La crise de l’intelligence affecte la gouvernance

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Les temps de l’inculture de l’époque obscure d’avant les Lumières sont révolus. Les savoirs sont désormais à la portée de tous. Il n’est pas nécessaire d’être un spécialiste pour prendre de nombreuses décisions. Si c’était vraiment le cas, nous ne pourrions bricoler ou réparer une tondeuse. Nous ne pourrions utiliser des plantes médicinales ou résoudre nos différends au quotidien. Nous ne pourrions nous replacer un membre brutalement déplacé. Pas plus, nous ne pourrions prendre des décisions d’entreprise, gérer notre argent, participer activement aux décisions politiques, sans l’intervention d’un tiers arbitre. Cependant, la pratique de la gouvernance tend à disqualifier les citoyens au nom du fait qu’ils ne sont pas et ne peuvent pas être des spécialistes de tout.

Ainsi, des « spécialistes » s’affirment dans la limitation de notre liberté de décision. Nous ne serions pas assez politiciens, pas assez au fait de la médecine, pas assez au fait de l’économie, pas assez pertinents pour les affectations de nos impôts, pas assez au fait du journalisme et des contraintes de l’information, etc. A tous moments, nous devrions accepter une mise sous tutelle. D’évidence, si au temps des Lumières l’usage de la raison a été promu pour faire évoluer la compréhension du monde et les connaissances, au 21ème siècle, un nouveau défi se pose à l’ensemble de l’humanité. C’est l’intelligence qui apparaît ne pas être au niveau.

L’intelligence c’est comme la Liberté, ça s’apprend

L’intelligence n’est pas de construire de faux raisonnements, mais au contraire de promouvoir l’éthique. Pour cela, l’intelligence est une construction de la conscience et de la rationalité, avec l’usage du doute, c’est en cela que l’humanité se distingue de l’ensemble du monde animal : la conscience du doute, le doute de la conscience, le doute rationnel. Mais tout un chacun ne sait pas en faire usage. C’est comme la liberté, ça s’apprend. L’ignorance a des conséquences importantes et certaines très graves.

Ainsi, plus qu’une crise économique conjuguée à une crise sanitaire, c’est une crise de l’intelligence qui affecte aujourd’hui la planète et la gouvernance dans le monde.

Interview de Laurent Toubiana, épidémiologiste