A l’attention de Monsieur Didier-Roland TABUTEAU
Vice Président du CONSEIL D’ÉTAT
1 place du Palais Royal
75001- PARIS-
Bordeaux, le 08 Décembre 2022
Monsieur le Vice-Président,
Le 18 novembre dernier, vous avez initié une note intitulée « référentiel de sélection des médiateurs à l’usage des juridictions administratives », considérant que les dispositions législatives en la matière ainsi que la Charte éthique des médiateurs dans les litiges administratifs élaborée en 2017 étaient insuffisants et ne permettaient pas de sélectionner « le meilleur » des médiateurs. Quant à la liste des médiateurs judiciaires établie dans le ressort des cours d’appel, celle-ci ne tiendrait pas compte d’une spécificité, celle relative au droit administratif.
Vous relevez la différence fondamentale qu’il y a entre la mission du juge administratif et celle d’un médiateur, considérant que le premier est un expert du droit et le second un expert de la médiation et nous vous en remercions, précisant même qu’un médiateur est un expert de la relation avant tout.
Partant de cette différence, la désignation par le juge administratif d’un médiateur doit se concevoir non pas comme un prolongement du contentieux ouvert mais comme une orientation de ce même contentieux vers un autre mode de résolution de conflit à part entière et autonome. Cette « passation » ne peut donc se faire que de professionnel à professionnel, et nous vous rejoignons sur cette idée. Toute personne, y compris juristes de métier, ne peut s’improviser médiateur.
Reste à savoir ce que l’on entend par professionnel et sur ce point, un référentiel éthique et déontologique est nécessaire. Cela étant, il semble que vous ne soyez pas en possession de toutes les informations dans ce domaine et nous sommes étonnés que référence soit faite à un livre blanc qui aurait été établi en 2017 par une association de médiateurs concurrente, à l’occasion d’un événement privé, interne à cette organisation, même si l’intitulé d’« états généraux de la médiation » est trompeur.
Médiation 21 est une association parmi d’autres qui ne saurait légitimement prétendre représenter l’ensemble des médiateurs dans leur ensemble, et de fait, bénéficier d’une quelconque exclusivité à vos côtés, dans le cadre d’un groupe de travail à venir, pour débattre d’un référentiel à imposer à ses concurrents.
Notre association, l’Ecole professionnelle de la médiation et de la négociation, EPMN, intervient depuis plus de 20 ans dans le champ de la médiation professionnelle. Elle forme des médiateurs judiciaires dans tous les domaines judiciaires et conventionnels : administrations, famille, et plus largement dans le civil, la consommation, le prud’homal et le commercial. A ce titre, elle a sollicité son intégration au sein du comité national de médiation.
Depuis 1999, nous faisons la promotion du droit à la médiation, du recours à la médiation obligatoire, de la médiation professionnelle, de la profession de médiateur, de la qualité relationnelle et du paradigme de l’entente et de l’entente sociale. Nous affirmons l’éthique et la déontologie de la profession du 21ème siècle, avec un code repris sous des formes variées par les associations de médiation traditionnelle. Nous organisons un événement international et nous avons notamment contribué aux Etats Généraux de la Justice organisés en décembre 2021, par le Ministère de la Justice.
Tout médiateur sortant de l’EPMN et diplômé du CAP’M (Certificat d’aptitude à la profession de médiateur) est intégré à la chambre syndicale internationale, la CPMN (Chambre professionnelle de la médiation et de la négociation). Il est un professionnel dans le sens où il exerce pleinement la profession de médiateur, est soumis à un CODEOME (Code d’éthique et de déontologie des médiateurs professionnels) et est régulièrement assuré.
Les médiateurs professionnels interviennent avec une méthodologie spécifique, l’ingénierie relationnelle et la qualité relationnelle, dans tous les domaines d’activité. Certains d’entre eux, médiateurs judiciaires ou pas, sont régulièrement désignés par des juridictions administratives et les résultats ont été à ce jour, plus que probants.
Pour tout vous dire, alors que nous avons développé depuis plus de 20 ans la profession de médiateur avec des processus structurés et un savoir-faire unique, nous sommes inquiets de la volonté affirmée par des associations du mouvement religieux notamment, de faire placer la médiation sous une autorité publique, atteignant ainsi à l’indépendance qui doit la caractériser, dans le respect de la laïcité et de l’altérité.
Si un groupe de travail doit être constitué au sein du Conseil d’État ou ailleurs, il ne pourra l’être qu’avec la participation de l’ensemble des acteurs principaux de la médiation, en tenant compte de la concurrence et des divers courants de pensée existants.
Aussi, nous sommes à votre disposition pour vous rencontrer et contribuer au nécessaire éclairage des juridictions administratives pour un meilleur développement de la médiation en tant que mode résolutoire des conflits.
Nous espérons vivement que la médiation en matière judiciaire et administrative ne soit pas accaparée par un courant idéologiquement et religieusement influent, alors que déjà des problématiques de concurrence apparaissent sur le marché de la médiation dans tous les domaines (formation, intervention, présence dans les instances).
Vous remerciant par avance de toute votre attention, nous vous prions d’agréer, Monsieur le Vice-Président, l’expression de nos salutations distinguées.