Médiation familiale, médiation patrimoniale, médiation judiciaire, médiation de la consommation, médiation d’entreprise, médiation administrative, médiation commerciale, médiation hospitalière… La liste est longue d’une prétendue nécessité d’adaptation aux secteurs, domaines, environnements et activités professionnels. 

La médiation, entre paradoxe et mystification

La formation à la médiation est devenue un marché. Depuis à peine quelques années, un nombre important de nouveaux acteurs arrivent. Souvent spécialistes en matière de management et, parfois, de la « gestion des conflits », ces nouveaux spécialistes opèrent ici de la même manière qu’ils l’ont fait dans les approches managériales. Ils accommodent des propositions avec des intitulés tendant à faire croire que le domaine d’activité nécessite des adaptations. Les décisionnaires au sein des organisations, imprégnés de leur spécificité contextuelle, se laissent embarquer par l’idée d’un ajustement à leur environnement, avec des discours d’ambiances.

Cette idée de singularité est renforcée par les préjugés relatifs à l’influence des cultures sur les causes de la dégradation relationnelle, et sur ce qui l’anime jusqu’aux conflits les plus durs et les plus durables. Elle est aussi soutenue par la représentation juridique des domaines d’expertises en matière civile. Ainsi, les conflits auraient une originalité selon qu’ils auraient lieu dans un hôpital ou dans une usine à béton, dans un club de boulistes ou entre deux employés de banque. A-t-on envie de le croire ou est-ce rassurant de l’imaginer ? Nous sommes ici dans le paradoxe du rétroviseur.

La mystification de la sectorisation de la médiation

Depuis des années, j’ai abandonné ce cheminement mystificateur. J’ai pu constater que la « détérioration relationnelle » et la « qualité relationnelle » procède de la même dynamique. C’est ainsi que j’ai initié la « Médiation Professionnelle », et élaboré l’« ingénierie relationnelle » avec le référentiel de « qualité relationnelle ». Pour faire de tout cela une instrumentation transmissible, il m’a fallu quelques trente années.

Alors, à la question de savoir s’il faut être un spécialiste de l’environnement de travail ou s’il faut prendre celui-ci en compte pour intervenir en tant que médiateur, je réponds clairement : non. La condition unique est d’être un Médiateur Professionnel formé à l’ingénierie relationnelle. En matière judiciaire, c’est la même chose. Il m’a fallu près de vingt ans pour faire entendre que les conflits judiciarisés le sont uniquement parce que les protagonistes sont entraînés par la dégradation émotionnelle de leur relation. Sinon ? Ils discuteraient. Ils négocieraient. Ils concèderaient. Ils trouveraient une solution compromissoire avec des accords les moins insatisfaisants possibles. Et plus si affinités. Maintenant, dans le judiciaire, ils restent des juristes pour présumer que la médiation nécessite une expertise dans le domaine des enjeux et intérêts matériels et financiers. Mais cette présomption s’estompe. Le travail d’information réalisé par la profession de Médiateur développée par la CPMN fait œuvre.

Désormais, la transversalité de la dynamique conflictuelle est mieux comprise. Pourtant, si les protagonistes des conflits en viennent à comprendre que ce qui les met en affrontement est leurs émotions plus que tout autre aspect de leur relation, les professionnels habitués à la « gestion » des différends ont besoin d’un changement de paradigme.

Ce qui fait un conflit n’est pas plus une idée qu’un bien, une religion qu’un droit, c’est la manière d’être en relation avec autrui. Il revient toujours à l’EPMN et aux médiateurs professionnels à promouvoir leur référentiel de compétences en matière de « qualité relationnelle ».

Il reste des habitudes de pensées. Elles sont tenaces. Elles sont accrochées, ventousées à l’idée que le raisonnable, la morale, le droit et les modélisations psychosociologiques seraient des palliatifs, en tant qu’alternatives fautes de pouvoir recourir à la procédure judiciaire. En réalité, ces pratiques de la médiation sont des ersatz, un amateurisme qui maintient le principe de la mise sous tutelle de la décision une fois l’accord trouvé. La cause est simple : les référentiels de ces médiations sont dans des rapports de supériorité de celui qui conduit l’intervention. Ces médiateurs évaluent. Ils se positionnent en juges de la pertinence des accords. Ils amalgament neutralité, indépendance et impartialité, et y mélangent des représentations de la confidentialité. C’est toute la différence avec la « Médiation Professionnelle » : celle-ci a comme instrumentation une méthodologie nouvelle. Elle est rationnelle. Elle garantit un accompagnement adapté à la sortie de la conflictualité par la « qualité relationnelle ». Les techniques et dispositifs sont de « l’ingénierie relationnelle ». C’est ce qui caractérise le cœur de métier des médiateurs professionnels. En sachant comment une relation se dégrade jusqu’à la détérioration conflictuelle, en identifiant ce qui motive les positionnements, le médiateur professionnel sait accompagner un projet relationnel. D’un conflit, il n’en fait pas une occasion de procès ou de procédures, ni un contournement de procédure. Il en fait un parcours d’élaboration d’un projet, soit dans la reprise, la continuité ou dans le cheminement séparé.

Ainsi, la sectorisation de la médiation est une erreur. Et la réponse est dans la promotion de la profession du 21ème siècle, avec l’approche moderne de la Médiation Professionnelle.