La médiation ou la conciliation en entreprise?

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« lever l’ambiguïté »

Si le droit du travail français ne fait pas actuellement « obligation » aux parties en conflit d’avoir recours à la médiation, elle n’en constitue pas moins une « faculté » relevant des droits fondamentaux de la personne et des libertés collectives. Indéniablement, la médiation pour la résolution des conflits collectifs du travail des entreprises fait partie des « processus internes » visés par la directive européenne 2008/52/CE du 21 mai 2008 relative à la médiation civile et commerciale.

L’obligation de transposition faite à la France avant le 22 mai 2011, repose en la matière sur trois mesures essentielles pour permettre un développement efficace de la médiation : la désignation, la qualité et la qualification du médiateur . Pour autant, il appartient au législateur de lever les ambiguïtés tenant au règlement des conflits par la conciliation et celles résultant de leur résolution par la médiation.

  • Désignation du médiateur

A l’origine (décret N°55-478 du 5 mai 1955), la médiation était mise en œuvre à l’initiative des parties si elles en étaient d’accord ou à celle de l’autorité publique :
* par le président de la commission de conciliation en y conviant les parties,
* par le ministre du travail lui même en cas de conflit grave dans une seule entreprise.

D’un commun accord les parties choisissaient un médiateur figurant sur des listes régionale ou nationale.

Cette « procédure de médiation » à donné de bons résultats. Elle reposait sur la distinction juridique opérée par les partenaires sociaux et les pouvoirs publics entre « la conciliation » et « la médiation ». La première était réservée au règlement des conflits résultant de l’application de la loi du 11 février 1950 relative au régime des conventions collectives. La seconde étant pertinemment mise en mouvement en présence de conflit grave dans une entreprise.

Au fil du temps et des évolutions réglementaires, la conciliation s’est substituée à la médiation pour tous les types de conflits sur le fondement de l’article R.2522-1 du Code du travail « tout conflit collectif de travail est immédiatement notifié par la partie la plus diligente au préfet qui, en liaison avec l’inspecteur du travail compétent, intervient en vue de rechercher une solution amiable ». Dans la pratique, les pouvoirs publics ont privilégié le recours à la procédure de conciliation au détriment de la médiation, celle-ci étant considérée peu efficace et redondante avec leur mission de règlement à l’amiable. Dans ce contexte, la médiation est progressivement tombée en désuétude en perdant de l’intérêt pour les partenaires sociaux ; les pouvoirs publics négligeant pour leur part d’élaborer les listes de médiateurs « habilités » à intervenir dans des conflits. A titre illustratif, le dernier arrêté ministériel portant renouvellement de la liste nationale des médiateurs appelés à être désignés dans les conflits collectifs a été pris le 3 mai 1999 (JO du 18 mai 1999) sur le fondement de l’article R.2523-3 du Code du travail faisant pourtant obligation d’une révision triennale. Le même constat peut être fait pour la révision des listes régionales.

Dès lors, il n’est pas étonnant, qu’en présence d’un conflit grave dans une entreprise, tel que nous l’observons régulièrement à travers l’actualité, qu’un médiateur puisse être désigné par le ministre du travail ou son représentant, sans que celui-ci ait la qualité de médiateur conférée par la réglementation du travail.

  • La qualité de médiateur

Au terme de l’article 12 de la loi du 26 juillet 1957 favorisant le règlement des conflits collectifs du travail, les médiateurs sont des personnalités désignées en fonction de leur autorité morale et de leur compétence économique et sociale. Aucune obligation pour la conduite de la médiation, outre le respect des règles de procédure ne leur est faite. Le législateur n’a pas repris l’obligation de « confidentialité » tenant au secret professionnel en raison des documents communiqués et des faits que le médiateur peut apprendre au cours de sa mission, tel que l’avait stipulé le décret du 5 mai 1955 qui constitue le texte fondateur de la médiation en France pour le règlement des conflits collectifs du travail.

L’absence de dispositions relatives à la « posture » du médiateur constitue le premier handicap pour la résolution des conflits collectifs du travail. Lorsque les parties en conflit sont d’accord entre elles pour que soit apporté par la voie de la médiation une solution à leur litige, c’est précisément et spécifiquement parce qu’elles n’y parviennent pas par les voies juridiques et techniques classiques. L’aspect « émotionnel » de leur relation justifierait à lui seul pour le médiateur une obligation impérative de réserve, pour centrer déontologiquement sa communication sur les seules parties en présence. Les pratiques égocentriques de communication publique révélées par l’actualité, ne peuvent que desservir la cause des parties et plus largement celle de la médiation. Cet aspect de la qualité du médiateur justifie à lui seul que les pouvoirs publics précisent le statut du médiateur intervenant dans la résolution des conflits du travail en se référant à la directive européenne du 21 mai 2008.

2 Commentaires

  1. Les contributions de Michel Augras sur les modes de régulation, de gestion et de résolution des différends dans le monde du travail apporte aussi un éclairage sur l’origine de la médiation. La référence que je fais à Gaston Bouthoul concernant l’anticipation des conflits et leur traitement par la médiation en politique internationale vaut aussi pour la médiation au sein des entreprises. La source ne s’est pas tarie depuis l’après guerre en France. Il apparait donc tout à fait inexacte de dire, comme je le lis chez mes confrères auteurs d’ouvrages sur la médiation, que celle-ci est d’origine anglo-américaine. S’il s’agit de leur part d’une généralisation à partir de la pratique de la médiation familiale ou de la médiation de voisinage, c’est juste regrettable. Merci Michel pour les références aux textes…

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