalisé ou Externalisé (DMPI / DMPE)
- Enseignement de la Qualité Relationnelle (QRT pour le Travail)
- Ingénierie Relationnelle
- Convention Ethique ViaMediation
Présentation des pratiques
- Médiation Professionnelle : enseignement méthodologique et pratique structurée et structurante d’aide à la décision et à la définition de projet relationnel. Elle repose sur les techniques développées en Ingénierie relationnelle, intégrant un raisonnement discursif et la perspective de la Qualité relationnelle. Son paradigme est celui de l’Entente et de l’Entente Sociale.
- Dispositif de Médiation Professionnelle Internalisée ou Externalisée pour les organisations : recours à un dispositif interne ou externe de promotion de la qualité relationnelle au travail (QRT)
- Enseignement de la Qualité Relationnelle, notamment pour les relations au travail, la QRT. Programmes de formation présentiel et distanciel (elearning), avec ateliers de pratiques.
- Ingénierie Relationnelle : diffusion des techniques appliquées aux différents contextes : enseignement, management, vie associative, gouvernance.
- Conventions éthiques d’engagement à la médiation professionnelle (ViaMediation) : engagements des professionnels (commerçants, industriels, administrations) à favoriser le recours aux dispositifs, techniques et méthodes favorisant l’Entente et l’Entente Sociale.
Aujourd’hui, dans les pays occidentaux, les médiations sont promues. Les raisons ne sont pas encore satisfaisantes pour les démarches participatives, mais il est possible d’accélérer le développement de la « profession de médiateur » qui précisément et pour sa performance, affirme une posture contributive à l’exercice de la décision libre et motivante (résolution de conflit). Elle réactualise l’usage de la Raison. Elle vient soutenir et instrumenter la recherche que chacun peut avoir de renforcer la qualité du dialogue social (QRT et management contributif) et le doter de savoir-faire en matière décisionnelle et relationnelle (conduite de projet).