Tunisie : la médiation familiale dans un état trouble

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A lire un article paru sur Magharebia.com, la Tunisie serait en train de mettre en place la médiation familiale. Si tout se passe bien, à la rentrée, les textes seront adoptés. Un projet de loi annoncé le 8 juillet par le Conseil des Ministres vise à autoriser le Juge des Affaires Familiales à faire appel à un tiers ou « médiateur familial ». Mais de quelle médiation s’agit-il ? Un « tiers » indépendant, neutre et impartial ? Pour l’instant, rien n’est fait, mais ce qui est dit ne présage rien de bon pour la garantie des critères de posture des médiateurs.

Le parti pris contre le divorce

Le titre de l’article est éloquent : la Tunisie se met en quête de nouvelles solutions pour faire face au taux de divorce en hausse. La citation populaire mise en avant dans l’article est : « le divorce est devenu un sport national« … Plus loin, il est indiqué que 50% des demandes de divorce sont à l’initiative des femmes, ce qui sous-entendrait que cette liberté ne serait pas bien réfléchie… Il ne s’agit pas de garantir aux personnes en conflit de prendre la décision qui leur permettra de vivre librement, mais de diminuer le nombre de divorce et, manifestement ceux à l’initiative des femmes.

Pour que la médiation ait lieu, il faudra le consentement des époux. Le « tiers » neutre, ou « médiateur familial », aura pour mission d’aider « les époux à régler leurs mésententes, afin de préserver les liens familiaux et de protéger au mieux les intérêts des enfants« .

Les femmes plus que les hommes…

Pour que la médiation ne soit pas une illusion, il convient qu’il y ait quelques garanties institutionnelles préalables : un Etat de droit garantissant les droits humains et l’égalité des droits entre les personnes.

La confusion est forte sur le rôle de ce médiateur. On retrouve la même confusion,  mais plus explicitement énoncée qu’en France. Cette confusion explique l’échec global de la médiation familiale.

Le médiateur serait comme un « analyste psychologique », qui « se mettra en quête des liens pouvant être restructurés et réunis afin de faire revivre une relation qui s’émousse ou de rétablir une relation basée sur des choses positives », explique le législateur. « Sans tenir compte de la position de l’institution de la famille, le bien-être familial, s’il existe, aide à garantir celui des générations futures ».

La mise en doute de la seule décision des femmes et l’incitation à préserver la famille au nom de l’intérêt supérieur de l’enfant viennent contredire l’égalité de liberté de décision. Pour que les médiateurs soient performants dans leur accompagnement, il conviendrait de ne pas leur assigner un objectif de résultat.

En France, la médiation sous l’emprise de l’amateurisme

Quelques personnes sont venues de Tunisie et du Maroc, notamment des avocats et autres membres de professions règlementées, pour suivre la formation de médiateurs professionnels en France. Elles ont pu constater que le travail réalisé par certaines organisations désert la mise en oeuvre de la médiation. En effet, la confusion entre médiation et conciliation, réconciliation, arbitrage et négociation aboutit aux résultats navrants déjà pointés par les membres de ces professions en France, alors même qu’ils sont défenseurs de la médiation. Mais pour l’instant, l’amateurisme est aux commandes de l’influence pour orienter la médiation.

Il faut bien s’y résoudre, en Tunisie, la médiation devra aussi avoir deux obédiences : l’amateurisme et la médiation professionnelle, comme en France et dans bien d’autres pays.

Article repris in extenso par le site : www.tunisiawatch.com

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